L’objet de cette contribution est la synthèse de mon intervention au colloque international organisé par la revue international Energie Passages à l’Assemblée nationale française le 31 mai 2013 portant sur le thème «l’Algérie face à la concurrence et à la transition énergétique mondiale », en présence de nombreux responsables de firmes étrangères, d’experts de renom et de nombreux cadres algériens et du directeur général des hydrocarbures représentant le ministère algérien de l’Energie.
Pour commencer, je voudrais afin d’éviter certaines désinformations qu’aucune société étrangère ne s’est retirée après l’attentat terroriste du champ gazier d’In Amenas, où d’ailleurs la sécurité est posé pour l’ensemble du Sahel, et le terrorisme une menace planétaire. Pour certaines firmes, le gel de ses activités est momentané, étant mû par la seule logique du profit, certes tenant compte des contraintes tant politiques que socio- économiques. D’autant plus que l’assiette fiscale de la nouvelle loi des hydrocarbures algérienne de 2013 modifiant celle de 2006, repose sur la profitabilité pouvant inclure des charges additionnelles comme la sécurité. Si certaines sociétés à l’avenir devaient aller ailleurs, c’est que le taux de profit est plus avantageux. Il faudra être pragmatique et il appartiendra alors aux autorités algériennes d’adapter le cadre juridique. Je pense que s’il y a attentisme de certaines compagnies, cela est dû à la situation politique spécifique de l’Algérie à la veille de l’élection présidentielle d’avril 2014.
1.- Cerner le concept de la transition énergétique
La transition pouvant être définie comme le passage d’une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu chère, à une civilisation où l’énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante ayant pour objectif le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire, biomasse). Le pic pourrait selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles, se situer vers 2015-2025 pour le pétrole, 2025-2045 pour le gaz et 2100 pour le charbon. Le développement actuel de l’extraction d’énergies fossiles dites « non conventionnelles », telles que les gaz de schistes ou le pétrole off-shore profond, peuvent repousser le pic, sans pour autant modifier le caractère épuisable de ces ressources. D’une manière générale, l’énergie est au cœur de la souveraineté des Etats et de leurs politiques de sécurité allant parfois à provoquer des guerres. Les avancées techniques (Gnl-gaz naturel liquéfié, gaz de schiste, amélioration des performances d’exploitation de gisements d’hydrocarbures) couplées aux dynamiques économiques modifient les rapports de force à l’échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l’intérieur des Etats comme à l’échelle des espaces régionaux. Aussi s’agit-il de cerner le concept de transition énergétique impliquant de bien répondre à quatre questions essentielles.
Premièrement, si l’humanité généralisait le mode de consommation énergétique des pays riches, il nous faudrait les ressources de 4 ou 5 planètes d’où l’urgence d’une adaptation pour un nouveau modèle de consommation. Deuxièmement, la transition énergétique renvoie à d’autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale, autant que la fiscalité énergétique influant sur le choix des allocations des ressources et ayant un impact sur la répartition du revenu par catégories socio professionnelles). Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c’est le socle social Cela pose la problématique d’un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH ; industries, agriculture. Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme. Il ne faut pas être pessimiste devant faire confiance au génie humain. Le passage de l’ère du charbon à l’ère des hydrocarbures ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de charbon, et demain d’autres sources d’énergie. Cela est due aux nouveau procédés technologiques qui produit à grande échelle ont permis de réduire les coûts ce que les économistes appellent les économies d’échelle influant d’ailleurs sur la recomposition du pouvoir économique mondial et sur les gouvernances locales.
