Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague en visite à Alger a demandé mercredi à l’Algérie de coopérer avec les nouvelles autorités libyennes pour éventuellement livrer les membres de la famille de l’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi réfugiés en Algérie.
La déclaration du ministre des Affaires étrangères britannique est nette, directe : « Nous pensons, au Royaume-Uni, que l’Algérie doit coopérer avec les autorités libyennes si celles-ci effectuaient toute demande concernant les personnes qui sont venues dans ce pays », a déclaré M. Hague lors d’un point de presse avec le ministre algérien des Affaires étrangères Mourad Medelci.
Le ministre répondait à une question relative à la position britannique concernant la présence de membres de la famille Kadhafi en Algérie. « J’ai présenté la même demande, concernant les personnes réclamées par la Cour (pénale) internationale (CPI), à tous les pays de la région que j’ai visités », a ajouté le ministre. « Il est important de travailler avec les autorités libyennes et la justice internationale afin de garantir la remise des personnes réclamées à la justice », a poursuivi M. Hague.
L’Algérie a annoncé le 29 août avoir accueilli sur son sol, pour des raisons humanitaires, trois enfants de Kadhafi –sa fille Aïcha qui a accouché d’une petite fille, ses fils Mohamed et Hannibal–, et sa seconde épouse Safia. « Nous l’avons reçue pour des raisons humanitaires, le président (du Conseil national de transition (CNT) libyen, Moustapha) Abdeljalil a reconnu que nous étions en droit de le faire », avait justifié à l’époque M. Medelci à propos de l’accueil d’une partie de la famille du colonel Kadhafi.
Une famille activement recherchée
Depuis, la Cour pénale internationale a émis en juin des mandats contre le colonel Kadhafi, 69 ans, son fils Seif Al-Islam, 39 ans, et son beau-frère et « bras droit », le chef des services du renseignement libyens, Abdallah Al-Senoussi, 62 ans. Saadi Kadhafi lui a trouvé refuge au Niger. A la demande des nouvelles autorités libyennes, l’organisation internationale de police Interpol avait émis en septembre une notice rouge contre ce fils de Mouammar Kadhafi. Elle avait demandé à Niamey de le mettre en état d’arrestation, ce qui fut refusé. Cependant, le gouvernement nigérien a conclu, début octobre, un accord avec le CNT pour que ce dernier puisse interroger Saadi Kadhafi, a affirmé le ministre nigérien de la Justice, Marou Amadou. « Le Conseil national de transition (CNT), que nous avons reconnu, peut venir librement au Niger » pour questionner Saadi, a déclaré M. Amadou à la télévision d’Etat nigérienne. Cela étant, le Niger a maintenu qu’il serait peu probable que Saadi soit extradé vers la Libye dans de brefs délais.
Entre diplomatie parallèle et contradictions
La diplomatie algérienne avait très mal géré le dossier libyen. Il y a eu le voyage médiatique de la délégation du FLN à Tripoli. L’initiative n’a pu être menée sans l’accord du président Bouteflika ni celui d’Abdelaziz Belkhadem. On connaît la discipline des clients de l’ancien parti unique quand il s’agit de défendre la politique du pouvoir Il y a eu la diplomatie parallèle menée par Saïda Benhabylès qui s’était déplacée à Tripoli au printemps dernier. Puis les accusations de soutien militaire apporté à Kadhafi. Notre diplomatie a été tout le temps sur la défensive, se justifiant à chaque fois. En final, l’Algérie a été le dernier pays à reconnaître le CNT. Après ses exigences maximalistes, voire sans fondement comme la mise en place d’un gouvernement ou la lutte contre le terrorisme, l’Algérie, isolée sur le plan diplomatique, revient à de meilleurs sentiments. D’exécrables les relations se sont quelque peu apaisées. « Nous avions des relations informelles avec le CNT, qui sont devenues aujourd’hui officielles », a ajouté, sibyllin Mourad Medelci.
Mourad Medelci a indiqué que l’ambassadeur d’Algérie à Tripoli avait été reçu mardi par le président Abdeljalil, « au terme d’une audience qui a été extrêmement constructive, l’ambition de construire des relations fortes a de nouveau été confirmée ».
A la veille de la réception d’un délégation du Conseil national de transition à Alger, la déclaration du ministre des Affaires étrangères anglais sonne comme une invitation diplomatique à se plier aux demandes des tombeurs de l’ancien dictateur libyen. La question est de savoir si Alger va livrer les membres de la famille Kadhafi réfugiés en Algérie au nouveau gouvernement ?
Y. K./AFP