L’Algérie ne sera pas au rendez-vous de 2030 pour les énergies renouvelables

L’Algérie ne sera pas au rendez-vous de 2030 pour les énergies renouvelables

Un projet ambitieux, des financements généreux, une stratégie volontariste : tout est en place pour lancer l’Algérie dans la grand aventure des énergies renouvelables. Pourtant, sur le terrain, rien ne bouge. En cause, l’éternelle bureaucratie, un système d’une incroyable complexité, et l’absence de l’ingénierie nécessaire pour faire avancer les projets.

L’Algérie ne se sera pas au rendez-vous. L’ambitieux programme devant permettre au pays de produire 40 pour cent de son énergie à partir de sources renouvelables en 2030 ne sera pas atteint, malgré les effets d’annonce et la mobilisation d’importants financements. La raison principale est simple : « l’Algérie n’arrive pas à construire un environnement adéquat » pour atteindre cet objectif, a affirmé mardi M. Messaoud Boumahour, directeur de l’université de développement des technologies du silicium (UDTS), un des grands acteurs du projet.

Le schéma général pour engager ce projet d’envergure a été mis en place : implication des grands acteurs de l’énergie, comme les entreprises publiques Sonelgaz et Sonatrach, recherche de partenariats avec les firmes les plus avancées dans le domaine, dont de grandes firmes allemandes, création de sociétés algériennes spécialisées, comme Rouiba Eclairage, mobilisation de financements importants et de crédits conséquents consacrés à la recherche. Mais tous ces efforts n’ont pas produit le décollage escompté.

Une feuille de route a mise en place. Elle a été initialement conçue pour être vérifiée à chaque étape. Ainsi, en 2013, devrait démarrer un premier projet pour fabriquer des panneaux photovoltaïques assurant une production de 166 mégawatts. 60 pour cent des composants sont importés au départ, mais au bout de cinq ans, ce taux devait être considérablement réduit grâce au développement de la sous-traitance. En parallèle, le ministère des Mines devait se lancer dans l’exploitation du silicium pour mobiliser la précieuse matière première nécessaire au lancement de l’industrie du photovoltaïque.

Un bilan d’étape montre que le plan a peu avancé. A l’heure actuelle, il en est encore aux premiers balbutiements. M. Messaoud Boumahour l’avoue : « nous peinons à construire un environnement adéquat », dit-il, ajoutant qu’« en l’état actuel des choses, il est impossible » d’atteindre l’objectif de 40 pour cent d’énergie renouvelables en 2030. « Nous n’avons pas les bases suffisantes ni les prérequis », précise-t-il.

Il affirme également qu’il est normal d’importer la matière première et de recourir à des technologies détenues par d’autres dans un premier temps, mais qu’il faut s’organiser pour assurer, à terme, un « accaparement» de ce savoir-faire. « Ce n’est pas le cas », a-t-il déploré.

Bureaucratie étouffante

M. Boumahour a indiqué que l’Algérie s’orienterait essentiellement vers le photovoltaïque et le thermique comme sources d’énergies renouvelables, l’éolien offrant peu d’opportunités. Un premier investissement de 250 millions d’euros a été consacré l’usine de panneaux photovoltaïques de Rouiba. L’université de développement des technologies du silicium (UDTS) forme actuellement une cinquantaine de doctorants. Mais tout ceci concerne des décisions éparses, sans résultat concret, car le projet bute sur d’autres points insurmontables.

Ainsi, M. Boumahour a cité l’acquisition des équipements, qui constituent un point noir pour sa structure. Le changement incessant du code de marchés contraint l’UDTS à revoir continuellement ses projets d’équipements, dans un domaine où les techniques évoluent très vite. Il a cité des budgets d’équipements débloqués en 2007, mais non utilisées à ce jour, à cause desprocédures. « Ca n’a pas de sens », a-t-il protesté.

Ces tâtonnements dans l’exécution d’un projet d’envergure confirment, par ailleurs, le malaise qui traverse tout le secteur de l’énergie. L’Algérie avait longtemps hésité à se joindre au plan Desertec, un gigantesque projet conçu en collaboration avec des entreprises allemandes, et destiné à fournir de l’énergie solaire à l’Europe, à partir du Sahara algérien. Les autorités algériennes avaient rechigné à participer au projet conçu sans eux, avant de s’y joindre du bout des lèvres.

Dans le domaine du nucléaire, le malais est visible. Depuis le début de l’année, les chercheurs et employés des centres d’Alger et de Draria ont ainsi mené une série d’actions de protestation et de manifestations de rue, pour des questions syndicales et salariales, sans rapport avec l’objet de leur activité. Leur secteur, traditionnellement sous haute surveillance, est englué dans des conflits secondaires qui paralysent les activités, selon des chercheurs protestataires.