Troisièmement, il faut être réaliste et d’éviter une vision unilatérale car les fossiles classiques demeureront encore pour longtemps la principale source d’énergie. Aussi, la transition énergétique doit être fondée sur deux principes : premièrement, sur la sobriété énergique (efficacité énergétique), impliquant la maîtrise de la demande, la sensibilisation, mais aussi la formation pour forger de nouveaux comportements et donc un changement de culture. C’est-à-dire qu’il faut de nouveaux réseaux, un nouveau système de financement par de nouvelles politiques publiques, agir sur la réduction des besoins énergétiques en amont en augmentant l’efficacité des équipements et de leurs usages (par exemple nouveaux procédés pour le BTPH- transport pour des économies en énergie, (plus de 7O% de la consommation d’énergie) passant par la rénovation des bâtiments existants et un nouveau mode de transport. Deuxièmement, cela renvoie au MIX énergétique qui nécessitera d’adapter le réseau électrique aux nouveaux usages, supposant un nouveau réseau de distribution adapté aux nouvelles productions et de consommations pour garantir la continuité de fourniture et au meilleur prix.
Quatrièmement la transition énergétique suppose un consensus social, l’acceptabilité des citoyens du fait de la hausse à court terme du coût de l’énergie, mais profitable aux générations futures, supposant des mécanismes car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires ? Le dernier rapport de l’AIE de mai 2013, consacré par exemple à l’Allemagne, note que la facture de la transition énergétique risque de flamber avec la sortie du nucléaire. Un foyer de trois personnes paie en moyenne 83 euros par mois (70% du SMIG algérien) pour son électricité, près du double qu’il y a dix ans Après avoir posé ces préalables, quelle est la situation de l’économie algérienne? Aussi la transition énergétique est un processus long éminemment politique qui devrait être traitée loin de toute polémique politique, en étant constructif et non partisan, impliquant un nouveau modèle de consommation évolutif: exemple le téléphone portable qui concernera des milliards d’individus au niveau de la planète suppose une recharge par l’électricité. D’autres besoins nouveaux pourront apparaître au fil des décennies, l’objectif stratégique étant d’éviter la précarité énergétique de la majorité.
2. L’Algérie face à l’épuisement de ses réserves
Il est utile de rappeler que 98 % des exportations du pays sont issues des seuls hydrocarbures et important environ 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées. Ceux-ci ont généré quelque 600 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000 et 2012, selon les bilans de Sonatrach, la compagnie nationale des hydrocarbures. Cette manne a permis à l’Algérie d’éteindre sa dette extérieure et de diminuer artificiellement sa dette intérieure, et de disposer de réserves de change considérables, 200 milliards de dollars selon le FMI, en janvier 2013 , 190 milliards selon la banque d’Algérie dont 86% placées en majorité en bons de trésor américains et en obligations européennes à un taux fixe de 3%,( les intérêts rapportés en 2011 ayant été de 4,7 milliards de dollars, réserves auquel il faut ajouter les 173 tonnes d’or. Paradoxe, le PIB algérien reste modeste à 188,6 milliards de dollars en 2012 selon le FMI, dont plus de 40-45 % générés par les hydrocarbures et en réalit, tenant compte des effets indirects de la dépense publique via toujours les hydrocarbures, restant que moins de 20% pour les véritables producteurs de richesses et ce pour de 37,9 millions d’habitants au 1er janvier 2013, selon l’estimation de l’Office national des statistiques (ONS). Comme on ne saurait minimiser la corruption qui freine la mise en œuvre d’affaires saines. Un rapport, rendu public le 29 mai 2013 par la Banque africaine de développement (BAD) sur la fuite des capitaux en Afrique, fait ressortir que le montant des capitaux transférés en dehors de l’Algérie de manière illicite, (dominée par les surfacturations) entre la période allant de 1980 à 2009, a atteint la somme astronomique de 173,711 milliards de dollars US. L’Algérie, suivant les données de ce rapport, vient en quatrième position des pays africains les plus touchés par cette hémorragie, derrière respectivement le Nigeria (252,357 milliards), la Libye (222,875 milliards) et l’Afrique du Sud avec 183,794 milliards de dollars US. Pour en revenir à notre problématique, l’Algérie est le troisième fournisseur de gaz de l’Europe (13/15%), continent fortement dépendant qui devra à la fois diversifier ses sources d’approvisionnement et réaliser sa transition énergétique. L’Algérie peine toujours à maintenir le niveau des volumes exportés au-dessus de 60 milliards de mètres cubes, un seuil qui était bien conservé entre 2001 et 2008 et les prix élevés cachent une baisse du volume encore que le Ministère de l’Energie rassure avec la mise en exploitation courant 2014 des nouveaux gisements mais tout reste une question non d’offre mais de demande face à la crise mondiale qui sera de longue durée. Pour calculer la durée de vie des réserves en Algérie, il s’agit de prendre en compte l’évolution des coûts et des prix internationaux, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables. La durée de vie des réserves est également influencée par le volume tant les exportations que de la forte consommation intérieure du fait du bas prix du gaz, un des plus bas au niveau du monde, bloqués par la décision du 30 mai 2005. Selon la déclaration du PDG de Sonatrach en date du 24 février 2013 les réserves algériennes en gaz conventionnel sont de 2000 milliards de mètres cubes gaz, loin des données euphoriques de 4500, soit 1,3% des réserves mondiales, encore que certains experts préconisent de limiter les gaz torchés et utiliser les techniques de récupération notamment au niveau du gisement pétrolier d’Hassi Messaoud pour accroître les réserves. Mais le problème est de déterminer les coûts additionnels pour la rentabilité tenant compte de la concurrence.
