Grisés par le succès des islamistes en Tunisie, en Égypte et au Maroc, leurs « frères » algériens se préparent pour les élections législatives d’avril 2012. Seule inconnue, les salafistes.
Ce 6 décembre, Ali Benhadj, cofondateur du Front islamique du salut (FIS, dissous en 1992), observait seul un sit-in devant le Parlement : il protestait contre un article de la loi sur les partis interdisant aux responsables et militants de l’ex-FIS, accusés d’être responsables des violences islamistes, de fonder une nouvelle formation. Le même jour, de Doha (Qatar), Abassi Madani, le numéro un de l’ex-FIS, fustigeait une loi violant « les conventions internationales sur les droits politiques et civiques ». Et mardi passé, ils ont décidé de poursuivre l’État algérien devant les instances internationales pour violation de la Constitution !
Grisés par les succès électoraux des islamistes en Tunisie, en Égypte et au Maroc, les anciens dirigeants de l’ex-FIS, qui se défendent d’avoir appelé au djihad contre l’État et la société, mais qui n’ont pas condamné la violence terroriste islamiste, ainsi que plusieurs partis islamistes existants ou en attente d’une autorisation se préparent à l’échéance d’avril 2012. D’autant que l’enjeu n’est rien de moins que la rédaction et l’adoption d’une nouvelle constitution par le nouveau Parlement. Abdellah Djaballah, vieux routier de l’islamisme algérien, exclu par son parti El Islah et qui a créé le Front pour la justice et le développement (FDJ) « pour une Algérie démocratique et sociale qui s’inspire du Coran, des hadiths et des expériences réussies des autres pays », attend son heure, persuadé qu’il fédérera sous sa bannière tous les islamistes algériens, y compris les déçus du MSP (ex-Hamas), « grillé » aux yeux de la base islamiste pour sa participation au gouvernement depuis 1999. Le MSP, qui vient de basculer opportunément dans l’opposition, essaie tant bien que mal de coller à une base qui le fuit vers ses dissidents du Front national pour le changement (FNC) et le FDJ.
Nouvelle carte politique
Côté forces démocratiques, le Front des forces socialistes (FFS, social-démocrate), qui vient de débarquer son secrétaire général, Karim Tabou, se prépare également. Sa participation aux élections, assure-t-on à Alger, apporterait cette dose de crédibilité démocratique qui a tant fait défaut aux scrutins précédents. Tandis que le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) accuse la présidence algérienne et le DRS (services) de se livrer à une « compétition pour s’assurer le management de l’islamisme (…) pour sauver le système et garder son contrôle » !
Ce regain politique, sur fond de double verrouillage médiatico-politique – adoption d’une loi sur l’information contraignante pour la liberté de la presse et d’une loi sur les associations interdisant les rassemblements publics – vise à reconfigurer la carte politique sous l’œil vigilant de Washington et de ses alliés. À l’instar de la Tunisie et du Maroc, ils souhaitent une représentation conséquente des islamistes, crédités de 30 à 35 % de sièges, dans la future assemblée, et ce à travers un « scrutin transparent » ! L’ambassade américaine à Alger, qui se concerte régulièrement avec les responsables islamistes et d’autres partis, est d’ailleurs très active. Mais, demeure une inconnue, les salafistes, dont la montée en puissance inquiète une partie de la société algérienne.
Hassane Zerrouky