Zeroual a connu le pouvoir et, s’il l’avait voulu, il aurait pu rester jusqu’à aujourd’hui
Les prescripteurs de cette démarche doivent certainement être déçus et ils doivent se gratter la tête en se demandant vers qui se tourner?
Lorsque les nations veulent aller de l’avant, elles regardent devant elles. Nous, cependant, et tout en criant que nous voulons avancer, nous allons à reculons, nous cherchons dans le passé, parfois le plus lointain, les solutions pour l’avenir. Lorsque Chadli fut écarté, on était allé creuser la lourde terre du passé pour en sortir Boudiaf. Lorsque ce dernier fut assassiné, on retourna remuer le sol du passé y faire appel à un retraité: Liamine Zeroual. Quand ce dernier claqua la porte, on revint vers le profond passé pour y retirer un ancien parmi les plus anciens: Bouteflika. Aujourd’hui, ce dernier est malade, alors notre danse du passé reprend et certains sont allés y chercher un certain… Zeroual!? S’ils se sont tournés vers Zeroual, ce n’est certainement pas parce qu’ils y croient, mais simplement parce qu’après avoir jeté un regard tout autour, ils n’ont rien trouvé ni personne d’autre. D’ailleurs, ils lui proposent le poste pour «deux années» seulement. Ceux qui croient ou, surtout, qui font croire que Zeroual pourrait être la solution à la situation actuelle, se trompent lourdement et à deux égards. D’abord, et ils le savent, parce que Liamine Zeroual ne reviendra plus jamais au pouvoir et il l’a confirmé dernièrement. Ensuite, parce que la solution des peuples et des nations est toujours devant eux, jamais derrière. Or Zeroual, à 72 ans, se considère lui-même faisant partie du passé de l’Algérie!
Zeroual ne reviendra pas
Zeroual a connu le pouvoir et, s’il l’avait voulu, il aurait pu rester jusqu’à aujourd’hui. Rien ni personne n’aurait eu à en dire quoi que ce soit. Ni ceux qui chantent la révocabilité pour mieux rogner les os entre les dents des râteliers, ni ceux qui comparent les présidents aux reines pour prolonger leur permission de s’attabler plus longtemps, ni ceux qui, sans jamais être mandatés par le peuple, se permettent d’inviter ni encore moins, ceux qui ont fait de l’applaudissement leur seule et unique raison de vivre.
Zeroual, pour rafraîchir la mémoire à ceux qui le souhaitent, avait décidé de prendre ses responsabilités lorsque le pays avait besoin de lui. Il n’avait craint ni le terrorisme qui régnait, ni le danger qui guettait, ni l’instabilité qui avait frappé toutes les institutions. Mais Zeroual avait aussi décidé de quitter le pouvoir et ses ersatz pour des raisons qu’il a refusé de divulguer, mais que l’on peut aisément deviner. Vouloir le faire revenir aujourd’hui, c’est tenter de porter atteinte à sa probité et c’est surtout vouloir diminuer de son mérite alors que l’homme a toujours eu à coeur ses principes et sa dignité.
Pourquoi certains ont-ils donc soufflé cette idée de faire revenir Zeroual? Probablement pour tenter de sauver un régime qu’ils ont toujours porté au coeur et qui agonise, se disant peut-être que Zeroual, en tant qu’ancien militaire, ancien ambassadeur, ancien ministre de la Défense et ancien président de la République serait plus enclin à défendre les éternels tenants de la rente, oubliant en même temps que Zeroual n’a rien à voir avec le comportement qu’ils veulent lui faire défendre.
Il n’a rien à voir avec les calculateurs mafieux qui ne bougent que pour piller le pays. Ceux qui ont eu la mauvaise idée de fouiller le passé pour y sortir le nom de Zeroual comptaient sans doute sur une faiblesse de l’homme, mais celui-ci, toujours en cohérence avec lui-même, les a renvoyés vers la jeunesse et vers les honnêtes hommes du pays. Exactement ce qu’ils ne voulaient pas entendre car qui fait appel à quelqu’un de 72 ans pour présider au pays, s’est volontairement détourné du potentiel jeunesse et des honnêtes gens de ce pays.
Il est de notoriété que la jeunesse algérienne n’a été jusque-là bonne qu’à décorer les phrases et les discours endormeurs. Depuis 1962, on lui promet un flambeau pour lequel on fait tout pour le garder toujours entre les mêmes mains. Il est aussi connu qu’en Algérie, les personnes honnêtes et capables existent.
Certes elles ne courent pas les rues, mais elles existent quand même sauf qu’on s’est toujours attelé à les éloigner pour les faire oublier afin que nul ne s’en souvienne. C’est vers ces jeunes tenus à l’écart et vers ces hommes volontairement laissés derrière le lourd rideau de l’oubli que Zeroual a bien voulu renvoyer ceux qui ont voulu faire de lui un nouvel alibi. Iront-ils vers eux? De toute façon, et quelle que soit leur réaction, Zeroual ne reviendra pas!
Les prescripteurs de cette démarche doivent certainement être déçus et ils doivent se gratter la tête en se demandant vers qui se tourner? Pourquoi ne pas aller réveiller Boumediene tant qu’ils y sont? Ils ne risquent pas, car même mort, Boumediene fait peur!
