Alain Juppé a rapporté, hier, les détails d’une conversation téléphonique avec Mourad Medelci. Ce dernier aurait «assuré» à son homologue français que l’Algérie n’a pas fourni de «véhicules armés» au colonel Kadhafi.
Après avoir été accusée de mercenariat, l’Algérie se trouve aujourd’hui obligée de se justifier. «J’ai eu un entretien très cordial avec mon homologue. Je lui ai dit : voilà, il y a des informations qui circulent selon lesquelles Kadhafi aurait reçu plusieurs centaines de véhicules armés et transportant des munitions en provenance d’Algérie. Je lui ai posé la question et il m’a assuré que (…) ce n’était pas vrai», a déclaré, hier, le ministre des Affaires étrangères français. Les propos d’Alain Juppé, tenus à l’occasion d’une rencontre avec des journalistes membres de l’Association diplomatique, ont été rapportés par l’Agence France Presse.
Une déclaration, formulée sur un ton paternaliste, qui sonne comme un rappel à l’ordre. Reste que la sortie du chef de la diplomatie française est des plus intrigantes. Juppé interpelle Medelci en se basant sur «des informations qui circulent». La France, puissance impliquée directement dans le conflit interne en Libye, dispose de moyens technologiques très avancés pour surveiller les mouvements entre les deux pays. «Plusieurs centaines de véhicules armés et transportant des munitions » ne peuvent passer inaperçus dans une zone désertique. Ils sont facilement détectables par la constellation de satellites et de drones français et alliés qui balayent en continu cette région du Maghreb.
La question serait plutôt de savoir pourquoi Alain Juppé a rendu publics les détails d’une conversation dont la teneur est censée être confidentielle. Un principe appliqué par Alger qui s’est tout juste contenté d’annoncer l’entretien téléphonique entre les deux ministres via l’Agence Presse Service. Face à ce nouveau camouflet, il est fort à parier que Medelci réagisse en… démentant. Il s’avère que depuis quelques semaines, le démenti est devenu la grande spécialité de la diplomatie algérienne.
«Le ministère des Affaires étrangères dément, de la manière la plus catégorique, les allégations mensongères colportées par certains sites électroniques ainsi que par certaines chaînes de télévision satellitaires sur une prétendue utilisation d’avions militaires algériens pour transporter des mercenaires en Libye», ont indiqué les services du ministère des Affaires étrangères en réponse à une information faisant état de pilotes biélorusses qui se sont introduits en Libye via l’Algérie. Quelques jours plus tard, les rebelles libyens affirment avoir capturé des «mercenaires algériens ».
Alger répond une nouvelle fois par un démenti : «Le ministère des Affaires étrangères tient à démentir de la manière la plus catégorique et la plus ferme possible une quelconque implication de l’Algérie dans cette prétendue opération de mercenariat.» Et en se justifiant face aux interpellations de son homologue français, Mourad Medelci a démontré que son département est incapable de prendre toute initiative. Le ministre le reconnaîtra formellement lors d’une conférence de presse.
Il tiendra les propos suivants à une question sur la position frileuse de l’Algérie depuis le début de la crise en Libye : «Notre intelligence diplomatique est relative, nous dépendons de l’Union africaine dont nous soutenons la médiation en Libye.» Censée faire partie des leaders des pays membres de l’Union africaine, l’Algérie semble se complaire dans son rôle d’observateur.
T. H.