Pour la première fois depuis l’indépendance, l’Algérie a lancé un recensement économique destiné à créer un répertoire complet des entreprises opérant dans le pays. Ce projet de trois mois, qui a débuté le 8 mai, inclut tous les secteurs, à l’exception de l’agriculture.
« L’opération est déterminante car elle constitue un atout important de développement de la production de statistiques en adéquation avec les besoins de l’économie nationale », a expliqué le directeur de l’Office national de la statistique, Mounir Khaled Berrah, à la veille du lancement du projet.
« Le recensement économique a pour objectif essentiel la constitution d’un répertoire exhaustif, fiable et actualisé des personnes morales et physiques ainsi que des entités administratives et associatives, qui permettra de disposer d’une base de sondages pour l’ensemble des enquêtes auprès des entreprises, et le suivi et la maîtrise des paramètres et indicateurs des différents secteurs d’activité », a-t-il ajouté.
Mais ce recensement suscite quelques inquiétudes dans le monde des entreprises. Les analystes s’interrogent sur la volonté de celles-ci de coopérer.
« Depuis trop longtemps, les opérateurs nationaux se sont habitués à une certaine opacité », a expliqué Laouar Mihoubi, professeur d’économie à l’université et consultant. « Ils seront certainement déstabilisés de devoir donner des informations sur leurs activités. »
« Beaucoup assimilent le recensement à une opération de contrôle, et comme il existe beaucoup d’entreprises qui ne déclarent pas la totalité de leurs bénéfices, elles pourraient voir d’un très mauvais œil l’intrusion d’un enquêteur », a-t-il ajouté. « Leur méfiance pourrait mettre ce recensement en péril. »
Des craintes partagées par Djaouad Belkaîd, directeur d’une société informatique. « J’en suis tout juste à mes débuts. Mon entreprise d’informatique existe depuis trois ans à peine, et je commence seulement à faire des bénéfices. »
« Avoir des enquêteurs qui risquent de poser des questions sur ma comptabilité pourrait me gêner, car j’avoue que parfois, j’ai dû un petit peu tricher pour m’en sortir », a-t-il ajouté. « Je payais trop d’impôts et ma société était en péril. »
Mais le directeur de l’ONS reste confiant quant au succès de ce recensement.
« Au cas où il serait constaté un nombre élevé de refus d’adhérer à l’opération de recensement économique par des opérateurs, l’Office a prévu de recourir à leur numéro d’identification fiscale », a-t-il expliqué.
Pour rassurer les entreprises, il a ajouté que « la loi garantit le secret de l’information statistique transcrite par les agents recenseurs sur les questionnaires soumis aux opérateurs économiques » et il demande aux entreprises de « coopérer avec confiance et conviction ».
La seconde phase de cette initiative sera lancée fin 2011 et impliquera une analyse en profondeur d’un échantillon de sociétés sur la base d’un questionnaire.