Constat – Si dans le passé, la période de tonte des moutons (début de l’été) était considérée comme une fête que bédouins et habitants des zones rurales célébraient dans l’allégresse, il n’en est plus de même aujourd’hui.
En dépit d’une production annuelle pour le moins abondante de laine, les investisseurs privés continuent de bouder cette ressource renouvelable. Raison principale à cet état de fait : les frais de la tonte (qui est une opération inévitable au vu du climat de la région) sont devenus trop lourds à porter par l’éleveur, dont les gains arrivent à peine à couvrir.
En langage chiffré, la tonte d’un mouton coûte 100 DA l’unité, au moment où la laine produite dépasse à peine ce prix.
Encore plus, l’opération de tonte en elle même a perdu beaucoup de sa valeur ancestrale, lorsqu’elle était pratiquée gratuitement, à l’occasion d’une grande Touiza (opération de solidarité collective), dont l’ambiance était rehaussée par des chants religieux et des bêtes immolées, en l’honneur de tous les participants.
C’est pourquoi la tonte est devenue une charge pour l’éleveur, car non rentable, du fait qu’il ne sait pas quoi faire de cette ressource naturelle abondante, que des unités industrielles exploitent à des prix dérisoires. De nombreuses familles des zones rurales de Djelfa, ont su préserver jusqu’à nos jours un savoir-faire millénaire dans la transformation et le traitement de la laine, avec des méthodes artisanales, en vue de son exploitation à des usages domestiques, comme en garnir des oreillers ou des matelas. Selon L’hadja Zineb, une habitante de la région rurale d’Ain Ibel (Sud de Djelfa), qui pratique toujours cette activité, le traitement de la laine est un travail de longue haleine, qui commence par le nettoyage et lavage de cette matière noble, avant de l’étaler sous le soleil pour une certaine période.
Une fois complètement séchée, la laine est morcelée et dispersée, en vue d’en garnir des oreillers notamment, qui sont très demandés par les familles de la région. Toutefois la qualité de cette laine traitée est tributaire d’une bonne aération, tout en la maintenant au sec, en vue de la prémunir contre les parasites de la laine.
Les efforts consentis, à cet effet, par les autorités locales ont abouti, à ce jour, à l’adoption de six projets pour la transformation industrielle de la laine, a-t-on indiqué auprès de la direction de l’industrie de la wilaya, dont les responsables n’ont pas manqué de souligner l’intérêt de ces projets, tant pour leurs promoteurs, pour qui ils sont une source de richesse, que pour la wilaya, en tant que source génératrice d’emploi pour la population, est-il assuré. Trois parmi ces projets sont prévus bientôt à la mise en service, soit de quoi augurer, selon le directeur de l’industrie et des mines, Mohamed Marmouchi, d’une industrie de transformation de la laine digne de ce nom dans cette wilaya, réputée pour son leadership national en matière d’élevage ovin.
Lyes Sadoun
Haute qualité pour frais dérisoires
n Selon les spécialistes du domaine, la laine produite à Djelfa est de très haute qualité, eu égard au fait que l’importante ressource animale de cette wilaya est élevée en campagne, ou dans la steppe, et non dans des étables ou des lieux fermés, ce qui impacte positivement sur la qualité de la laine des brebis et des moutons locaux, qui est nette de toute souillure et donc prête immédiatement au traitement et à la transformation. Les frais d’exploitation de cette ressource naturelle sont, en outre, dérisoires, comparativement à d’autres matières premières, car nécessitant seulement le transport et un climat propice à l’offre et à la demande au niveau des lieux réunissant les éleveurs.
L. S.
Pour un label «made in Djelfa»
Il arrive qu’un besoin de dépôt pour la collecte de la laine est exprimé par des vendeurs saisonniers, qui réalisent d’assez bonnes marges de gains, en tant qu’intermédiaires entre les éleveurs et d’autres partenaires qui transportent le produit vers d’autres wilayas du pays, notamment vers l’Est.
