L’Algérie a été le théâtre d’une fronde sociale sans précédent au cours des derniers mois. Médecins résidents, postiers, étudiants, chômeurs revendiquent tous le service de leurs intérêts. Dans une tentative d’apaisement des manifestants, les autorités ont adopté une batterie de nouvelles mesures.
Depuis le début de l’année, les forces anti-émeutes ont réalisé pas moins de 2777 opérations de maintien de l’ordre. Le record a été battu au mois de mars, durant lequel se sont tenus plus de plus de 70 rassemblements et sit-ins.
En réponse, le gouvernement algérien a multiplié les appels au dialogue, cédant aux revendications salariales et promettant plus d’ouverture sur le plan politique.
Mais ces mesures ont un coût. Les experts craignent qu’elles n’entrainent un déficit budgétaire de 33,9% du PIB, selon le budget 2011 amendé et voté le mercredi 15 juin au parlement.
Mais selon le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, » l’Algérie est parvenue à maîtriser l’ordre public sans recourir à la violence « , en adoptant des mesures d’apaisement salvatrices pour calmer le front social.
Les experts algériens pensent que les turbulences qui ont eu lieu récemment dans les pays arabes ont fait l’effet d’un « appel au réveil » pour les dirigeants politiques.
« Les gouvernants sont en train de chercher des solutions et des voies pour permettre au pays de basculer dans un nouveau mode de gouvernance « , déclare Arslane Chikhaoui, consultant en économie. La multiplication des cadres de dialogue et de concertation relève d’une démarche qui amènera « une meilleure compréhension par les gouvernants de la réalité du terrain. »
« Jusque là, tout le monde était confiné dans son environnement et il n’y avait pas d’interconnexion entre les uns et les autres », explique Chikhaoui.
La sociologue Amel Boubkeur souligne, de son coté, que les mouvements de contestation en Algérie ont inauguré une nouvelle culture politique « qu’il s’agisse du côté de la société civile ou du côté de l’Etat. »
« C’est une culture politique qui ne s’exprime pas à travers les idéologies, puisque nous ne voyons pas d’islamistes, de gauchistes ou de pro-berbères dans ces émeutes », déclare-t-elle à l’APS. « C’est seulement après ces révoltes que ces courants politiques ont tenté d’organiser le mouvement ».
Les jeunes ne sont pas dans la position de revendiquer des alternatives politiques ou idéologiques, mais ils sont plutôt dans une position de “résistance civile”, estime-t-elle.
« Lorsque le vent de révolte sociale, venu de Tunisie, soulève les précarisés, les mal payés et les démunis, le pouvoir opère un repli tactique, » indique à El Watan Chawki Salhi, président du Parti socialiste des travailleurs (PST). » Le pouvoir a pris conscience de sa fragilité en l’absence de médiations. Ces cadres de dialogue se veulent une alternative à l’émeute. »
De manière générale, la population soutient les mouvements de protestation, en dépit des désagréments qu’ils causent.
Les grèves « sont compréhensibles, les gens n’arrivent plus à joindre les deux bouts, » dit à Magharebia Abdenour Zeriguine, chauffeur de taxi. « Les peuples arabes demandent la chute du régime. Les Algériens, eux, veulent la faillite du système !
Noria, infirmière de 40 ans, , considère, pour sa part, que les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes pour canaliser la colère de la rue. » On ne peut pas faire du neuf avec du vieux », dit-elle. Il y a eu un grand débat sur la société civile mais toujours avec les mêmes personnes. »