Un proverbe arabe dit que la bonne ruse consiste simplement à ne pas ruser. Et au lieu de faire détourner le regard des Algériens de leur réalité en leur proposant chaque fois une solution qui n’arrange ni le pays ni le peuple, la meilleure chose à faire serait de cesser avec ces comportements douteux et de laisser les citoyens voir où ils en sont et, surtout, de les laisser prendre leur décision sans tutorat et sans assistanat. Le peuple est majeur et apte à décider convenablement de son avenir et de celui de ses enfants, pour peu qu’on ne lui biaise pas la donne et qu’on ne lui ôte pas la volonté.
La preuve par les dos-d’âne
Depuis longtemps, l’Algérie a mal résolu ses problèmes. Or, mal résoudre un problème, c’est le reporter et l’amplifier. Si aujourd’hui d’aucuns nous montrent Zeroual du doigt comme solution, ce n’est pas parce qu’ils le croient sincèrement, mais parce qu’ils croient que cela fera durer le système en place qui les a nourris et qui les a grandis dans le creux de sa paume. Les nations qui ont appris à résoudre leurs problèmes de la meilleure manière se sont développées et nous regardent de haut avec sourire et ironie. Cinquante ans d’indépendance ne semblent avoir servi à rien sur ce plan-là car nous continuons toujours à mal résoudre nos problèmes.
Lorsque des chauffards ne respectent ni les règlements ni les hommes, il y a problème. La situation où ces chauffards ne respectent ni la priorité, ni la limitation de vitesse, ni la signalisation impose qu’on cherche une solution. Mais au lieu de faire appliquer simplement la loi tout en analysant les raisons qui ont conduit à pareille situation pour améliorer les choses, les nôtres ont trouvé l’ingénieuse idée de mettre en place des… dos-d’âne! Non seulement les dos-d’âne ne résolvent point le problème, mais ils en créent d’autres.
Ils détruisent le matériel des citoyens, ralentissent la circulation, créent parfois des encombrements, sont cause de beaucoup d’accidents, ne sont ni standardisés ni normalisés, chacun en met quant il veut devant chez soi. Et, comble de tout, même sur l’autoroute on met des dos-d’âne! Avec le temps, les dos-d’âne sont devenus partie de notre quotidien. Au point où, souvent, on ne les signale même pas, partant de l’idée que les citoyens doivent être prêts à freiner à tout moment. Qui ne remarque pas les dos-d’âne sur sa route est bien sûr fautif et qui y prend un coup ne doit s’en prendre qu’à lui-même!
Et cela ressemble beaucoup à notre politique…
Lorsque l’école s’est totalement dégradée et que l’élève ne comprend plus rien à rien alors, pour faire semblant d’avoir une école, certains ont été jusqu’à gonfler les résultats du Bac alors qu’il fallait chercher à améliorer la qualité de la formation. Pour faire face à une demande anormale, ils ont encouragé une importation sauvage détruisant tout ce qui est production nationale au moment où il fallait encourager une production nationale compétitive. Pour absorber le chômage inquiétant, ils ont donné l’ordre aux entreprises d’embaucher les jeunes, ignorant les lourdes conséquences que cela aura sans doute sur ces entreprises. Pour encourager les entreprises nationales, ils ont inventé le quota des produits nationaux dans les grandes surfaces au lieu de pousser ces entreprises à mieux produire et à mieux conquérir le marché. Pour tenter de retenir les cadres et les empêcher de sortir vers les autres universités, le ministère de l’Enseignement supérieur a décidé de ne pas légaliser leurs diplômes. Ceci ne les a pas empêchés de sortir bien sûr. Il aurait été plus intelligent d’améliorer les conditions de travail au lieu d’imposer un environnement repoussoir à l’image de ceux qui l’ont fait…
Mal résoudre les problèmes est devenu un sport national depuis les années 1980. Le système s’y agrippe comme méthode de gestion et s’évertue à en montrer les bons côtés. Dernièrement, pour justifier l’idée incongrue de faire appel à Zeroual, ceux qui étaient chargés du marketing de cette idée ont laissé croire que ce dernier prendra la tête du pays pour deux ans jusqu’à ce qu’on trouve quelqu’un. Drôle de manière de respecter Zeroual en lui donnant le rôle d’intérimaire et de temporaire. Ensuite, d’où nous sorte-t-on ces «deux années»? Et pourquoi faudrait-il tenir «deux années»? N’est-ce pas que le mandat de Bouteflika prend fin en 2014? N’est-ce pas que la loi prévoit des élections à la fin de chaque mandat et donc en 2014? Que veut-on nous raconter donc? Qu’il n’y a pas d’hommes en Algérie capables de prendre le pouvoir et d’être à la hauteur de ce rôle? Ou bien que les faiseurs de rois n’ont pas eu le temps de bien réfléchir? Le système en place démontre ainsi ses échecs et surtout sa hargne à éloigner toutes les compétences. Le résultat c’est qu’aujourd’hui, il ne trouve plus personne de valable à portée de main et encore moins sous la main. Alors, au lieu de résoudre le problème, on nous invente une période transitoire de deux ans, exactement comme on nous a inventé une période transitoire de… trente-cinq ans.
Un provisoire qui dure et des hommes provisoires qui durent. Ecoutez donc Zeroual et laissez le peuple décider de son avenir, il ira certainement vers les jeunes et vers ceux qui l’aideraient à sortir de la mouise dans laquelle il a été jeté jusque-là.