Mebarek Malek Serrai, expert international, président, d’Algeria International Consult (AIC), nous indique que les chiffres annoncés par le ministre sont tout à fait réels. «720 millions de dollars pour les quatre premiers mois de l’année 2012 est une donnée conforme aux prévisions de 2,5 milliards de dollars pour tout l’exercice 2012.»
En outre, il souligne que l’Algérie importe à elle seule plus que tous les pays du Maghreb réunis et que «la croissance remarquable de la production nationale durant les six dernières années n’a pas permis d’infléchir ou de réduire les importations». Et de préciser : «Les engagements des investisseurs locaux, ceux des étrangers ou la mise en œuvre du projet de pôle biotechnologique n’ont pas suffi à faire face à cette hécatombe de sortie de devises. Cependant, nous observons un aspect très positif, à savoir un plus large accès aux soins par la modernisation du secteur public et l’ouverture de nombreuses unités de soins».
M. Serrai, nous signale que les raisons de l’augmentation des importations sont multiples. «Le marché national est, en effet,en nette croissance, allant de 8% à 12 %. C’est le second marché du continent africain après celui de l’Afrique du Sud.» L’augmentation de la facture des médicaments est liée, selon lui, «aux maladies chroniques qui marquent une nette croissance et leurs médicaments qui sont de plus en plus coûteux.
D’autres facteurs sont à prendre en compte, telle que la couverture sociale avec l’avènement et la généralisation du tiers payant, le lancement du projet de la carte Chifa, mais aussi la hausse du nombre d’assurés sociaux (Cnas, Casnos, et Camps)».
Par ailleurs, il souligne que cette hausse est liée à l’augmentation de la population et ses exigences en matière de soins, le développement humain qui est en nette amélioration et une meilleure répartition géographique du service public de santé. De son avis, l’idéal serait que l’investissement dans l’industrie du médicament revienne aux pharmaciens. Il lance un appel aux officines afin qu’elles «libèrent graduellement le marché, voire le pays des pressions technologiques et financières insupportables des multinationales et des grands laboratoires».
«Il faut donc faire confiance aux 8500 pharmaciens qui travaillent et aux autorités compétentes pour augmenter sensiblement la production de médicaments en Algérie», conclut-il.
Bannir la pénurie
Les déclarations du ministre concernant l’inexistence d’une pénurie de médicaments sont donc contredites par les acteurs du secteur de la santé qui, preuve à l’appui, ont pu démontrer que le domaine de la santé souffre de cette carence et que le malade est bien l’otage de ces insuffisances. La facture d’importation correspond bien aux prévisions données au cours de l’année 2012.
Cependant, pour un pays qui veut engager un processus de production locale, la facture ne cesse d’exposer la dépendance du pays vis-à-vis de ses partenaires étrangers qui hésitent à transférer la technologie dont le pays a besoin. De nombreux scandales ont émaillé le secteur, des laboratoires ont été accusés de surfacturation. Tout cet environnement ne concourt pas à faire du pays un producteur de médicaments.
Un protocole d’accord dans le domaine de la biotechnologie et de la production de médicaments a été signé en 2011 entre les Etats-Unis et l’Algérie.
Le projet consiste en la création d’un pôle d’excellence régional dans le domaine de la biotechnologie qui deviendrait alors le troisième plus gros pôle au monde. Serait-ce la fin de la dépendance vis-à-vis de l’étranger ? Ne va-t-il pas y avoir des obstacles de la part de la filière d’importation sujette à la corruption que ne cessent de dénoncer les acteurs du secteur ? Au ministre de la Santé de prouver par des mesures efficaces que le mot pénurie n’est plus d’actualité dans le vocabulaire algérien.
S. B.