Cinquante ans après, les Algériens font un bilan sévère de l’indépendance de leur pays, acquise le 5 juillet 1962.
Un siècle, comme la vie d’un homme, se divise généralement en deux. La première partie est consacrée à se battre, apprendre, comprendre, et la seconde à tout mettre en application, concrétiser les résultats et profiter des dividendes et des acquis.
De ce point de vue, on pourra encore souligner que l’Algérie a brillamment réussi la première partie et a échoué dans la phase suivante.
Née au forceps, grâce au courage d’hommes et femmes de 20 ans, l’Agérie a finalement été enterrée par des bureaucrates mous de 70 ans. En rentrant en marche arrière dans son deuxième demi-siècle, on réalise que les mêmes questions posées à l’indépendance se posent encore aujourd’hui, 50 ans plus tard: libertés, état de droit, pouvoir et contre-pouvoirs, justice et répartition des centres décisionnels.
Que peut-on faire en 18.000 jours?
Qu’aurait-on pu faire à la place de ce qui n’a pas été fait ou de ce qui a été mal fait? La question est vaste. Mais, le temps passé joue contre les immobilistes,18.260 jours plus tard, sans compter les heures précieuses et les dernières minutes.
Que peut-on faire en 18.000 jours? Si l’on construit dix immeubles de vingt appartements par jour, on aurait pu en avoir trois millions et demi.
Si l’on rend fertile cent hectares de désert par jour, on aurait pu en avoir près de deux millions à cultiver. Si l’on forme un milliers d’enfants par jour, on aurait pu avoir dix-huit millions d’humains qualifiés.
A l’inverse, si l’on détruit cent hectares de terre et 1.000 carrières quotidiennement, on arrive au point d’aujourd’hui, une terre aride à 70% et des millions de gens non-formés et sans emploi.
Un jeune mal formé mais informé expliquait d’ailleurs son amalgame en ces termes:
«Nous ne sommes pas indépendants depuis 50 ans, nous sommes livrés à nous-mêmes depuis un demi-siècle.»
Au bas de la pyramide des suffisances du palais d’Alger et des rois fainéants, un demi-siècle et les serments des millions de martyrs nous contemplent.
Chawki Amari