La sécurité des grands projets, ouvrages d’art, sites industriels a été le thème autour duquel ont été réunis d’éminents spécialistes et professionnels. M. Lahmar, CES au ministère des Travaux publics, le Dr Mohamed Belazougui, directeur général du Centre national de recherche appliquée en génie parasismique, le Professeur Abdelkrim Chelghoum, spécialiste en génie parasismique, consultant international et professeur à l’USTHB, Mme Hassina Hammache, ingénieur, expert en construction, M. Mohamed Boubekeur, expert en risques majeurs, consultant international, M. Chemlal, directeur au niveau de l’Agence nationale des barrages.
Les grands ouvrages dispensés d’assurance
M. Lahmar a rappelé la nomenclature des ouvrages publics pour lesquels les personnes physiques ou morales sont dispensées de l’obligation d’assurance de responsabilité professionnelle et de responsabilité décennale. Cette liste a fait l’objet d’un décret exécutif du 17 janvier 1996. Il s’agit des ponts, tunnels, barrages, aqueducs, routes, autoroutes, retenues d’eau collinaires, jetées, ports, quais et ouvrages de protection, lignes ferroviaires, pistes d’atterrissage.
La situation a évolué positivement
Le représentant du ministère des Travaux publics estime que la situation en matière de sécurité des sites stratégiques a évolué. Il s’agit d’une évolution intelligente à l’affût de problèmes à résoudre. L’Algérie a été en avance sur la production réglementaire en Afrique et dans le monde arabe. Aujourd’hui l’obligation de contrôle est instituée. Il s’agit d’une évolution positive. Cela fait partie de la prévention. Il y a des insuffisances certes, estime l’orateur. C’est pour cela qu’il faut tout le temps corriger. Quand on a des ouvrages particuliers à en garantir la sûreté, il ne faut pas hésiter à chercher l’expertise la plus pointue à travers le monde. Il faut que les ouvrages d’art et autres ramènent les garanties les plus sûres, qu’il faut veiller à ce que les études soient bien faites et les ouvrages bien réalisés. C’est la ligne de conduite qui est suivie par notre pays où le contrôle est exercé par de nombreux experts sur la base d’une réglementation constamment mise à jour. Sur la responsabilité, elle relève des textes juridiques (code civil) qui établit la responsabilité des différents acteurs, (architectes, ingénieurs).
Les CTC et leur poids en matière de contrôl
L’orateur relève que le contrôle s’est institué progressivement avec la création notamment des CTC éclatés en CTC régionaux aujourd’hui, du CGS et autres organes techniques. Un travail important a été réalisé en matière de normes à travers l’IANOR et autres centres de recherche. Tout cela, conclut M. Lahmar, fait que le contrôle de ces grands ouvrages est bien assuré. Le séisme de Chlef de 1980 a été une première épreuve. Le Dr Belazougui Mohamed souligne pour sa part que la sécurité des ouvrages en Algérie fait l’objet d’une bonne prise en charge, qui relève de la réglementation en vigueur sur le parasismique, et les recommandations qui suivent. L’orateur relève que la frénésie dans la construction, dans les investissements a pu créer une situation difficile à maîtriser. La création du CTC a relevé alors des solutions imaginées pour une maîtrise de la situation et prendre en charge le risque sismique à travers le contrôle.
Cartographie des zones à risque
Le Dr Belazougui a signalé que faire face aux aléas sismiques, il a été établit une cartographie, un macrozonage. L’autre travail a consisté dans l’élaboration d’un avant-projet de régime parasismique. Le premier règlement a paru suite au séisme de 1980. Ce fut le premier règlement national parasismique, inspiré de la réglementation française Ce faisant, le Dr Belazougui relève que l’expérience de Chlef a servi à beaucoup de pays. Le contrôle technique sur lequel on insiste beaucoup dans notre pays, n’existe pas partout dans d’autres pays. Il est exigé un certificat de conformité qui normalise le risque et fait que l’assureur peut entrer en action. Depuis 1983 à 2011, beaucoup d’étapes ont été franchies pour assurer la diminution des risques dus aux séismes en s’assurant que les recommandations trouvent une application sur le terrain.
La réglementation internationale en cas de vide juridique
En cas de vide juridique, il y a le recours aux règles internationales qui reste possible. Des études plus poussées et des travaux de recherche ont augmenté les connaissances sur la diminution des risques et une meilleure protection des sites et ouvrages importants. Des colloques et autres journées d’étude aident à la confrontation des idées et des expériences. L’Algérie a donc fait beaucoup de progrès, bien que l’on constate encore certaines insuffisances, d’ailleurs relevées par les experts présents hier au Centre de presse d’El Moudjahid. En août 2004 a été adoptée la loi sur l’urbanisme qui donne la possibilité aux autorités locales de procéder à la démolition de sites d’habitation qui présentent un danger réel.
