L’affaire a provoqué une grosse colère à Alger. Au mois de janvier 2010, les Etats-Unis ont décidé d’inscrire l’Algérie sur la liste de 14 pays dont les citoyens sont soumis à des mesures supplémentaires de contrôle sécuritaire.
Cette inscription a suscité le courroux des autorités algériennes qui ont officiellement protesté contre cette mesure. Les Algériens ont perçu cette décision de la part des Américains comme un affront autant qu’un coup sévère porté à l’image de l’Algérie. DNA a obtenu les deux câbles classés « secret » qui permettent aujourd’hui de savoir exactement comment les deux partis ont géré cette crise.
L’Administration de la sécurité dans les transports (TSA), relevant du gouvernement américain a émis le 4 janvier 2010, une directive ordonnant un contrôle renforcé de tous les passagers originaires ou en provenance de pays considérés comme des soutiens au terrorisme « ou de tout autre pays concerné ». Cette directive comprennait 14 pays dont l’Algérie. « Une sécurité aérienne efficace commence au-delà de nos frontières », expliquait à l’époque la TSA dans un communiqué.
Les autorités algériennes qui ont appris la nouvelle par voie de presse avaient réagit à la nouvelle à deux niveaux. Un communiqué de presse et un intense échange diplomatique. Dans un communiqué officiel paru peu de temps après la décision, le gouvernement algérien avait qualifié cette décision américaine de « malencontreuse, injustifiée et discriminatoire ». La décision des autorités américaines d’inscrire l’Algérie sur cette liste faisait suite à la tentative d’attentat le 25 décembre contre le vol Amsterdam-Detroit de la compagnie Delta Air Lines. Deux câbles classés « secret » émis le 6 et le 11 janvier 2010, révélés par le site Wikileaks et publiés par The Guardian, permettent aujourd’hui de savoir exactement comment Algériens et Américains ont géré cette affaire qui créé une vive tension entre les deux gouvernements.
A la lecture de ceux deux câbles que DNA a consultés, on apprend que :
– Les autorités algériennes n’ont pas été informées par les Américains de l’éminence de cette liste. Elles ont dû apprendre la nouvelle par le biais d’articles de presse.
– C’est sur instruction du chef de l’Etat en personne, Abdelaziz Bouteflika, que les officiels algériens ont pris attache avec les responsables de l’ambassade américaine à Alger afin de tirer au clair cette affaire.
– Les Algériens ont exercé un forcing diplomatiques sur les Américains afin qu’ils reviennent sur leur décision d’inscrire l’Algérie sur la liste noire.
– Les Algériens ont mis sur la balance la qualité et le poids de leurs relations avec les Etats-Unis. Comprendre : Si les Américain refusent de supprimer l’Algérie de la liste noire, les relations entre les deux pays en pâtiraient.
– Au travers des multiples échanges diplomatiques entre les deux parties, échanges qui ont suivis cette mesure, les officiels Américains ont clairement expliqué aux Algériens que si cette décision relève de la sécurité des Etats-Unis des citoyens américains et des voyageurs, elle ne remet pas pour autant en cause la coopération entre les deux pays, particulièrement dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Au final, les Américains n’ont pas cédé aux pressions des Algériens.
Nous publions le premier câble émis par l’ambassade en attendant de mettre en ligne le second.
Le câble :
Le 6 Janvier, le Directeur général Amérique au Ministère des affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a exprimé à l’ambassadeur, la « profonde consternation » du gouvernement algérien concernant l’inclusion de l’Algérie sur la liste TSA pour le control renforcé ( des passagers). Il a dit que ce message parvient directement du président Bouteflika. Boukadoum a souligné que la décision de TSA ne reflétait pas fidèlement le niveau et la qualité de nos relations bilatérales, notamment en ce qui concerne la coopération antiterrorisme.
L’inclusion de l’Algérie sur la liste avait créé l’impression que l’Algérie faisait partie du problème, une méprise qui circule actuellement dans la presse internationale. Boukadoum a dit à l’ambassadeur que les officiels algériens souhaitaient une déclaration officielle de la part des États-Unis afin de rectifier le tir. L’Ambassadeur a répondu que le but de ces nouvelles mesures est d’assurer la sécurité des voyageurs et de l’espace aérien et non pas de discriminer ou embarrasser nos amis et partenaires. L’Ambassadeur a souligné que les États-Unis apprécient leur coopération antiterroriste avec l’Algérie et espèrent que les relations bilatérales continueront à croître et se développer.
Le GA n’est pas content, et veut la suppression de la liste
2. (C) Le 6 janvier, le Directeur général Amérique au Ministère des affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a appelé l’ambassadeur à donner des instructions exprimant la « profonde consternation » des plus hautes autorités algériennes concernant l’inclusion de l’Algérie sur la liste TSA des pays soumis à de nouvelles mesures de contrôle des passagers aériens.