La consommation intérieure en 2012, selon le Creg est de 25/30 milliards de mètres cubes gazeux et avait extrapolé environ 50 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2017/2020. Mais ce montant a été calculé avant l’annonce des nouveaux projets consommateurs d’une grande quantité de pétrole et de gaz. Mais avec ce paradoxe, les ménages étant les plus importants consommateurs d’électricité que les entreprises montrant une désindustrialisation du pays, loin donc des normes internationales, posant la problématique des subventions généralisées et non ciblées. Selon une récente étude du PNUD ayant exploité les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Algérie figure parmi les pays arabes qui subventionnent le plus les produits énergétiques avec 10,59 milliards de dollars (quelque 800 milliards de DA) consacrés à la subvention des prix de l’énergie en 2010 L’électricité a profité de 2,13 milliards dollars (quelque150 milliards DA) de subventions, tandis que les carburants ont coûté 8,46 milliards de dollars (environ 650 milliards de DA). Ces subventions représentent, selon l’organisme onusien, 6,6% du PIB algérien en 2010. Ces subventions ne concernent pas seulement l’électricité, mais d’autres segments comme le prix du pain étant subventionnés depuis 1996, sans subventions, le prix de la baguette actuellement à 8,50-10 dinars – officiel – dépasserait 25 DA. Pour les carburants, selon le ministère de l’Énergie et des Mines, le prix réel devrait fluctuer entre 60 et 80 DA le litre. Concernant le prix de l’électricité plafonné, Sonelgaz, suggère que le tarif devrait être revalorisé de 11% par an pour pouvoir financer ses investissements, induits par l’augmentation de la capacité de production, accusant une perte de 41 milliards de dinars algériens en 2011(un euro égal à 100 dinars au cours officiel). Devant comparer le comparable, en Algérie le tarif varie entre 2 DA et 3,20 DA/kwh selon le niveau de consommation, alors que ce prix est entre 3,45 DA et 4,94 DA/kwh en Tunisie, et entre 5,27 DA et 6,40 DA/kwh au Maroc.Aussi, la consommation intérieure risque d’être fortement augmentée après les décisions courant 2012 d’installer d’importantes capacités d’électricité fonctionnant au gaz. En effet, suite aux coupures récurrentes d’électricité, il a été décidé de doubler la capacité d’électricité à partir des turbines de gaz. Sonelgaz dans son programme 2012/2017 vise à investir, avec l’appui du gouvernement pour lui permettre d’augmenter sa production de 8.000 Mégawatts supplémentaires, portant le total à 12.000 Mégawatts pour un montant de 36,55 milliards d’euros. Dès lors, avec cette augmentation de la consommation intérieure, du fait de la décision de ne pas modifier les prix intérieurs, il y a risque d’aller vers 70 milliards mètres cubes gazeux horizon 2017-2020 de consommation intérieure, dépassant le volume des exportations de 2012 et rendant problématique les extrapolations d’exportation de 85 milliards de mètres cubes gazeux prévus dès 2014. Si l’on prend l’hypothèse d’exportation de 85 milliards mètres cubes gazeux et 70 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieures, il faudrait produire dès 2017 entre 155 milliards de mètres cubes gazeux supposant d’importants investissements dans ce domaine, limitant le financement des secteurs hors hydrocarbures et donnant une durée de vie de 13 ans maximum soit horizon 2026.
