Dans un pays où le financement des entreprises repose encore en grande partie sur le crédit bancaire, une nouvelle brèche vient de s’ouvrir dans le mur des habitudes. L’Algérie vient d’amorcer un virage vers le capital investissement, avec l’agrément officiel du tout premier fonds commun de placement à risque (FCPR).
Baptisé Afiya Investments, ce véhicule financier, placé sous la houlette de la société Tell Markets, a été approuvé par la Commission d’organisation et de surveillance des opérations de Bourse (COSOB).
Ce fonds ne financera pas les grandes entreprises déjà cotées en Bourse, ni ne suivra les sentiers classiques des prêts bancaires. Il visera plutôt les zones encore inexplorées. Des PME non cotées, dynamiques, ambitieuses, souvent innovantes, mais privées de leviers pour croître.
Santé, industrie pharmaceutique, énergies renouvelables… les secteurs ciblés en disent long sur l’orientation stratégique de cette initiative. Au-delà du simple lancement d’un nouveau produit financier, c’est tout un écosystème qui pourrait être redéfini.
Afiya Investments : la COSOB autorise un premier fonds commun de placement à risque
La création d’Afiya Investments intervient dans le sillage du règlement COSOB n°24-02, entré en vigueur le 7 mai 2025. Ce texte régit les organismes de placement collectif à capital risque (OPCR) et jette les bases d’un financement alternatif, fondé sur des règles claires et sécurisées.
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Contrairement aux modèles classiques, le FCPR permet de distinguer nettement les investisseurs des gestionnaires de fonds. Levant ainsi un obstacle de taille pour les épargnants encore frileux face à l’investissement non coté. Ce fonctionnement offre une souplesse précieuse. Car les investisseurs peuvent miser sur le potentiel de projets innovants, sans pour autant être mêlés à la gestion opérationnelle.
Cette dissociation, éprouvée dans plusieurs pays émergents, favorise une mobilisation plus agile de l’épargne nationale. Elle élargit aussi l’horizon des financements disponibles pour les porteurs de projets. Un signal fort envoyé aux entrepreneurs qui peinent à trouver des alternatives à la banque.
Capital risque en Algérie : un marché en retard, mais prêt à rattraper le temps perdu
Malgré un environnement financier en évolution, le capital investissement reste encore embryonnaire en Algérie. En 2023, seules cinq sociétés de capital investissement et deux sociétés de gestion de fonds étaient actives, avec un encours cumulé de 7,84 milliards de dinars, un chiffre modeste.
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Ce retard structurel a plusieurs causes, faible culture de l’investissement à risque, cadre réglementaire encore jeune, manque d’incitations fiscales ou institutionnelles. Mais la dynamique amorcée par la COSOB semble vouloir changer la donne. Depuis 2023, l’autorité de régulation multiplie les réformes :
- Refondation du règlement général de la Bourse
- Lancement du financement participatif
- Garantie des opérations boursières
Ces mesures dessinent les contours d’un marché plus moderne, plus ouvert et mieux aligné sur les standards internationaux.
Cap sur les secteurs d’avenir : santé, pharma, énergies propres
Le choix des secteurs ciblés par Afiya Investments ne doit rien au hasard. Le fonds entend concentrer ses efforts sur les domaines stratégiques pour la transformation économique du pays. Voici les priorités annoncées :
- Santé : un secteur vital, mais encore dépendant des importations et sous-financé localement ;
- Industries pharmaceutiques : essentielles pour la souveraineté sanitaire ;
- Énergies renouvelables : à fort potentiel, dans un contexte de transition énergétique globale ;
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En soutenant des entreprises évoluant dans ces segments, ce fonds pourrait accélérer l’émergence d’un tissu économique plus résilient, moins vulnérable aux chocs externes et plus tourné vers l’innovation.
La commercialisation du fonds Afiya est prévue dans un délai de trois mois. Son succès dépendra largement de la manière dont les acteurs économiques s’approprieront cet outil encore peu familier. Car le capital risque ne se décrète pas, il repose sur une culture de l’initiative, du partage des risques et de la vision à long terme.