Etaient également présents ; le Directeur du Ministère des affaires étrangères en charge de la protection des citoyens algériens à l’étranger, Sahraoui Hocine, un représentant de la présidence, Houria Khiari, et le responsable du bureau États-Unis au Ministère des AE, Abdulmutalib Bouacha. Boukadoum a souligné à plusieurs reprises au début de la réunion que les instructions de sa démarche venaient directement de la « plus haute autorité» – à savoir, le Président Bouteflika.
3. (C) Boukadoum a dit à l’ambassadeur qu’il avait eu pour instruction de transmettre deux points principaux. Le premier concerne l’inclusion de l’Algérie sur la liste TSA. L’Algérie comprend et respecte le fait que les États-Unis aient besoin d’assurer la sécurité de leurs citoyens ainsi que leurs intérêts. Mais l’inclusion de l’Algérie sur cette liste ne reflète pas fidèlement le niveau ou la qualité de nos relations bilatérales, et surtout la nature de ces relations en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. L’inscription de l’Algérie sur une liste qui comprend les États commanditaires du terrorisme et des pays qui ont des intérêts crée l’impression que l’Algérie est une partie du problème et non un partenaire à part entière dans la lutte contre le terrorisme.
La GA veut une Déclaration des USA sur l’Algérie en tant que partenaire clé dans la lutte antiterroriste
4. (C) Le deuxième point, dit-il, outre la volonté du GA d’être retiré de la liste, c’est que les dirigeants du pays espéraient voir une déclaration officielle des États-Unis qui soulignerait le partenariat important entre l’Algérie et les États-Unis dans la lutte antiterroriste afin d’aider à corriger l’image erronée de l’Algérie créée par la couverture de la question TSA dans les médias internationaux et sur l’Internet. «Nous sommes partenaires », a t-il dit. « Les plus hautes instances n’ont pas apprécié cela. »
5. (C) Boukadoum a déclaré que l’ambassadeur algérien aux Etats Unis Abdellah Baali, a livré le même message à Washington. Baali a également reçu des instructions afin de rencontrer le Secrétaire d’Etat pour la sécurité intérieure Napolitano.
Les USA mettent l’accent sur la sécurité aérienne des voyageurs
6. (C) L’Ambassadeur a déclaré que les points de vue du GA seront entièrement et immédiatement livrées à Washington. Il a informé Boukadoum que le président Obama avait carrément abordé la question dans une déclaration faite la veille. Le problème est que le jour de Noël un terroriste a traversé (Les contrôles de sécurité). Cela avait été un échec systématique, par conséquence, le président avait ordonné deux révisions – l’une concerne nos système de liste de surveillance, et une autre concerne les procédures de contrôle de l’aviation. Le but de ces nouvelles mesures n’est pas de discriminer ou de gêner d’autres personnes, groupes ou pays, et surtout pas nos amis et partenaires. L’intention était de faire le nécessaire pour assurer la sécurité aérienne, pour tout le monde. Le président Obama a ainsi précisé le 5 Janvier qu’il avait personnellement ordonné, et approuvé, les nouvelles mesures. Et il avait promis que d’autres mesures pourraient suivre dans les prochains jours, qu’il s’agisse de l’intégration d’information ou de contrôle des passagers.
Les Etats Unis apprécient leur coopération dans la lutte antiterroriste avec l’Algérie
7.(C), L’ambassadeur a en même temps continué, le Président avait aussi clairement dit qu’une partie importante de notre approche est d’approfondir la coopération avec nos partenaires internationaux. C’est là qu’entre en compte la coopération algéro-américaine, L’ambassadeur a fait remarquer que nous avons travaillé ensemble pour améliorer la qualité et le niveau de nos échanges bilatéraux ces dernières années, et il espère que cette tendance se poursuivra. Il était inutile de dire combien les Etats-Unis apprécient leur coopération antiterroriste avec l’Algérie, ainsi que notre relation globale avec l’Algérie. Nous espérons continuer à développer et à construire sur la base des progrès qui ont été réalisés.
8. (C) Boukadoum a réitéré que l’Algérie ne conteste pas les mesures elles-mêmes. L’Algérie s’élève plutôt contre son inscription sur la liste de TSA, car cela donne l’impression que l’Algérie ne coopère pas. « Nous coopérons sur la lutte antiterroriste, et nous continuerons à le faire », a t-il déclaré. Boukadoum a affirmé que d’autres pays dont les ressortissants ont commis des actes terroristes n’ont pas é inscrits sur la liste. Boukadoum a soutenu que le fait de suggérer que l’Algérie est une partie du problème est tout simplement injuste. Il a regretté que la couverture médiatique internationale des mesures de contrôle de TSA ait placé l’Algérie dans cette perspective et non pas en tant que pays victime du terrorisme.