3- Sonatrach et la concurrence internationale
Il faudra évidemment prendre en compte la croissance ou pas de l’économie mondiale qui est un élément déterminant de la demande des hydrocarbures et donc du prix de cession, et des coûts, les concurrents ayant déjà amorti leurs installations, des énergies substituables du fait des importantes mutations énergétiques mondiales. Rappelons que la Russie possède 1/3 des réserves mondiales de gaz conventionnel en plus du savoir-faire technologique et managérial contre 15% pour l’Iran et 10% pour le Qatar, ces trois pays totalisant plus de près de 50% des réserves mondiales. Ainsi se pose tout le problème de savoir si face à la concurrence notamment russe, Sonatrach a une stratégie gazière devant prendre avec sérieux Gazprom principal conçurent de l’Algérie. Concertant le gaz conventionnel, il y aura lieu de tenir compte de la concurrence du Qatar, de la donne libyenne qui avec des réserves de 1500 milliards de mètres cubes gazeux non exploitées et des nouvelles découvertes en Afrique.
La stratégie de Gazprom, grande société internationale dynamique cotée en bourse, ce qui n’est pas le cas de Sonatrach, à travers le North Stream et le South Stream est offensive. Pour Nord Stream, le 8 novembre 2011 a été inauguré en Allemagne, qui permet l’acheminement de gaz russe en Europe. La première conduite, d’une capacité de 27,5 milliards de mètres cube, contourna nt l’Ukraine est opérationnelle. Une deuxième est en cours de construction doublant la capacité de la liaison. Le montant du projet s’élevait initialement à environ 13 milliards de dollars selon des déclarations de responsables russes repris par la pesse internationale en tenant compte des coûts de financement mais les prévisions de clôture donnent un montant plus important. Quant au projet de South Stream, concurrent direct de l’Algérie, il doit alimenter en gaz russe l’Europe occidentale, notamment la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l’Autriche, la Grèce et l’Italie, via la Mer Noire et les Balkans. D’une capacité de 63 milliards de m3 de gaz, le tronçon sous-marin doit entrer en service en 2015, le coût estimatif du projet étant évalué à 15,5 milliards d’euros mais devant clôturer selon certaines estimations à environ 20/22 milliards de dollars, d’autres experts l’estimant à environ 24 milliards de dollars . L’ensemble de ces projets remet en cause le projet algéro-italien Galsi dont le cout ramené aux capacités et à l’investissement par rapport au South Stream serait supérieur de près de 15% et posé le problème de sa rentabilité, devait relier directement l’Algérie à l’Italie via la Sardaigne capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux, pour un investissement entre 2,5 et 3 milliards de dollars initialement, mais dont le coût en mai 2013, approcherai actuellement 4 milliards de dollars alors que la mise en service était prévue pour 2014. Il semblerait que la majorité des élus de la Sardaigne s’opposent pour l’instant à la réalisation de ce projet du moins dans le tracé traditionnel pour des raisons écologiques et autres et du fait de l’autonomie de cette région, le gouvernement central italien ne pouvant rien faire sans l’aval des éluslocaux. Encore qu’il faille une entente entre Gazprom et Sonatrach afin d’éviter une dérive des prix qui serait préjudiciable aux investissements gaziers très capitalistique et à maturation lente qui pénaliseraient tant les consommateurs que les producteurs devant s’entendre sur un juste prix. Sans cela l’Algérie mais également les russes risquent de connaitre de gros soucis concernant leur gaz surtout à compter de 2020. En effet, le recours massif à la fracturation hydraulique les Etats-Unis, sans oublier la Chine dont les réserves de 25.000 milliards de mètres cubes gazeux équivalentes à ceux es USA, mais étant confrontée à une pénurie d’eau, pourraient devenir le premier producteur mondial de pétrole ainsi que de gaz à la fin de la