« A quoi rêvent les Algériens ? » Neuf intervenants et une centaine de participants ont tenté, samedi 7 mai 2016, à l’espace Sylabs, à Alger-centre, de répondre à cette vaste et redoutable question à la veille de la commémoration des massacres du 8 mai 1945, considérés par les historiens comme le début de fait de la guerre d’indépendance et le prélude au 1er novembre 1954
Le collectif NABNI, (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées) qui ne doute pas que les Algériens ont des rêves d’une autre Algérie les a convié à en donner un contenu ou du moins à l’esquisser avec une question-programme : « 54 ans après l’Indépendance, quel nouveau rêve pour l’Algérie ? »
« Cette fois-ci, on ne vous propose pas un rapport abouti comme nous avons l’habitude de le faire pour nos précédents travaux mais l’ouverture d’un champ riche et fécond qui nous a inspiré et, qui j’espère, vous inspira à votre tour », a expliqué Nadhir Laggoune, membre de Nabni, en ouverture de la conférence-débat qui s’est déroulée autour de trois temps forts : Éclairer, rêver et inspirer.

Pour « éclairer » le public trés diversifié venu écouter et partager les aspirations des Algériens sous les belles voûtes propices aux projections de l’espace Sylabs, un « accélérateur de talents » ouvert depuis trois mois au cœur de la ville, le sociologue Nacer Djabi, a présenté une radiographie de l’Algérie de 2016 dessinée par « l’Arab baromètre », une étude menée depuis quatre ans par le centre de recherches du Cread en collaboration avec l’Université du Michigan (Etats-Unis).
« L’Algérie est un pays médian avec 1020 sondés qui se définissent comme conservateurs, 3020 comme progressistes et 3000 comme indéterminés », a exposé le sociologue qui a relevé l’absence d’un « rêve collectif. » « Le rêve collectif doit être construit, il mobilise les élites, il n’est pas donné, mais comme les élites et les partis politique n’ont pas la confiance de la société, l’Algérie manque d’un grand projet partagé. »
Un constat relevé aussi par la politologue Louïsa Aït Hamadouche qui participait au premier panel aux côtés de Nacer Djabi et de la philosophe Razika Adnani.
« Les Algériens sont dans une perspective court-termiste et minimaliste car les institutions qui les gouvernent ne sont pas porteuses de rêves mais plutôt productrices d’impunité et de clientélisme », a souligné la politologue.
« Mon rêve se trouve sur ma carte d’identité « République algérienne démocratique et populaire », a renchéri, avec ironie, un membre du public. « Et pourtant, aujourd’hui je ne vois qu’une « République oligarchique et anarchique ».
Les Algériens rêvent « grand » mais sont lucides sur les urgences
En dépit d’un environnement rendu dissuasif par « l’absence de moyens pour réaliser les rêves » – car en dernier ressort tout dépend de » la volonté de l’Etat » ont unanimement relevé les participants qui ont interpellé le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, présent dans l’assemblée, à ce sujet – les Algériens « rêvent grand ».
Mais ils sont aussi « lucides sur les urgences du moment et les changements à apporter » révèle le sondage » Algérie rêvée » mené par le collectif Nabni.
Ouvert entre le 4 juillet et le 14 août dernier sur le site nabni.org, « cet appel à idées » a recueilli près de 280 réponses sur des sujets aussi variés que l’économie, le développement, l’identité et les mentalités, a indiqué Mehdi Damou, membre de Nabni, en partageant avec le public quelques-uns des rêves du sondage illustrés par des photographies.
« Il nous appartient dorénavant d’aboutir à un rêve collectif qui devient indispensable à définir maintenant ! », a conclu le modérateur avant de laisser la place à quatre artistes et sportifs – Abdou El Ksouri, guitariste du groupe Djmawi Africa, Farid Bahloul alias Diaz, rappeur du groupe MBS, Karim Sergoua, plasticien et Kheireddine Zeitchi, président de la première académie de football – qui ont fait rêver le public avec leurs réalisations.