Entre Alger et Paris, c’est plus que jamais la posture de partenariat dans les affaires stratégiques et diplomatiques qui est mise en avant, plutôt que celle d’un auxiliaire, longtemps développée par une classe politique française qui n’a pas digéré l’indépendance de l’Algérie arrachée au prix d’un million et demi de martyrs.
La diplomatie algérienne engrange, en effet, des gains substantiels au moment où les héritiers de la France coloniale brillent par leur discours passéiste et revanchard, ce qui explique les gesticulations maladroites de Sarkozy et consorts sur un prétendu avenir incertain de l’Algérie. Force est de constater que sur de nombreux dossiers, l’Algérie et la France sont aux antipodes. Libye, Syrie, Sahara occidental, pour ne citer que ces trois sujets brûlants, les diplomates des deux pays croisent le fer, chacun pour défendre ses positions. Dans le respect ! Car il faut dire qu’en ce qui concerne les diplomates algériens, depuis notamment l’accession de Ramtane Lamamra à la tête de diplomatie algérienne, un retour en force a été opéré autour d’une question centrale : la justesse des principes défendus par l’Algérie. Que ce soit les questions de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, leur libre choix de leur modèle politique ou l’autodétermination des peuples colonisés, Alger récupère son statut de Mecque des révolutionnaires en même temps qu’elle impose celui d’exportateur net de paix et de stabilité. Et l’occasion a été donnée pour que les Algériens réaffirment haut et fort leurs principes et leurs divergences avec la partie française.
Alger à propos de la Syrie et la Libye : Exit la solution militaire
Sur la Libye et la Syrie, la question est admise : Alger a toujours défendu le principe de la non-ingérence et du règlement pacifique des conflits, Paris a, au contraire, participé à l’agression contre la Jamahiriya libyenne en 2011 et a poussé vers l’implosion de la Syrie dès la même année. On le voit maintenant, la France cherche l’expertise algérienne pour sortir de l’impasse dans ces deux dossiers. La démarche inclusive préconisée par l’Algérie dans la crise libyenne intéresse désormais la France, qui constate l’impasse dans laquelle se trouve la Libye, confrontée à des velléités guerrières de Nicolas Sarkozy. Idem pour l’affaire syrienne. La coïncidence du séjour à Alger des chefs de la diplomatie syrienne et française suppose un début de dialogue discret sous la bienveillance des diplomates algériens. Sur la question sahraouie, le divorce est quasi consommé entre les deux partenaires, tant la diplomatie française affiche un alignement historique sur les positions coloniales du Maroc. D’ailleurs, Ramtane Lamamra l’a publiquement souligné à son homologue français Jean-Marc Ayrault. Alger attend plus de Paris, plus d’impartialité, plus de justice dans le traitement de cette question de décolonisation.

Chaque pays respecte la position de l’autre
C’est sur les questions sécuritaires que le partenariat algéro-français fonctionne le mieux. Dans les dossiers de l’antiterrorisme, notamment après les attaques à Paris en janvier et en novembre 2015. La France a apprécié, selon les spécialistes du renseignement, à leur juste valeur, les informations fournies par l’Algérie. Dans l’affaire malienne, l’apport d’Alger a été déterminant dans la défaite des groupes terroristes dans le nord du pays. De l’avis des observateurs français des questions géopolitiques, l’apport de l’Algérie a été très bien perçu en France comme étant une aide précieuse en information, en logistique et en ouvrant l’espace aérien aux avions français opérant au Mali. C’est dire que la perception d’une Algérie inféodée aux positions françaises sur les questions internationales est non seulement erronée, mais aussi et surtout hors sujet. Les deux pays se concertent, échangent leurs points de vue et chacun d’entre eux respecte la position de l’autre tout en affirmant la convergence sinon la divergence. L’essentiel est pour les spécialistes une volonté réelle de bâtir un partenariat mutuellement bénéfique dans les questions d’intérêt commun. Pour l’Algérie, cette approche s’intègre dans une logique de diversification de partenaires internationaux afin de sortir du tête-à-tête souvent fatal du bilatéralisme. C’est le nouveau crédo pragmatique d’une diplomatie de valeur et de principe.