Toujours est-il que les habitants de Djelfa ( jeunes cadres, universitaires, commerçants et hommes d’affaires réunis), ont exprimé leur vœux de voir cette richesse exploitée à bon escient mais surtout, soulignent-ils, la labéliser au nom de la région, en tant que produit de soutien à l’économie nationale, susceptible de contribuer à l’arrêt d’importation de matières contenant de la laine, est-il escompté. Un souhait pas impossible à réaliser, selon des experts du domaine, qui estiment qu’il nécessite juste une bonne dose d’audace.
L. S.
En chiffres…
n Selon les données fournies par la direction des services agricoles (DSA) de la wilaya, la production de laine à Djelfa enregistre une courbe ascendante, depuis l’année 2011, siège d’une moyenne de collecte de 35 000 qx ( 3 570 tonnes), avant d’être portée à pas moins de 72 000 qx (7 279 T) en 2016, au moment ou les prévisions de la DSA, pour cette campagne 2017, tablent sur une production de plus de 75 000 qx ( 7 500 T). D’ou l’intérêt conféré, à ce créneau porteur, à plus d’un titre, par les responsables du secteur, qui y voient l’un des moyens de mise en œuvre de la nouvelle orientation de l’Etat, portant sur la diversification de l’économie nationale hors hydrocarbures, et ce en multipliant les initiatives susceptibles d’attirer l’attention des investisseurs vers des projets visant l’exploitation et la valorisation des ressources naturelles de la wilaya, dont la laine.
L. S.
M’sila ne fait pas exception
Déclin – Depuis quelques années, les éleveurs d’ovins de la wilaya de M’sila accordent de moins en moins d’intérêt à la production de laine en raison de la poursuite de la chute de ses prix et de la contraction de la demande.
Avec une production annuelle de 25 000 quintaux de laine, essentiellement de couleur blanche se prêtant parfaitement à la production traditionnelle de fils, M’sila se place pourtant parmi les trois premières wilayas productrices de laine dans le pays.
Le prix de laine ne cesse d’être en recul. Jadis partie intégrante du trousseau de la mariée et signe de richesse, le matelas n’est plus confectionné avec cette matière naturelle qu’est la laine. Ces matelas de laine sont aujourd’hui remplacés par plusieurs produits synthétiques plus légers et moins chers.
Le recul de la demande sur les produits du tissage des couvertures et des tapis traditionnels, tels que le « henbel » et le « haouli » et de certains habillements, surtout féminins, à l’exemple du « louqa », un genre de poncho à base de pure laine, a entraîné un net repli du nombre d’activités liées à ce produit, dont le filage traditionnel, la teinture et, du coup, de la demande sur la laine brut. Seul résiste le tissage de la kachabia et du burnous, encore appréciés par les hommes du Hodna, même si la matière première vient d’autres régions, la laine blanche étant peu utilisée dans la fabrication de ces deux habits traditionnels. Des éleveurs préconisent, pour redonner ses lettres de noblesse à ce produit, la prise de « mesures » lors de l’élaboration des stratégies de développement rural et l’ouverture de débouchés pour la commercialisation des produits artisanaux de tissage. Une lueur d’espoir pour le secteur est née de par le contexte économique.
Le gouvernement veut miser sur des investissements privés massifs pour accélérer la croissance du secteur agricole. Pour le secteur de l’agriculture, « pour réhabiliter le rôle de l’agriculture et l’intégrer dans l’économie nationale, il faut chercher des accélérateurs de croissance. Auparavant, l’accélérateur de croissance était le soutien (de l’Etat), mais aujourd’hui, ce soutien n’est plus suffisant.
Il nous faut désormais un investissement privé massif qui va jouer le rôle de locomotive », explique-t-on. Pour faire un saut significatif en matière d’augmentation de la production et, par ricochet, réduire la facture des importations alimentaires, l’Etat veut attirer les industriels, les producteurs potentiels et les investisseurs privés disposant de financements conséquents.
