Le kidnapping, une autre source de financement du terrorisme
La première loi algérienne criminalisant le financement du terrorisme a été votée en 1995 par le Conseil national de transition.
Premier pays confronté au terrorisme, l’Algérie qui a gagné sa guerre contre ce fléau est restée aux avant-postes de la lutte en raison de la persistance de la menace. Celle-ci est plus terrible puisqu’elle agit au niveau régional et peut provoquer l’effondrement de tout le Maghreb.
Le Mali et la Libye constituent des bombes à retardement. Le premier vit un «conflit social enraciné», comme le qualifie Mustapha Saïdj et le second traverse une zone de turbulence telle que «le scénario du pire est envisageable, si les forces politiques de ce pays ne réagissent pas», souligne Abdelkader Messahel, dans une conférence lors d’une journée d’étude organisée par le Conseil de la nation sur «l’approche de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme et le tarissement de ses ressources financières». L’un et l’autre conflits sont alimentés par la situation explosive en Syrie et en Irak et sont susceptibles d’être renforcés par l’avancée de Boko Haram par le sud.
Tous ces mouvements terroristes parviennent à armer, nourrir et loger des milliers de combattants. Daesh contrôle de vastes territoires en Syrie et en Irak et affichent la même prétention en Libye. Les hordes de Boko Haram parviennent à faire des dizaines de prisonniers parmi les femmes et les enfants des villages qu’ils attaquent. Ils disposent donc d’une véritable logistique et d’un réseau efficace qui leur permettent de «revendre» leur butin de guerre. Au Mali, les organisations terroristes ne sont pas véritablement inquiétées par les autorités de Bamako et l’on ne sait pas vraiment qui pactise avec qui.
Les sources de financement ont donc évolué et la vraie guerre doit se mener sur le front de la finance internationale pour débusquer tout mouvement financier suspect, puisque toutes les transactions que font les terroristes au Mali, en Syrie, en Irak, en Libye ou au Nigeria, aboutissent forcément aux marchés formels. C’est à ce niveau que l’activisme de la diplomatie algérienne se fait très pressant.
Toutes ces organisations usent des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour accréditer une thèse que les Occidentaux prennent pour argent comptant, à savoir qu’ils travaillent pour le même but, celui de l’instauration d’un Emirat islamique mondial.
Cette mondialisation du discours terroriste est accompagnée d’une autre mondialisation, celle du recrutement des combattants et par extension, la diffusion de la menace sur toute la planète. L’expert Mustapha Saïdj qualifie les nouveaux acteurs de la menace mondiale de terroristes de troisième génération. «Le monde a découvert les Arabes afghans dans les années 1980. Parmi eux, il y avait des Algériens. A cette première génération de terroristes, spécifiquement employée à la chute de l’emprise soviétique, il y eut la seconde, dont la mission était la destruction des Etats-nations. Dirigée par les afghans arabes, la seconde génération de terroristes a sévi en Algérie, durant les années 1990 et en Irak au lendemain de l’invasion américaine.
La troisième génération, nous la voyons aujourd’hui. Les terroristes contrôlent des territoires, des banques et des ressources énergétiques.» De fait, cette génération, composée de jeunes de plus de 70 nationalités, propose une «vraie» terre à ses recrues et va jusqu’à les convaincre que le combat est mondial. Il devient, ainsi, de plus en plus difficile de combattre la nouvelle menace terroriste qu’aucune nation ne peut prétendre contrôler.
En effet, évoluant dans des pays fragilisés par l’absence ou la grande faiblesse des gouvernements, Daesh, Boko Haram et autres organisations continuent de proliférer dangereusement. Cette prolifération est d’autant plus évidente qu’à ce jour, tous les pays concernés ne disposent toujours pas de structures d’Etat à même de répondre à la menace. Plus que cela, et c’est ce que recherche l’Algérie à travers sa médiation en Libye et au Mali, un gouvernement d’unité nationale est un interlocuteur sérieux de la communauté internationale et son action sur le terrain portera le sceau de la légitimité, puisque les décisions qu’il prend sont soutenues par la population. «Il faut un gouvernement fort pour combattre les terroristes. Or, les régions où sévissent les groupes armés, la seule autorité est exercée par les terroristes. Les habitants de ces contrées n’ont pas d’autre choix que d’obéir», soutient le ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel. M.Messahel affirme que l’Algérie n’a pas connu le sort du Mali, parce que justement son gouvernement était fort. «Lorsque les terroristes ont investi les maquis, le gouvernement a été vers les Algériens des campagnes. Ces derniers ont remis leurs fusils de chasse aux autorités.
L’Etat a fourni des armes de guerre à ceux qui en avaient besoin pour défendre leur vie, leurs familles et leur pays. Avec le retour de la paix, ces Algériens ont rendu les armes aux autorités», explique le ministre délégué, soulignant ainsi l’importance du gouvernement central pour répondre à la menace.
Le cas algérien est édifiant. Le gouvernement ne s’est pas contenté de la lutte armée pour contrer les terroristes.
L’accompagnement juridique à travers le vote d’une loi criminalisant le financement du terrorisme en 1995 et les lois sur la Rahma, la Concorde civile et la Réconciliation nationale ont contribué à réduire sensiblement le degré de nuisance de la seconde génération de terroristes. La lutte contre la troisième génération est mondiale et l’Algérie y prend part avec la conviction que le tarissement des ressources financières du terrorisme est une option irréversible. Mais pour y parvenir, il faut mettre en place des gouvernements crédibles, sans intervention étrangère, d’où l’option de la médiation. Ensuite, il faut promouvoir la démocratie dans ces pays. c’est une conviction pour Abdelkder Messahel.
«La démocratie est un facteur déterminant dans la lutte antiterroriste», dira le ministre, pour qui les conflits qui naissent dans le Monde arabe ne peuvent en aucun cas avoir l’option militaire laquelle ne règle rien.