L’Algérie, invitée mercredi par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) à « redoubler d’efforts » pour accélérer son accession, a réaffirmé sa détermination à avancer dans ses négociations multilatérales et bilatérales, mais a dénoncé la politique de « deux poids, deux mesures » menée par cette organisation à son encontre.
« Il n’est pas juste d’appliquer la politique de deux poids, deux mesures sans prendre en considération les conditions difficiles que l’Algérie a vécues durant la décennie noire », a déploré le ministre du commerce M. Mustapha Benbada lors d’une journée parlementaire consacrée à l’évaluation du processus d’accession
à l’OMC.
« Aujourd’hui, les demandes des membres de l’organisation sont plus importantes
que celles convenues lors de l’Uruguay round », a-t-il soutenu, relevant que
« beaucoup de pays membres ont bénéficié de privilèges dont l’Algérie a été privée, d’où un dysfonctionnement en termes d’égalité en droits et en devoirs au sein de l’organisation ».
M. Benbada a tout de même insisté sur « la vision claire » de l’Algérie sur ses engagements d’adhésion à l’OMC. Afin d’adapter sa législation à celles requises à l’échelle mondiale,
l’Algérie avait modifié 36 de ses textes législatifs et réglementaires, participé à 10 rounds de négociations multilatérales, dont le dernier remonte à 2008, et répondu à plus de 1.640 questions des membres de l’OMC.
Les points restant en suspens depuis 2008 seraient liés à des divergences sur des questions sensibles comme l’alignement graduel du prix du gaz naturel sur celui appliqué sur le marché international et aux réformes, notamment législatives, en Algérie, selon des sources diplomatiques.
« Nous attendons toujours la réponse du groupe de travail concernant les 96 questions auxquelles nous avons répondu il y a une année », a dit M. Benbada, souhaitant voir le 11ème round des négociations multilatérales se tenir « avant la fin de l’année » en cours afin de « clore définitivement ce dossier ». Concernant les négociations bilatérales, le ministre a rappelé la signature par l’Algérie de conventions avec cinq pays tout en s’engageant à « fournir des
efforts pour la signature prochaine de conventions avec d’autres pays ». Affirmant que l’accession à l’OMC était une « décision politique souveraine », le président de l’Assemblée populaire nationale (APN), M. Abdelaziz Ziari a, de son côté, estimé que les réformes politiques en cours « rapprocheront le pays des normes de la démocratie la plus avancée », ce qui influera impérativement, dit-il, sur les négociations d’accession à l’OMC.
« L’accession de l’Algérie à l’OMC est inévitable, car nous ne pouvons rester en marge d’une organisation qui regroupe la majorité des pays du monde », a-il souligné, ajoutant que l’APN sera l’instance » la plus concernée » par cette accession qui « impliquera inéluctablement l’élaboration de nouveaux textes juridiques importants et l’adaptation des lois existantes ».
Une fois membre de l’OMC, les activités économiques et commerciales de l’Algérie devront connaître « un changement profond, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur », a-t-il prédit Intervenant à son tour, M. Idriss Jazaïri, ambassadeur, représentant permanent de l’Algérie auprès de l’Office des Nations Unies et des organisations internationales à Genève, a mis l’accent sur « l’intérêt qu’aurait l’Algérie à parachever son accession avant la clôture du cycle de Doha pour le développement ».
Le diplomate, qui s’exprimait en son nom personnel, craint en fait que des questions qui ne sont pas à l’ordre du jour des négociations avec l’Algérie, comme la libéralisation des services pétroliers et l’exploitation des richessesnaturelles, le deviennent après cette clôture. Le prolongement de ce cycle donnera à l’Algérie, soutient-il, plus de temps pour entreprendre les réformes attendues d’elle.
Entamé en 2001, le cycle de Doha, qui visait la libéralisation des échanges mondiaux, dans un délai de trois ans, a échoué suite au désaccord permanent entre les différents Etats, notamment sur la libération des produits agricoles. En dépit de cet échec, reconnu par le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy en 2006, les discussions multilatérales continuent.
Le Directeur général adjoint de l’OMC M. Alejandro Jara a appelé, lors de cette journée parlementaire, l’Algérie à « assumer son rôle » à la table des négociations de l’OMC. « L’Algérie devrait redoubler d’efforts et mener dès que possible à leur terme les pourparlers pour son accession (à l’OMC) », a-t-il préconisé. Une telle démarche « profitera à l’ensemble des membres de l’OMC mais surtout à l’Algérie », a souligné M. Jara, relevant que tout retard additionnel dans l’accession « exposerait l’Algérie, vu l’accroissement du nombre des membres de l’OMC, à des négociations plus complexes ».
Les parlementaires et cadres intervenant lors de la rencontre ont tous manifesté leurs « craintes », voire « une peur bleue » selon la représentante de la CAP (Confédération algérienne du patronat) vis à vis des répercussions de l’accession de l’Algérie à cette organisation internationale. « Nous n’avons pas réussi à faire face à la concurrence à l’échelle locale, comment va-t-on faire avec les pays l’OMC », s’est indignée une chef d’entreprise.
Quant au représentant de l’UGTA, il a estimé que « L’OMC est un mal nécessaire duquel il faut se prémunir par le soutien de la production nationale ». Le processus d’accession de l’Algérie à l’OMC remonte à 1987 lorsqu’elle a formulé la demande d’adhésion au GATT avant d’entamer des négociations en 2002.
Un quart de siècle après la demande d’adhésion, l’Algérie aura passé la « période d’attente » la plus longue comparativement aux autres pays, selon des observateurs. L’OMC, née en 1995 pour remplacer le GATT, après la clôture du cycle d’Uruguay (1986-1994), compte actuellement 153 membres représentant 90% des échanges mondiaux.