décennie, selon le directeur adjoint de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), encore qu’il faille vérifier concrètement ces prévisions que certains experts mettent en doute, invoquant les extrapolations hasardeuses de l’AIE des réserves en Mer Caspienne. Cet essor a fait chuter les cours du gaz naturel sur le marché américain, désormais inférieurs à 3/5 dollars par million de BTU contre 9-10 dollars en Europe et entre 12- 15 en Asie, où la catastrophe de Fukushima a fait bondir la demande japonaise en gaz. Donc, des enjeux stratégiques pour l’Algérie dont les recettes pétrole/gaz en provenance des USA, où le 30 mai 2013, l’agence Bloomberg annonce que le groupe Sonatrach a baissé son prix de vente de 85 cents le baril de pétrole pour le mois de juin, faisant suite à une précédente baisse de 30 cents par baril, cela étant due au boom de production américaine dans les gisements du Dakota du Nord et du Texas venant directement concurrencer la production algérienne, qui produit un pétrole de qualité similaire à celui issu du schiste américain. Or 18 à 20 milliards de dollars soit 25-30% des recettes de Sonatrach proviennent des USA.
L’Algérie ne va-t-elle pas donc perdre des parts de marché avec l’arrivée de ce nouvel exportateur ? Par ailleurs, l’Italie vient de faire savoir en ce mois de mai 2013 qu’elle réduisait ses achats de gaz à Sonatrach avec un impact négatif sur les capacités du grand gazoduc Transmed. Autre contrainte pour Sonatrach, le projet Medgaz via l’Espagne Sonatrach étant le principal actionnaire avec 26% des parts, d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux où selon l’agence Reuters en date du 25 décembre 2012 deux partenaires du groupe Sonatrach Endesa et Iberdrola étaient en négociations pour leur retrait dans le capital de Medgaz.
Il est à préciser que le capital d’Endesa est détenu à hauteur de 92 % par l’italien Enel (ENEI.MI) qui est un leader de la distribution de gaz en Espagne alors que Iberdrola, détenteur de 20% du capital de Medgaz aux côtés de Cepsa avec 20% ainsi que les françaises Gdf et Suez avec 12 %.Mais dernier rebondissement, même pour Suez l’agence Reuters dans une dépêche en date du 28 mai 2013, le groupe énergétique français mène actuellement des négociations avec les groupes espagnols Gas Natural et Cepsa, en vue de vendre sa participation de 12%. Dans la foulée, GDF Suez a annoncé le 28 mai 2013 la conclusion d’un accord avec le groupe énergétique autrichien OMV Gas and Power sur l’achat d’une participation d’environ 9% dans le projet de gazoduc Nabucco West, reliant la Turquie à l’Autriche. Ce projet a pour objectif de sécuriser et de diversifier l’approvisionnement en gaz des marchés européens sur le long terme. Nabucco West, dont la mise en service est prévue à l’horizon 2020, permettra l’acheminement d’une dizaine de milliards de mètres cubes de gaz par an, en provenance d’Azerbaïdjan. A terme, sa capacité pourrait être augmentée de 13 milliards de mètres cubes supplémentaires afin de permettre l’importation de la production de nouveaux champs gaziers de la région de la mer Caspienne. Autre contrainte qui limite la manœuvre de Sonarach où d’ailleurs aucune information sur la rentabilité de ses investissements à l’étranger notamment au Pérou, le projet NIGAL (gazoduc reliant la région de le Nigéria) à l’Algérie et l Europe, soit 2500 km sur le territoire algérien, 750 km sur le territoire du Niger, 1300 km sur le territoire Nigérian, prévu pour le transport de 20 à 30 milliards de m3 par an, en majorité vers le marché européen pourra-t-il permettre d’ accroître les capacités d’exportation? Avec un coût prévu initialement à 7 milliards de dollars, son cout dépasserait 2O milliards de dollar selon une étude du 28 avril 2011 de l’institut français des relations internationales IFRI. Ce projet financé pour partie par l’Europe avec la crise d’endettement est-il réalisable d’autant plus que comparé aux canalisations russes, son coût