Citant l’exemple des céréales dont les importations pèsent lourdement sur la facture d’importation du pays, le ministre considère qu’il n’est plus possible de compter uniquement sur le soutien et les moyens de l’Etat pour produire.
L. S.
Elle n’a pas dit son dernier mot
l Nous connaissons la paille en remplissage des façades. Pour le second-œuvre et les aménagements intérieurs, il ne faut pas oublier la laine de mouton, ses nombreux atouts et les différents produits pour le bâtiment à base de laine : les isolants thermiques et acoustiques, sans parler des revêtements de murs et de sols. Matériau 100% naturel et renouvelable, la laine de mouton est utilisée en plaques ou en rouleaux pour l’isolation acoustique et/ou thermique des bâtiments. C’es un matériau naturel, mais transformé. La moitié environ de la tonte, une à deux fois par an sur les moutons, ne convient pas pour la transformation en fils, utilisé en industrie textile. Notamment, parce que les fibres ne sont pas assez longues. Une partie du reste peut-être récupérée par l’industrie des matériaux du bâtiment. La plupart des produits pour le bâtiment à base de laine ont des classements D, E, F. La laine est anallergène : elle ne provoque aucune allergie cutanée, ni respiratoire. Elle fixe et absorbe de manière irréversible les COV, dont le formaldéhyde. La laine absorbe et relâche l’humidité : elle peut absorber jusqu’à 30% de son propre poids en humidité, sans perdre ses vertus isolantes. La laine est recyclable à 100%. Enfin, elle est antistatique, ce qui la rend particulièrement appréciable en revêtement de sol.
L. S.
Un paradoxe nommé El Bayadh
Contrairement à d’autres wilayas, les éleveurs d’El Bayadh jubilent et affichent un large sourire à chaque début de période de tonte du mouton. A chaque début d’été (période de la tonte) ils aiguisent leurs ciseaux.
Il en va de même pour les éleveurs de chameaux qui, en sus de la prime d’élevage d’un montant de 6 000,00 DA que leur accorde annuellement l’Etat par tête, ils savent que la laine recueillie leur rapporte le double, voire le triple pour chaque éleveur. Avec une production de laine de mouton annuelle dépassant les 6 000 tonnes, la wilaya d’El-Bayadh peut se targuer d’occuper la troisième place sur le podium de ce créneau qui constitue un apport financier d’appoint non négligeable pour les éleveurs de la région. «Chaque tête de mouton peut donner parfois jusqu’à 3 kg de laine pure, au prix de 120 DA le kg», confie aux médias A. Bendjelloul du quartier Oued Ferrane, un fin connaisseur du marché et commerçant ayant pignon sur rue.
Un prix bien en dessous de la laine de chamelon, très prisée et qui s’arrache à 4 000,00 le kg. Ce produit très prisé, poursuit l’interlocuteur, s’arrache à prix d’or par des intermédiaires de tous bords, venus de lointains horizons mais qui, hélas, prend d’autres destinations au-delà de nos frontières Est du pays pour terminer son long voyage dans les pays du Golfe et ceux du bassin méditerranéen.
Autrefois traitée et dépourvue de toutes ses impuretés, cette production de laine atterrissait dans les manufactures locales de fabrication de carpettes et de tapis de très haute qualité, offrant ainsi des dizaines d’emplois à domicile aux femmes disposant de métiers à tisser traditionnels. Faut-il souligner que l’idée même de création d’unités de conditionnement de la laine, destinée au tissage de tapis et carpettes ainsi que celle de traitement des peaux et cuirs, n’effleure même pas l’esprit de nos investisseurs. Et dire qu’une zone d’activité industrielle, dotée de toutes les commodités, vient d’être récemment implantée au chef-lieu de la wilaya.
En attendant la prise en charge réelle et le développement industriel de l’une des ressources vitales de cette région, les prix de ces deux produits continueront leur folle ascension puisqu’ils ont déjà trouvé preneurs dans le vieux continent par le biais d’une filière bien structurée.
L. S.