L’Algérie dispose d’un nouveau programme de lutte contre la corruption. Mais la lassitude de l’opinion publique à propos des scandales impliquant le géant public de l’énergie, la Sonatrach, le projet d’autoroute Est-Ouest et d’autres projets de travaux publics rendent plus qu’incertaines les chances de succès de ce programme.
Le Conseil des ministres algérien a décidé mercredi 25 août de créer un nouveau bureau central chargé d’enquêter et de mettre à jour les délits liés à la corruption. La Cour des comptes, actuellement chargée de traiter les cas de fraude et d’évasion fiscale dont souffre le Trésor, se verra également chargée de missions supplémentaires.
Ce n’est pas la première fois que l’Algérie tente de telles mesures. L’Office national de surveillance et de prévention de la corruption (ONSPC) avait été créé par décret présidentiel en 1996. Le Président l’avait par la suite supprimé quatre ans plus tard. Ses rapports annuels ne furent jamais publiés.
Depuis, les responsables gouvernementaux ont parlé du sujet sans parvenir à une réalisation concrète sur ce terrain semé d’embûches. En 2006, une loi avait été adoptée dans le but de créer une instance nationale pour la prévention de la corruption, mais l’objectif n’a pas encore été atteint.
En réalité, le président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption Djilali Hadjadj a ouvertement fait part de ses craintes de voir ce nouveau bureau connaître le même sort que celui créé en 2006.
Selon Hadjadj, « le président Bouteflika induit l’opinion publique en erreur lorsqu’il demande au gouvernement d’accélérer la création de cet organisme au moment où les prérogatives de désignation des membres de cet organisme, ainsi que le décret exécutif devant préciser les prérogatives de cet organisme, restent du ressort du président et non du gouvernement. »
La presse est également sceptique.
« Le sort de ce nouvel organisme sera-t-il différent de celui des précédents ? Réussira-t-il là où ils ont échoué, à savoir à venir à bout de ce fléau qui gangrène l’économie du pays ? », se demandait un éditorial d’Infosoir le 26 août. « Aucun des organismes mis en place ces dernières années dans le cadre de la lutte contre la corruption n’a eu les effets escomptés », ajoute le journal.
Pour l’ancien Premier ministre Ahmed Benbitour, la corruption est une partie intégrante du système lui-même. Lors d’une réunion du parti Islah le 26 août, Benbitour avait expliqué que la nature rentière du système conduit inévitablement à la corruption.
« Quand le pétrole ne pourra plus jouer son rôle de maintien de l’Etat, le risque de déliquescence de l’Etat se précisera », avait-il ajouté. Le pays pourrait alors suivre la voie de la Somalie, avait-il conclu.
Selon un rapport de l’organisme financier Global Financial Integrity, l’Algérie se classe troisième plus mauvais pays en Afrique en termes de flux financiers illicites. Seuls le Nigeria et l’Egypte font pire.
« Tant que ces pays perdent de très importantes sommes d’argent par le biais de flux financiers illicites, le développement économique et la prospérité resteront des voeux pieux », a conclu ce rapport du GFI.