est trop élevé. Enfin concernant le GNL, l’Algérie pourra-t-elle du fait des faibles capacités et de la déperdition de ses cadres, avoir été par le passé leader dans ce domaine, concurrencer le Qatar, l’Iran proche de l’Asie, la Russie et surtout tenant compte du coût de transport devant contourner toute la corniche d’Afrique pour arriver en Asie, liant forcément son marché naturel à l’Europe ? Et c’est là que rentre la concurrence et les décisions du Conseil européen qui vient d’approuver l’accord énergétique stratégique entre l’Algérie et les 27 pays de l’Union européenne le 15 avril 2013, accord qui sera ensuite ratifié par le parlement européen, et signé à Alger au plus tard avant le mois de ramadhan, à l’occasion d’une visite du commissaire européen à l’Énergie. Les négociations sur ce contrat interviennent donc dans un contexte particulier, marqué par des bouleversements profonds de la carte énergétique mondiale comme analysé précédemment et le nouveau mémorandum insistera sur la déconnexion des prix du gaz et du pétrole qui n’est plus en vigueur depuis au moins trois années et qu’adviendra-t-il des prix du gaz algérien aussitôt les contrats à moyen et long terme arrivés à expiration, l’Europe faisant pression pour une baisse des prix ?
Rappelons que dans le cadre de la renégociation de contrats de gaz à long terme par le groupe italien Edison qui a été repris par le groupe français EDF, Sonatrach a perdu en mars 2013, une affaire d’arbitrage où le groupe italien a obtenu la révision à la baisse des prix d’un contrat de fourniture de gaz naturel et ce sur décision, rendue par la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale avec un impact estimé à environ 300 millions d’euros (390 millions de dollars) sur l’Ebitda (excédent brut d’exploitation) du groupe Sonatrach en 2013.. Ce qui m’amène à analyser les axes directeurs du Ministère algérien de l’Energie.
4.- Les actions du ministère de l’Energie face à cette transition énergétique
Le constat en 2013 est que 96% de l’électricité est produite en Algérie à partir du gaz naturel, 3% à partir du diesel (pour les régions isolées du sud), 1% à partir de l’eau et que face aux contraintes analysées précédemment, il y a une prise de conscience qui fait le gouvernement axe sa stratégie pour une transition énergétique maîtrisable autour de cinq axes privilégiant un bouquet énergétique , ayant les moyens de son financement mais privilégiant le transfert de savoir-faire managérial et technologique , où un partenariat gagnant/gagnant notamment avec la France pourrait se réaliser dans le cadre du codéveloppement.
a.- Le premier axe est d’améliorer l’efficacité énergétique par d’une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspille des ressources qui sont gelés transitoirement pour des raisons sociales. En Algérie existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif ; idem pour les carburants et l’eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, soit moins de 5% du produit intérieur brut. A cet effet, une réflexion est engagé pour la création d’une chambre nationale de compensation, que toute subventions devra avoir l’aval du parlement pour plus de transparence, chambre devant réaliser un système de péréquation, segmentant les activités afin d’encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales mais impliquant une nouvelle politique salariale.
b- Le deuxième axe, l’Algérie a décidé d’investir massivement à l’amont pour de nouvelles découvertes. L’Algérie sera le troisième plus gros investisseur dans le secteur de l’énergie de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) au cours des cinq prochaines années avec un montant de 71 milliards de dollars de dépenses prévues dans le secteur de l’énergie sur la période 2013-2017 devant se classer en troisième position après l’Arabie Saoudite (165 milliards de dollars d’investissements prévus) et les Emirats arabes unis (107 milliards de dollars), selon Bloomberg.
