L’Algérie ballottant entre Saâdani et Mezrag

L’Algérie ballottant entre Saâdani et Mezrag

En guise de rentrée politique, Saâdani a réuni son CC et désigné son BP. Dans une réunion-cérémonie, il a fait le constat et il l’a dit : son parti contrôle — par procuration — la Présidence, le gouvernement avec quatorze ministres, dont le premier d’entre eux, l’Assemblée nationale avec une majorité écrasante ; il a aussi l’appui organique du syndicat officiel, du patronat organisé et bénéficie d’un message de soutien de l’armée. Mais cela, il ne l’a pas dit.

Il sait bien que l’action politique, quasi inexistante, du FLN n’y est pour rien. Et que c’est l’effet d’un recentrage autoritaire du pouvoir. Pour sa sécurité politique, il n’a plus besoin de faire parler tout le monde d’une même voix ; une seule parlera pour tout le monde. Et cela, Saâdani l’a dit aussi : il n’y a plus de place pour des alliés ; ceux qui veulent s’accrocher n’ont qu’à s’amarrer à la “locomotive”.

Pendant que le pouvoir se cale dans une confortable unicité, pilonnant tous azimuts les dernières poches d’insoumission, les opposants optimistes pourront toujours s’accrocher l’imminence, invariablement annoncée par Saâdani, de la nouvelle Constitution. Ce n’est pas maintenant que Saâdani s’est révélé une source sûre qu’on va douter de ses prophéties. Sinon, nous aurons le mérite de posséder la Constitution ayant connu la plus longue période de gestation de l’Histoire des institutions : quatre ans et demi, et ce n’est pas fini ! On détient les records qu’on peut. Il n’y a que Madani Mezrag et ses amis télécoranistes qui semblent échapper à ce mouvement d’encerclement autoritaire. Au moment où il retombe dans un accès de fièvre répressive, le pouvoir s’est à peine retenu de pavoiser pour le dixième anniversaire de la “charte pour la paix et la réconciliation”. Mais, le pouvoir ne semble pas payé en retour et, comble de paradoxe, il se fait maintenant rudoyer par le principal négociateur de l’arrangement !

En inventant l’enfumage de “tragédie nationale”, les architectes de l’illusion réconciliatrice ont voulu éviter que l’on distingue entre victime et bourreau. Or, il s’avère que leur montage, qui néantise les vraies victimes, offre au bourreau les moyens de revendiquer le statut de victime. C’est au nom de ses “victimes” que Mezrag revendique le droit d’activer légalement. Difficile de justifier le refus au droit à une activité politique à un individu qui a été invité, au titre de “personnalité nationale”, à se prononcer sur le projet de Constitution ! Cela dit, et en attendant, il ne s’en prive pas.

Ce soudain face-à-face de l’islamisme belliqueux et d’un pouvoir qui se méfie plus des victimes que des bourreaux nous rappelle à une triste réalité : celle du privilège de la violence. Illustré par ce fait : c’est Mezrag qui défie le Président, et c’est le directeur de la télévision que l’on convoque !

M. H.