L’Algérie à la recherche de son statut perdu d’exportatrice de produits agricoles

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Un séminaire consacré à l’accès des produits agricoles algériens sur le marché européen s’est tenu le 28 juin à Alger.

Organisé par le ministère algérien de l’Agriculture et du Développement rural en collaboration avec la Commission européenne, ce séminaire a permis de dresser un état des lieux des exportations agricoles du pays en direction du Vieux continent et de formuler quelques recommandations pour améliorer les choses.

LG Algérie

La production agricole algérienne reste encore insuffisante

ALGERIE. Après quatre décennies où elle n’exportait pratiquement qu’une petite quantité de dattes, l’Algérie a signé son retour au niveau international en plaçant, le 10 juin 2010, 10 000 quintaux d’orge sur le marché tunisien.

Mais cette percée, toute relative, ne doit pas cacher le fait qu’il reste encore beaucoup d’efforts à fournir, à tous les niveaux de la chaîne, et beaucoup d’obstacles à franchir en vue de réussir le pari de transformer l’Algérie en gros exportateur de produits agricoles.

La relance des exportations est théoriquement possible

Les intervenants au séminaire d’Alger n’ont pas caché que les exportations actuelles de produits agricoles sont quantité négligeable.

Ils n’en ont pas moins considéré, à l’image du directeur général de l’Agence Nationale de Promotion du Commerce Extérieur (Algex), M. Mohamed Benini, que la relance des exportations de produits agricoles était possible du fait de l’augmentation de la production, des facilités accordées par l’Union Européenne (UE) aux produits agricoles dans le cadre de l’Accord d’association qui la lie à l’Algérie.

Ils n’ont pas manqué de noter et de se féliciter de la persévérance d’un petit nombre d’exportateurs qui ne renoncent pas.

Le total des exportations agricoles inférieur aux importations de la seule pommes de terre

Un accessit en matière d’exportation d’orge, mais on est loin d’une économie tournée vers les marchés extérieurs (photo MN)

Bien que le pays traine une antique réputation de « grenier à blé de Rome », réputation que certains minimisent, les exportations agricoles algériennes sont en déclin.

Selon le représentant du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Rachid Bouzidi, les exportations à destination de l’UE ont atteint un volume de 60 000 tonnes pour un montant de 42 M$ (34,5 M€) en 2009 contre 52 000 tonnes correspondant à 46 M$( 37,74 M€) en 2008.

Le total de ces exportations, en valeur et en volume, s’avère inférieur aux importations de pommes de terre d’origine européenne.

L’Algérie ne profite même pas des contingents prévus par l’accord avec l’UE

De G à D , le DG d’Algex et le ministre du Commerce

Pour Rachid Bouzidi, les exportations algériennes vers l’UE se caractérisent par «la prédominance de l’exportation d’un produit, les dattes, par la faiblesse relative des volumes exportés pour l’ensemble des produits et par l’irrégularité de la gamme des produits exportés».

Mohamed Benini considère de son côté que l’Algérie ne profite pas des contingents fixés par l’Accord d’association qui sont de l’ordre de 20%. « Nous sommes autour des 10%, voire 3 à 4% pour certains produits et, globalement, sur une gamme de produis assez limitée », a-t-il indiqué.

Et le Directeur d’Algex de conclure que l’Algérie « est passée, en l’espace de quelque décennies, d’un pays exportateur potentiel à celui d’importateur net de produits agroalimentaires. »

Qualité insuffisante et manque de professionnalisme

Tout les participants au séminaire sont d’accords pour constater que la production agricole algérienne reste encore insuffisante.

L’Algérie doit certes assurer d’abord sa sécurité alimentaire. Ce défi n’est toutefois pas opposable à une politique d’exportation. Encore faut-il améliorer la qualité des produits pour intéresser les marchés européens.

Pour Mohamed Benini, la faiblesse des exportations incombe à la « qualité des produits agricoles qui ne répondent pas aux exigences du client étranger, aux problèmes logistiques et organisationnels, au manque d’organisation et de professionnalisme chez les exportateurs, aux lenteurs des procédures bancaires et à l’insuffisance des infrastructures de froid notamment au niveau des ports ».

