L’Algérie tente de s’attaquer au fléau de la corruption

L’Algérie tente de s’attaquer au fléau de la corruption

L’affaire fait la « une » de tous les journaux algériens. Le PDG de la Sonatrach, la compagnie nationale des hydrocarbures, Mohamed Meziane, 60 ans, a été suspendu de ses fonctions et placé sous contrôle judiciaire, après avoir été inculpé en milieu de semaine pour malversations.

Ses deux fils ont été placés sous mandat de dépôt.

Dix membres de la direction de la Sonatrach, dont trois vice-présidents, ont en outre été soit placés sous mandat de dépôt, soit sous contrôle judiciaire. Au total, pas moins de quatorze personnes sont aujourd’hui poursuivies par la justice. Un véritable séisme pour le premier employeur de l’Algérie (125 000 personnes), et surtout le principal fournisseur en devises du pays grâce à ses recettes pétrolières et gazières : 9,2 milliards de dollars de bénéfice net en 2008, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 80 milliards de dollars.

Le scandale a été rendu public, jeudi 14 janvier, par le quotidien francophone El Watan, qui révélait au passage que, « dans la précipitation », le ministre de l’énergie, Chakib Khelil, avait chargé la veille Abdelhafidh Feghouli, le seul des quatre vice-présidents de la Sonatrach à ne pas être éclaboussé par cette affaire, d’assurer l’intérim de la présidence du groupe.

Il serait reproché à M. Meziane et aux autres cadres dirigeants du groupe d’avoir favorisé deux bureaux d’études et une entreprise spécialisée dans la sécurité, en échange de pots-de-vin. Les fils du PDG inculpé auraient joué le rôle d’intermédiaires. Cette affaire intervient quelques semaines après que la direction du ministère algérien des travaux publics eut été démantelée, elle aussi, pour corruption. Au coeur du scandale : l’autoroute Est-Ouest (920 kilomètres et 11 milliards de dollars), le projet phare du président Abdelaziz Bouteflika. Ce grand chantier, qui doit relier l’Algérie à ses voisins marocain et tunisien, est devenu soudain l’emblème de la corruption qui entoure l’octroi des marchés publics en Algérie.

« Ombres chinoises »

El Watan, et le site Internet TSA (Tout sur l’Algérie) ont révélé que sept hauts responsables du ministère des travaux publics étaient sous les verrous depuis octobre 2009, en particulier le secrétaire général et le directeur de cabinet du ministre. Ils sont soupçonnés d’avoir favorisé un consortium chinois, CITIC-CRCC, en échange de commissions tournant autour de 530 millions de dollars.

Dans cette affaire d’ »ombres chinoises sur l’autoroute Est-Ouest », comme la surnomme la presse, le nom de Pierre Falcone, (condamné à six ans de prison par la justice française pour ventes d’armes illégales à l’Angola) a été avancé à plusieurs reprises par les journaux algériens. Falcone, selon eux, serait intervenu à Alger en faveur des Chinois, avant même le dépôt des offres de leurs concurrents américains, franco-allemands, italiens ou encore portugais.

Voilà plusieurs mois que la présidence de la République algérienne insiste sur sa volonté d’éradiquer la corruption. Elle sait que le fléau ne recule pas dans le pays, bien au contraire. En 2009, l’Algérie se classait à la 111e place (sur 180) de l’indice de perception sur la corruption établi par l’ONG Transparency International. Alors que le climat social est en ébullition, avec des grèves dures à répétition ici et là, notamment dans la sidérurgie, le pouvoir algérien a tout intérêt à montrer qu’il prend le problème au sérieux.

Florence Beaugé