L’Algérie a pris le deuil jeudi, au lendemain de la mort de son premier président Ahmed Ben Bella, dont les funérailles nationales doivent marquer l’importance de ce héros de la lutte anticolonialiste, 50 ans après l’indépendance.
«L’Adieu à un monument de l’Histoire», comme le soulignait le quotidien francophone El-Watan, a commencé par l’exposition de sa dépouille durant 24 heures au Palais du Peuple d’Alger, demeure ottomane des gouverneurs construite au 18e siècle, pour un hommage de la population algérienne.
La télévision nationale a retransmis en fin de matinée le transfert vers le Palais du Peuple du cercueil de l’ancien dirigeant mort mercredi à son domicile algérois à 95 ans. Le cercueil, recouvert d’un drapeau vert, a été porté par six officiers supérieurs de l’armée algérienne, et accompagné par les deux filles du défunt, Mehdia et Noria, avant d’être chargé sur un véhicule.
Peu après le départ du corps, le président Bouteflika a quitté le domicile de celui dont il s’était considérablement rapproché après son élection à la tête de l’État en 1999, pour suivre le cortège. Au Palais du Peuple, il a été le premier d’une série de personnalités et de militaires à se recueillir devant le cercueil, selon les images de la télévision.
Les deux hommes, qui avaient combattu le colonialisme français, s’étaient retrouvés au sein du même pouvoir indépendant à partir de 1962. Mais moins de trois ans après son accession à la présidence, Ben Bella avait été renversé puis emprisonné par son propre compagnon et ministre de la Défense Houari Boumediene, dont Bouteflika était un proche.
Hommage en demi-teinte
Parmi les personnes venues rendre un dernier hommage à Ben Bella, le corps diplomatique, dont le chef de la délégation de l’ONU pour l’observation des élections législatives algériennes du 10 mai, Amara Essy.
Mais peu de badauds, l’homme de la rue n’étant visiblement pas encouragé par le temps pluvieux dans la capitale alors que les mesures de sécurité ont été allégées pour permettre à la population d’entrer dans le palais.
L’un d’eux, âgé de 44 ans et qui a demandé l’anonymat, a déclaré à l’AFP être venu rendre hommage à une «grande personnalité connue mondialement», même «s’il a eu des divergences avec l’ancien président Boumediene».
Mais aux abords du Palais du Peuple, Ahmed Sekara, 77 ans, un officier de l’armée à la retraite et ancien cadre de la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach, est venu adresser un dernier salut à celui qu’il avait «bien connu à Tunis». «Il a fait de son mieux pour que l’Algérie obtienne l’indépendance totale de son territoire», a-t-il souligné.
Des funérailles de grande envergure sont prévues vendredi après la prière hebdomadaire de l’après-midi, moment qui rassemble le maximum de fidèles. Il sera enterré au grand cimetière algérois d’El Alia, dans le Carré des Martyrs.
Tous les programmes audiovisuels lui sont consacrés depuis que le chef de l’État a décrété mercredi soir un deuil national de huit jours.
«Adieu père des Algériens»
L’un des «chefs historiques de la révolution s’en va à la veille de la commémoration du cinquantième anniversaire de l’indépendance», le 5 juillet, relève Le Quotidien d’Oran.
«L’homme fut l’icône médiatique de la révolution», souligne-t-il, tandis que le quotidien arabophone populaire Echourouk lançait un «Adieu père des Algériens».
Le 27 septembre 1962, Ahmed Ben Bella était devenu président du Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), chef du gouvernement. Élu à la présidence le 15 septembre 1963, puis renversé en 1965, il n’a été libéré qu’en 1980, deux ans après la mort de Boumediene.
Il aura passé au total 24 ans dans les prisons française et algérienne.
Ben Bella était resté actif en politique jusqu’à la fin de sa vie, partageant son temps entre Paris et Alger. Président depuis 2007 de la Commission des Sages Africains, chargée de la prévention et solution des problèmes du continent noir, il avait dirigé une ultime réunion l’an dernier à Alger.
Fin 2010, il avait reçu le socialiste François Hollande, qui a été jeudi le premier homme politique étranger à lui rendre hommage. Dans un communiqué, le candidat du Parti socialiste à la présidentielle a salué sa mémoire, jugeant qu’il «restera, pour les Français et pour les Algériens, l’un des symboles d’une étape historique décisive de nos deux pays».