Ni marketing en Europe, ni moyens de distribution en Algérie

Pointés du doigt par le directeur général d’Algex, « la faiblesse des circuits de distribution, des moyens de conservation, de packaging et de transport ainsi que l’absence totale de relais à l’étranger pour faire connaître le produit algérien ».

Mohamed Benini déplore également « la lenteur des procédures de financement et de préfinancement et la difficulté de l’accès aux semences pour les producteurs ».

Une telle situation entrave les opérations d’exportation.

C’est ainsi que le premier responsable d’Algex explique : « Nous recevons des demandes de partenaires européens qui souhaitaient se porter acquéreurs de nombreux produits agricoles frais pour lesquels ils ont un intérêt particulier, non pas du point de vue des volumes, mais du point de vue de la singularité des produits méditerranéens, mais il n’a pas toujours été possible de conclure des opérations rentables dans les délais et pour les quantités souhaitées »

Méconnaissance du marché européen

Les producteurs algériens ont du mal à entrer dans une politique de certification que réclament les marchés européens (photo MN)

Un autre obstacle de taille, souligné par Rachid Bouzidi a trait à la méconnaissance des marchés et des besoins des consommateurs de l’UE. C’est ainsi que le représentant du ministère de l’Agriculture et du Développement rural mettra en exergue une mise à niveau insuffisante en matière de normes et de compétitivité

Mohamed Benini rappellera, de son côté, l’absence d’une politique d’exportation et de promotion des produits agricoles qui constitue l’une des principales contraintes freinant les exportations.

Le protectionnisme masqué de l’UE

Les obstacles rencontrés par les exportateurs algériens ne sont toutefois pas seulement d’ordre interne.

Les responsables de l’agriculture algérienne pointent du doigt les normes et certifications ISO et HCCP qui concernent la qualité d’hygiène et la traçabilité des produits. « Ces normes constituent le point nodal de nos discussions avec nos partenaires européens, car ce ne sont, à notre sens, que de simples points techniques », note le DG d’Algex.

« Le principal atout de l’Algérie est représenté par le produit naturel et bio, mais les procédures de certification sont lourdes et coûteuses », précise M. Benini qui les qualifie « d’obstacle de taille ».

« Poursuivre l’intégration dans le marché mondial »

Les participants au séminaire ont insisté sur la nécessité d’accroître la production de produits susceptibles de trouver des débouchés sur les marchés extérieurs.

Le responsable de la filière dattes se fixait pour but, il y a quelques jours à peine, de quintupler les exportations de ce produit prisé par les consommateurs européens.

Développer les exportations n’implique pas pour autant de se refermer sur soi-même. Il faut au contraire «œuvrer à maintenir l’intégration de l’économie nationale dans le marché mondial», soutient de son côté le directeur de l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (INRAA).

Fouad Chehat plaide en effet en faveur d’une «intégration réfléchie» afin de passer d’un pays importateur de produits alimentaires à un pays exportateur

Améliorer les performances de la filière

Le directeur de l’INRAA insiste sur le nécessaire parachèvement de l’organisation des filières agroalimentaires, sur le développement des modalités d’organisation ainsi que la création de conditions à une régulation efficace des marchés.

Il salue les efforts déjà consentis, à l’instar « du couloir vert mis en place par les douanes pour le transit des produits frais ».

Appel à un « appui multiforme » de l’UE

Dans le but de redresser la filière et de promouvoir les exportations à destination du marché européen, Rachid Bouzidi a lancé un appel à l’UE en termes de connaissance des marchés européens et des circuits de distribution, de mise en place de systèmes de veille économique, réglementaire, technique et technologique ainsi qu’en matière de renforcement des organisations interprofessionnelles.

Mohamed Benini espère, de son côté, « un assouplissement de certaines normes qui sont applicables dès janvier 2011 » et qui sont susceptibles d’entraver encore davantage les exportations algériennes.