Premier jour de l’Aïd, il est 7h du matin, au niveau du terminus des lignes 11, 51, 61 et 4G à l’USTO, il n’y a pratiquement aucun bus en quai, hormis ceux de l’entreprise ETO, qui sont les seuls depuis leur mise en circulation, à activer durant les fêtes.
A quelques mètres de là, sur l’aire de stationnement des taxis inter-wilayas, c’est également le désert au vu des rares véhicules présents sur place. Un couple avec deux enfants en bas âge, s’affaire à discuter le prix d’un déplacement dans l’une des wilayas limitrophes d’Oran avec un clandestin, chose qu’apparemment il n’avait pu satisfaire la veille.
C’est devenu une habitude pour les transporteurs du privé que de faire l’impasse sur le premier jour de l’Aïd, sans que cela ne semble inquiéter ou faire régir les services compétents chargés de faire réguler le transport à Oran.
Les fêtes de l’Aïd sont devenus des moments très favorables pour les clandestins qui y font la pluie et le beau temps, en fixant en toute liberté, des prix de transport extravagants qui frisent parfois l’inimaginable. Près du terrain combiné, un vieil homme, cigarette entre les lèvres, assis sur une grosse pierre, tente d’écouler les quelques kg de charbon qui lui restent des jours précédents.
Deux jeunes hommes armés de couteaux de divers acabits, qui passaient par-là, sont immédiatement interceptés par plusieurs habitants de la cité et notamment ceux venant des blocs situés tout près de là.
Il faut dire que les égorgeurs de mouton sont un peu la perle rare en ce jour et ce, même si de plus en plus de citoyens, en raison de ce problème de disponibilité d’égorgeurs dépeceurs, ont appris à abattre eux-mêmes leur mouton.
Les deux gaillards acquirent une notoriété indiscutable, en l’espace de quelques secondes, au rite du sacrifice de Sidna Ibrahim. Il faut dire aussi, qu’entre 1.000 DA et 1.500 DA la bête sacrifiée, cela peut ramener un bon pactole en l’espace d’une demi-journée pour tous ces «experts de l’abattage» d’un jour. Mais il y a aussi la pénurie du pain qui resurgit comma chaque année durant les fêtes religieuses.
Cette question n’a jamais pu être résolue. Trop habitués à cette situation, les gens ont appris à faire avec en stockant du pain acheté la veille ou tout simplement se sont remis à pétrir le pain chez eux, comme dans le temps.
Cependant, beaucoup se rabattent sur les revendeurs de pain qui squattent les trottoirs, tout au long des boulevards ou les coins des rues adjacentes, armés de grands paniers regorgeant de pain qu’ils proposent le plus souvent à 15 DA la baguette.
Ajouter à cela, les rares épiceries qui ont décidé de rester ouvertes en ce jour, et l’on a là un constat de peine.
T.Abdelkader, 60 ans, retraité d’une compagnie nationale de transport, rencontré à la sortie de la mosquée après la prière de l’Aïd, nous dira : «Comment s’évertue-t-on à désigner cette journée de fête alors que tout est fermé.
Les commerces, les cafétérias et les transports publics ne sont pas de la partie. Excusez-moi, mais je vois mal comment des jeunes, à l’image de mes enfants, peuvent faire la fête durant ces deux journées qui, en dehors des visites familiales, sont pour eux, apparemment inertes».
H.Mama, 72 ans, grand-mère et patriarche de sa famille, fera cette déclaration : «Mon fils, l’Aïd n’est plus ce qu’il était dans mon temps.
Alors que c’est le jour de la rahma, peu de gens respectent à la lettre les préceptes de la religion, car rares sont ceux qui offrent une partie du mouton aux plus démunis. Mais il y a pire, en ce qui concerne el-maghfira. En effet, alors que ce jour béni est censé rassembler les personnes entre elles, beaucoup maintiennent la rupture qui les sépare des gens avec qui ils ont eu un différend, souvent il s’agit de leurs proches parents.
Comment veux-tu que l’on puisse parler alors de pardon ?» Pour T.Saïd, 50 ans, cadre à Sonelgaz, père de quatre enfants, les choses sont différentes : «En ce qui me concerne, après le décès de mes deux parents et comme je n’ai qu’un frère et une sœur cadette, nous avons convenu, ensemble, d’un commun accord, de fêter l’Aïd en campagne.
Après la prière de l’Aïd, mon frère, ma petite sœur qui vit chez lui, et moi, accompagnés de nos épouses et enfants, après le sacrifice du mouton, nous nous déplaçons en voitures, du côté de la localité de Boutlélis, en pleine campagne, pour fêter l’Aïd.
Là, nous choisissons un bel endroit, où d’ailleurs nous avons l’habitude de nous rendre, où nous nous retrouvons aussi entre amis, familles, pour un pique-nique en règle, autour d’un barbecue allumé au feu de braise. Nous passons une journée formidable, loin des tracas et du bruit de la ville».
Pour conclure, on peut avancer sur ce constat qui fait qu’à chaque Aïd, il y a ceux qui font comme ils veulent, ou comme ils peuvent, alors que d’autres font comme bon leur semble et c’est là toute la différence.
B.B.Ahmed