Le ministère de l’Energie entend développer également la filière de la pétrochimie, notamment avec la rénovation du complexe de Skikda. Ce projet sera mené en partenariat avec une entreprise étrangère, pour produire des matières plastiques, du polyéthylène, du PVC et d’autres produits chimiques nécessaires à l’industrie. L’investissement coûtera 15 milliards de dollars. Le groupe Sonatrach négocie également un projet de production de 900.000 tonnes d’aluminium qui nécessite un investissement de six milliards de dollars. Pour le raffinage de pétrole, les six nouvelles raffineries retenues dans le plan d’action du gouvernement vont faire doubler les capacités de raffinage du pays et couvriront ses besoins en carburants d’ici à 2040, encore que se pose le pic pétrolier pour l’Algérie. La construction de ces usines va démarrer cette année avec l’ambition de les achever d’ici à 2018, Pour le GNL, la Sonatrach va mettre en service fin 2O13 deux unités à Arzew et Skikda d’une capacité de 4,5 millions de tonnes/an chacune, la capacité de liquéfaction de gaz naturel de l’Algérie devant passer à 35 milliards de m3 par an avec la mise en service de ces deux projets. Quelle sera leur rentabilité ?
c- Le troisième axe est le développement des énergies renouvelables. L’Algérie a réceptionné en mi-juillet 2011 la centrale électrique hybride à Hassi R’mel, d’une capacité globale de 150 MW, dont 30 MW provenant de la combinaison du gaz et du solaire. Cette expérience est intéressante. La combinaison de 20% de gaz conventionnel et 80% de solaire me semble être un axe essentiel pour réduire les coûts et maîtriser la technologie. À cet effet, le CREG (l’agence de régulation) a annoncé le 28 mai 2013 que deux projets de décrets destinés à accompagner la mise en œuvre du programme algérien de développement des énergies renouvelables, qui sont en cours de finalisation, seront prochainement promulgués. Le premier texte définit les conditions d’accès, pour les producteurs privés, aux tarifs d’achat garantis d’électricité produite de source renouvelable. L’obligation aux producteurs de raccorder leurs installations au réseau national interconnecté de distribution d’électricité constitue la principale condition de ce nouveau dispositif dont la mise en place répond à la nécessité d’adopter un nouveau mécanisme d’encouragement à la production des énergies renouvelables, le délai de traitement du dossier ne doit pas dépasser les deux mois. Les filières concernées par ces avantages sont le solaire photovoltaïque et thermique, l’éolien, la géothermie, la petite hydraulique, la biomasse, la valorisation des déchets et les installations de cogénération. Le deuxième projet de texte prévoit l’institution d’un certificat de garantie d’origine des équipements et installations de production d’électricité de source renouvelable. Le projet de loi prévoit l’instauration d’un nouveau mécanisme qui fera bénéficier tous les producteurs éligibles des tarifs d’achat garanti, le producteur d’électricité devant vendre exclusivement l’énergie aux sociétés de distribution dépendant de la Sonelgaz respectant un tarif préférentiel dont le seuil sera fixé par le ministère de l’Energie sur proposition de la Creg. Le tarif d’achat garanti est fixé sur toute la durée du contrat, qui s’étale de 15 à 20 ans, avec une révision éventuelle, au bout de la cinquième année, en fonction du potentiel réel mesuré sur site et des technologies installées. Des mesures incitatives sont prévues par une politique volontariste à travers l’octroi de subventions pour couvrir les surcoûts qu’il induit sur le système électrique national et la mise en place d’un fonds national de maîtrise de l’énergie (FNME) pour assurer le financement de ces projets et octroyer des prêts non rémunérés et des garanties pour les emprunts effectués auprès des banques et des établissements financiers. Le programme algérien consistait au départ à installer une puissance d’origine renouvelable de près de 22 000 MW entre 2011 et 2030, dont 12 000 mégawatts par an dédiés à couvrir la demande nationale de l’électricité et 10 000 MW à l’exportation. D’ici 2030, environ, 40% de la production d’électricité destinée à la consommation nationale sera d’origine renouvelable. Le ministre de l’Energie et des Mines vient de faire savoir en ce mois de mai 2013, l’objectif de l’Algérie de produire, dans les 20 ans à venir, 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables. Le montant de l’investissement public consacré par l’Algérie à la réalisation de son programme de développement des énergies renouvelables, à l’échéance 2030,qui était au départ fixé à 60 milliards de dollars s’élèvera, selon le Ministère de l’énergie, à 100 milliards de dollars portant ainsi la capacité à 36.000 mégawatts. Le problème l’Algérie aura-t-elle les capacités d’absorption, la maitrise technologique pour éviter les surcouts, la maîtrise du marché mondial et ne sera-t-il pas préférable de réaliser ce projet grandiose dans le cadre de l’intégration du Maghreb, pont entre l’Europe et l’Afrique, marché naturel du Maghreb et de l’Europe, continent à enjeux multiples qui horizon 2O3O, tirera la croissance de l’économie mondiale.