L’étude des sols est capitale
Le professeur Abdelkrim Chelghoum, en rappelant l’importance de la sécurité à assurer pour les projets structurants, relève que lorsqu’on évoque un projet on pense tout de suite à la réalisation, laquelle implique des études préalables, qui elles-mêmes suggèrent des études de sols et des couches de sols, dont l’orateur fait un aspect important.
Le Pr Chelghoum note d’ailleurs que lors du séisme de Boumerdès, la plupart des effondrements d’édifices étaient dus aux fragilités du sol. Des secteurs entiers sont concernés par cette problématique.
Pour Mme Hammache, la maîtrise d’ouvrage est importante. Il s’agit chaque fois de situer les responsabilités. Aujourd’hui il convient d’intégrer la problématique de la sécurité dès le début des grands projets (constructions ferroviaires, projets pétroliers, ouvrages hydro-électriques). Pour les experts, il s’agit d’identifier les besoins afin de dimensionner un dispositif de sécurité adapté et d’adapter par la suite le dispositif de sécurité aux nécessités d’évolution du projet.
Qualité, coût, contraintes environnementales
Qualité, coûts, délais, sécurité, respect des exigences environnementales et réglementaires sont pris en compte. M. Boubekeur Mohamed, expert en risques majeurs et prévisionniste, définit le grand projet à travers la conception du dispositif, sa mise en place et la gestion opérationnelle du projet, l’analyse du risque sécuritaire. Il s’agit là, dit-il, de problèmes majeurs. Pour la sécurisation des ouvrages d’art, il y a des avancées importantes, note l’orateur, qui insiste beaucoup sur le problème de la prévention. 31 grands projets sont en retard dans leur réalisation, note M. Boubekeur, et cela pose de sérieux problèmes en termes de surcoût, de suivi et de maintenance. La formation de prévisionnistes, celle d’experts en matière de sécurité est capitale. La construction de barrages, de lignes de chemin de fer, n’échappe pas à la règle, affirme l’orateur qui note des améliorations en matière d’acheminement des secours en cas de catastrophe naturelle, dans les moyens de sauvetage.
La prévention est une culture
Dans tous les cas, la prévention doit être une culture, sachant que notre pays est particulièrement exposé au risque sismique et, de façon plus globale, à d’autres formes de catastrophes naturelles.
Il faut savoir, conclut M. Boubekeur, que le risque zéro n’existe pas.
6 barrages en exploitation
M. Chemlal, directeur à l’Agence nationale des barrages, rappelle qu’aux études et réalisations s’agissant des barrages, il y a aussi l’exploitation qui doit être intégrée dans la problématique du risque. Il y a 65 barrages en exploitation, avec un taux de remplissage de 75 %. L’objectif revient à assurer la maîtrise des ouvrages avec un contrôle qui est dans nos structures permanent aujourd’hui pour assurer la pérennité de ces ouvrages. Il faut sensibiliser les autorités locales.
L’orateur a parlé de plans ORSEC qui peuvent être mis en service en cas de risque. Dans le débat à propos des assurances, M. Boubekeur a souligné qu’un simple agent était envoyé pour évaluer le projet.
Des scénarios catastrophe pour une meilleure maîtrise du risqu
Le Pr Chelghoum a parlé de la mise au point de scénarios catastrophe qui étaient imaginés dans les grandes villes à travers le monde, Mexico, Los Angeles, en Turquie. Ce n’est certainement pas pour faire peur aux gens mais bien pour prévenir le risque en le maîtrisant dans ses différents aspects
Les garanties les plus sûres
Les grands ouvrages doivent présenter les garanties les plus grandes, et les projets doivent être bien étudiés et bien réalisés. Pour le Pr Chelghoum, le rôle du maître d’ouvrage est important. M. Lahmar note dans ses réponses aux questions des participants qu’un grand projet a plusieurs visions.
Il y a celle du financier, celle aussi de l’ingénieur. A partir de quel seuil peut-on parler de grand projet, dit-il. L’Etat pour la maîtrise a créé un certain nombre de structures qui sont en veille, en matière de sécurité des grands ouvrages.
ANAT, ANBT pour la gestion du risque
Il y a l’ANAT pour les autoroutes, l’ANBT, l’Agence nationale des barrages, qui sont mobilisées. C’est cette entité qui va enrôler des prestations pour l’assister. Après, il y a une foule de contrôleurs techniques, de laboratoires. Il y a aussi l’autocontrôle qui est exercé par l’entreprise elle-même.
L’université doit être partie prenante dans toutes ces stratégies, relève Mme Hammache en réponse aux questions. Or, jusqu’à présent, les liaisons sont plutôt faibles entre les uns et les autres. M. Chelghoum confirme en parlant de l’existence de masters et leur inexploitation sur le terrain. Pour les grands ouvrages publics, le Pr Belazougui rappelle que l’Etat est son propre assureur. D’autres stratégies sont déployées pour les ouvrages publics courants.
T. M. A.