Arrivée au Mondial sur la pointe des pieds, l’Algérie en est sortie après avoir étalé de grosses carences. En Coupe du monde, le coeur ne suffit pas. Le talent, l’expérience et l’audace sont des atouts indispensables. Les Fennecs en ont cruellement manqué. Retour sur les causes de leur élimination.
UNE PREPARATION CALAMITEUSE
Avant même de fouler le sol sud-africain, les Algériens se sont mis des bâtons dans les roues. D’abord avec une campagne de matches amicaux désastreuse et notamment des défaites humiliantes face à la Serbie (3-0) et l’Eire (3-0). Ensuite avec une avalanche de blessés (Bougherra, Belhadj, Yebda, Yahia) et le forfait de Meghni, l’un des leaders techniques des Fennecs. Enfin, une gestion calamiteuse de la mise à l’écart de l’ancien capitaine Yazid Mansouri. « L’éviction de Mansouri risque de laisser des traces. La manière dont il a été éjecté n’est pas digne des sacrifices qu’il a endurés pour l’équipe depuis dix ans », déclarait un des cadres de la sélection algérienne. La belle force mentale née de la qualification héroïque s’est effritée peu à peu. Un avant-Mondial qui porte en lui les germes des difficultés algériennes en Afrique du Sud.
UN MANQUE D’EXPERIENCE CRIANT
« Après la CAN, on a dressé le bilan que nous avions 13-14 joueurs de bon niveau, mais pas de banc. On a donc ramené des jeunes », confait Rabah Saâdane en début de Mondial. Dans l’équipe-type actuelle, seuls Bougherra, Yahia, Halliche, Belhadj et Yedba, c’est-à-dire le système défensif, sont des rescapés du match de barrages houleux remporté face à l’Egypte (1-0), en novembre à Khartoum. Ce n’est sans doute pas un hasard si ce secteur fut le point fort des Fennecs au Mondial. Avec moins de dix sélections cumulées avant le premier match, pouvait-on demander à Bellaïd, Medjani, Boudebouz, Kadir, Lacen, qui représentent tous indiscutablement l’avenir des Verts, de devenir en quelques semaines des leaders de vestiaires et de terrain ? Après la défaite initiale face à la Slovénie (1-0), les inexpérimentés Algériens se sont renfermés sur leurs convictions défensives et ont eu peur de déjouer. Une crainte qui s’est muée en peur de jouer tout court.
INCAPABLE DE FAIRE LE JEU
270 minutes, aucun but marqué. Le constat est sévère. L’élimination de l’Algérie s’explique avant tout par son incapacité à marquer et à faire le jeu. Karim Ziani n’a jamais pesé sur le cours d’un match. Malgré leur débauche d’énergie, Djebbour et Matmour, épuisés par leurs nombreux efforts pour défendre, se sont montrés beaucoup trop inoffensifs. Les verts se sont montrés sans doute trop disciplinés, sans souffle ni panache. Le manque de talent est un autre argument avancé par Rabah Sâadane notamment : « On a des joueurs de qualité en défense et au milieu. Maintenant, il faut se mettre à la recherche des oiseaux rares en attaque. Nous avons beaucoup travaillé mais ce travail n’est pas récompensé. Il nous a manqué l’efficacité et la réussite que les Etats-Unis ont eue. » Antar Yahia trace le même sillon : « L’Algérie n’est ni le Brésil ni l’Argentine. On n’a pas un Messi ni un Cristiano Ronaldo dans l’équipe. Il faut remettre les pieds sur terre. »
SAADANE, COUPABLE IDÉAL
La frilosité algérienne est forcément directement imputable au sélectionneur, responsable du projet de jeu de sa formation. Une partie de la presse algérienne tire à boulets rouges ce jeudi sur Saâdane. « C’est à croire que cette formation de Saâdane n’est là que pour faire de la résistance, incapable de prendre le jeu à son compte, d’acculer l’adversaire et de créer des occasions de but, écrivait jeudi Le Quotidien d’Oran. Le Mondial s’est terminé de bien triste façon pour les Verts et leur entraîneur, un technicien obstiné dans ses conceptions ». Le journal dénonce « l’aversion à aller de l’avant » de Saâdane. « Partez, on ne vous regrettera pas », lance AlgérieNews sur sa Une. A 64 ans, peut-être est-il temps de passer la main.
DES SATISFACTIONS MALGRÉ TOUT
Tout n’est évidemment pas à jeter dans la sélection algérienne. Si une équipe se construit avant tout sur sa défense, les bases sont solides. L’Algérie a notamment tenu tête à l’Angleterre des Rooney, Gerrard et Lampard dans ce domaine (0-0). Dans le but, Raïs M’Bohli a brillé : « un gardien géant », lance le quotidien El Khabar. La jeunesse de l’effectif laisse augurer des lendemains qui chantent tout comme l’expérience accumulée en Afrique du Sud. Cette Coupe du monde est peut-être arrivée trop vite pour des Fennecs encore trop tendres. Mais elle a permis de poser les bases d’une sélection appelée à perdurer sur la scène internationale.