d- Quatrième axe, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 pour faire face à une demande d’électricité galopante, a affirmé le 19 mai 2013, le ministre de l’Énergie et des Mines, l’institut de génie nucléaire, créé récemment, devant former les ingénieurs et les techniciens en partenariat, qui seront chargés de faire fonctionner cette centrale. Les réserves prouvées de l’Algérie en uranium avoisinent les 29.000 tonnes, de quoi faire fonctionner seulement deux centrales nucléaires d’une capacité de 1.000 Mégawatts chacune pour une durée de 60 ans, selon les données du Ministère de l’Énergie. La ressource humaine étant la clef à l’instar de la production de toutes les formes d’énergie et afin d’éviter cet exode de cerveaux massif que connait l’Algérie, le poste services avec la sortie de devises étant passé de 2 milliards de dollars en 2002 à plus de 12 milliards fin 2012, dont une grande partie destinée au secteur hydrocarbures, Sonatrach se vidant de sa substance, il convient de résoudre le problème récurrent des chercheurs qui depuis des années demandent l’éclaircissement de leur statut, la revalorisation de leur rémunération et surtout un environnement propice par la levée des obstacles bureaucratiques qui freinent la recherche.
e- Enfin cinquième axe l’option du gaz de schiste introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures de 2013 réserves selon l’AIE de 6000 milliards de mètres cubes gazeux et entre 12.000 et 17.000 selon le ministère de l’Energie. En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, un large débat national s’impose, car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays. L’Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l’eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d’eau douce, (les nouvelles techniques peu consommatrices d’eau n’étant pas encore mises au point, malgré le recyclage, quel sera le coût, fonction de l’achat du savoir-faire), un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d’eau douce et être pris en compte les coûts (en plus de l’achat des brevets) devant forer plusieurs centaines de puits moyens pour un milliard de mètres cubes gazeux. Sans compter la durée courte de la vie de ces gisements, environ 5 années pouvant récupérer une moyenne de 20/25% contre 85/90% pour les gisements de gaz conventionnel sans compter la nécessaire entente avec des pays riverains se partageant ces nappes non renouvelables dont le Maroc, la Libye et la Tunisie.
En résumé, la part de l’OPEP qui représente 30% de la commercialisation de pétrole au niveau du marché mondial risque de diminuer et donc son influence, la Russie et les USA étant hors OPEP. Pour le gaz, n’existant pas de cartel, et donc de marché mondial (devant généraliser les GNL), du fait de la segmentation avec la prédominance des canalisations, chaque producteur agira en fonction de ses intérêts immédiats. Pour l’Algérie est posée la problématique de sa sécurité énergétique, de l’urgence d’une transition énergétique raisonnable et maîtrisée s’insérant dans le cadre global d’une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Cela suppose excepté les secteurs stratégiques de lever la règle des 49-51% inadaptée à toutes les filières et toutes les contraintes bureaucratiques d’environnement qui freinent l’expansion de l’entreprise créatrice de valeur ajoutée. Cela suppose un profond réaménagement des structures du pouvoir algérien assis sur la rente, assistant à un Etat artificiellement riche mais une population de plus en plus pauvre avec des tensions sociales généralisées.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Expert International en management stratégique