Lakhdar Brahimi ancien chef de la diplomatie algérienne: « La région arabe traverse une période difficile »

Lakhdar Brahimi ancien chef de la diplomatie algérienne: « La région arabe traverse une période difficile »

«L’Irak reste, après l’intervention militaire américaine en 2003, ‘’divisée en groupes ethniques parfois en conflits et en guerre», dira Lakhdar Brahimi.

La discorde régnant dans plusieurs pays arabes a constitué l’essentiel de l’intervention faite jeudi à Oran par l’ancien chef de la diplomatie algérienne à l’occasion de sa décoration du titre de docteur «honoris causa» qui lui a été accordée par l’université d’Oran. Il dira en ce sens que «la région arabe traverse une période la plus difficile de son histoire». Et pour cause, a-t-il souligné, «la fitna sectaire». Sur sa lancée, a-t-il poursuivi, «celle-ci (la discorde, Ndlr) engendre les conflits et les guerres».

Brahimi a été explicite en évoquant les conflits qui marquent les pays arabes précisant que «plusieurs pays arabes, notamment ceux situés en Asie, passent par une étape très cruciale de leur histoire causée par la fitna entre sunnites et chiites dont la Syrie, l’Irak et le Yémen». Pour Brahiml, des preuves tangibles attestent ses dires. D’ailleurs, il a, en ce sens, souligné plusieurs cas faisant preuve d’une situation chaotique que vivent les hommes, les femmes et les enfants de la région arabe.

«Cette région est en quête de paix et de stabilité», a-t-il indiqué citant «la Syrie où «la moitié du peuple vit jour après jour dans le chaos, les déplacements et l’asile». Main étrangère ou encore faits provoqués par les incidences de la guerre, Brahimi ne fait pas dans l’amalgame en décortiquant la situation de l’Irak divisé en lambeaux. Il dira dans ce chapitre que «l’Irak reste, après l’intervention militaire américaine en 2003, divisé en groupes ethniques parfois en conflits et en guerre».

Ou va-t-on avec la guerre?

Il n’est un secret pour personne, la guerre fratricide est, dans plusieurs pays, bénie par la main destructrice étrangère. Le Yémen, a-t-il ajouté, souffre «d’une guerre civile qui lui a été imposée et qui entraîne le peuple dans une grande misère». Lakhdar Ibrahimi ne semble pas vouloir faire dans la surenchère ni dans la spéculation vu sa longue expérience dans sa course, en tant qu’envoyé de l’Organisation mondiale de l’ONU, en quête pour le traitement pacifique de plusieurs conflits dévastant plusieurs pays arabes.

Autrement dit, Brahimi est fin connaisseur de tous les rouages et des soubassements de ces guerres ne faisant aucunement le bonheur des pays arabes en conflits. D’ailleurs, il dira dans ce contexte que «ces fitnas ont eu pour conséquences des interventions étrangères: En Syrie, des pays occidentaux et la Turquie soutiennent l’opposition dans le but de mettre fin à la présence iranienne, alors que la Russie est intervenue au côté du régime syrien». Il poursuit en soulignant que «le rôle iranien dans la région s’est plusieurs fois multiplié et tout ça aux dépens du peuple syrien». Sans aucune quelconque idylle ni encore moins de romance vis-à-vis de toutes fractions hétéroclites se livrant à une guerre sanglante, le diplomate algérien ne prédit en rien un heureux épilogue tant que le bout du tunnel ne se profile aucunement.

L’Afrique du Nord à endiguer

Il explique en ce sens que «le conflit entre sunnites et chiites est l’autre grande nouvelle fitna dont nous connaissons le début et ignorons la fin». La langue des armes n’a pas de limites, ses conséquences sont dévastatrices tandis que ses ramifications peuvent s’embrancher, se complexer et se compliquer avant de prendre des espaces importants dont le seul but est de se propager vers d’autres pays. L’Afrique du Nord n’est donc pas à l’abri! En connaisseur aguerri, Lakhdar Brahimi n’est pas allé par quatre chemins pour tirer au maximum la gaillarde. C’est à partir d’Oran qu’il met en garde contre la propagation de cette fitna dans d’autres régions dont les pays de l’Afrique du Nord sous de nouvelles formes.

«Quoique la région d’Afrique du Nord ne compte pas de chiites et n’est pas partie prenante au conflit, le feu de la fitna peut nous atteindre sous de nouvelles formes, si nous ne traitons pas les choses comme il faut», a-t-il affirmé avant d’alerter les universitaires à passer au peigne fin un tel phénomène. «C’est le rôle des universitaires qui doivent étudier ce phénomène et lui trouver les solutions efficaces», a-t-il préconisé tout en évoquant le cas de la Libye. Là aussi, il dira que «la Libye fait l’objet d’invasion d’un autre genre conduisant à la division de ce grand pays arabe et africain voisin de l’Algérie et à l’ingérence étrangère et arabe dans un long conflit entre frères faisant des victimes». La vigilance est donc de mise.

Un seul remède, la tolérance

Brahimi n’a pas dissimulé sa crainte «de voir ce conflit affecter les pays du Maghreb dont l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, appelant à une plus grande prudence à cet égard». Sur sa lancée, il n’a pas omis au passage d’invoquer la crise tantôt latente souvent décelée en Egypte, causée par l’extrémisme religieux. Celle-ci est caractérisée tout particulièrement par l’attaque contre les églises. Lakhdar Brahimi, ayant identifié le mal marquant le coeur des peuples arabes (l’Egypte, Ndlr) propose un traitement de choc en indiquant que «ce pays est en mesure de surmonter cette crise par une tolérance et une cohésion entre musulmans et chrétiens».

A ce sujet, il dira que «je ne peux pas croire à ce qui se passe en Egypte comme attaques contre les chrétiens au nom de la religion musulmane».

A ce propos il fait un flash- back remontant jusqu’au règne du défunt président Gamal Abdelnasser en affirmant que «durant les sept années que j’ai passées au Caire comme ambassadeur d’Algérie au temps du président défunt Abdelnasser, je ne pouvais pas faire la distinction entre un chrétien et un musulman».

Car, a-t-il expliqué, «il existait une véritable cohabitation». «Je ne pouvais même pas imaginer un tel scénario», a-t-il fini par dire. «Le même scénario s’est produit en Irak, où les chrétiens ont été tués et déplacés de leurs foyers et de leurs terres au nom de la religion musulmane», a déploré Brahimi avant de revenir sur ce qu’il a qualifié de «une chose inacceptable et illogique» tout en rappelant le rôle du fondateur de l’Etat algérien moderne, l’Emir Abdelkader, qui avait défendu tous les Chrétiens.

Il condamne l’attentat de Manchester

Le sanglant attentat qui a frappé tout récemment la ville britannique de Manchester n’a pas été en reste du discours de Lakhdar Brahimi. Le condamnant à vive voix, Lakhdar Brahimi a déclaré que «nous devons lever nos voix pour dire que nous rejetons l’extrémisme religieux, le fanatisme et le terrorisme, qui sont étrangers à notre religion».