Lakhdar Ibrahimi dans une conférence animée hier au sénat: « Je ne crains pas pour l’Algérie »

Lakhdar Ibrahimi dans une conférence animée hier au sénat: « Je ne crains pas pour l’Algérie »

Le diplomate voit dans le rapprochement entre la Russie et les Etats-Unis le seul moyen pour trouver une solution à la Syrie.

Le printemps arabe n’est pas fini. La région risque de connaître d’éventuels événements dont les conséquences seront désastreuses. L’ancien ministre des Affaires étrangères et médiateur de l’ONU, le diplomate chevronné Lakhdar Ibrahimi n’a pas écarté cette hypothèse. Lors d’une conférence qu’il a animée sur «les révolutions arabes: réalité -mirage ou complot» hier au Conseil de la nation, ce vieux routier de la diplomatie algérienne a présenté une analyse authentique de la situation que traverse le Monde arabe. «Il n’y a pas de doute que ces événements vont se poursuivre et les conséquences seront désastreuses sur l’ensemble des pays de la région», a-t-il soutenu en précisant que l’Algérie ne peut pas rester en marge de ces événements.

L’hôte du Sénat affirme qu’il ne craint pas pour l’Algérie puisqu’elle a pris des dispositions et contribue au règlement de la situation. Faisant une rétrospective des événements qui ont secoué la région durant, le diplomate algérien a assuré que ce qui s’est passé en Tunisie, à Sidi Boussaid, puis en Egypte, en Libye ensuite en Syrie n’est pas venu du néant. Bien au contraire, des incidents ont contribué à ses transformations en citant entre autres l’intervention russe en Afghanistan, le rôle joué par l’Arabie saoudite dans le conflit entre les chiites et les sunnites, la révolution menée par Khomeiny et la guerre en Irak.

Tous ces événements ont sérieusement contribué à l’affaiblissement de la région et à l’émiettement du pouvoir. Le brillant diplomate a soutenu que si les pays arabes constituaient réellement une force, ces conflits seraient résolus sans faire recours aux instances internationales. Parlant du cas de la Syrie, l’ancien médiateur de l’ONU estime que les Occidentaux se sont trompés dans leur analyse en pensant que le régime allait chuter comme ce fut le cas en Tunisie et, en Egypte.

Selon lui, la Syrie a prouvé encore une fois qu’elle a ses propres spécificités. «On dit que le régime ne sera pas affaibli tant que le nombre de militaires tués ne dépasse pas les 5000 personnes», a-t-il indiqué en précisant que le régime a fait fuir plus de 11 millions de réfugiés à l’étranger.

Contrairement aux lectures des uns et autres qui prévoient que la Syrie sera divisée en de petits Etats, l’hôte du Sénat craint le pire. «La Syrie risque de devenir la nouvelle Ethiopie», appréhende le conférencier.

Connaissant parfaitement ce dossier, le négociateur voit en le rapprochement entre la Russie et les Etats-Unis le seul moyen pour trouver une solution à la Syrie. «Je ne vois aucun espoir sans le rapprochement entre la Russie et les Etats-Unis», a-t-il affirmé.

Malgré les tentatives menées de part et d’autre pour mettre fin à la guerre en Syrie, Lakhdar Ibrahimi explique l’échec de ces pourparlers pour la simple raison que l’intérêt de la Syrie n’est pas pris en considération en premier lieu. Ce dernier a soutenu que le conflit «aurait pu être résolu en 2012… Il y avait une possibilité si tout le monde avait réellement eu une meilleure compréhension de ce qui se passait en Syrie».

Le diplomate algérien considère qu’à l’époque, la Russie avait «une analyse bien réaliste de la situation que pratiquement tout le monde» sur la Syrie. «Tout le monde aurait dû écouter les Russes un peu plus qu’il ne l’a fait», a-t-il déclaré en souhaitant toutefois la réussite des négociations menées à Genève. Avec le problème des réfugiés syriens qui menacent sérieusement la sécurité de ces pays, M.Ibrahimi estime que l’Europe va s’impliquer davantage pour mettre un terme à ce phénomène.

Revenant sur la Libye, l’ancien ministre des Affaires étrangères a reconnu que l’intervention militaire française, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, était une erreur monumentale et une injustice. «Le président Obama avait même reconnu que c’était une erreur», a rappelé M.Ibrahimi. Enfin, pour répondre à la problématique de la conférence, ce diplomate a estimé qu’il est encore trop tôt de tirer des enseignements.

Ces événements restent importants et portent les signes d’une révolution et les indices d’un mirage et même d’un complot.