L’exportation des produits agricoles n’est pas une affaire aisée, mais ce n’est pas non plus les 12 travaux d’Hercule.
Placée au rang de secteur prioritaire, l’agriculture nationale connaît, ces 10 dernières années des mutations assez profondes. Outre la problématique de l’accès aux concessions, au financement des campagnes et autre statut de l’agriculteur, le monde paysan a été confronté à l’obligation de s’adapter aux enjeux de l’heure. Cela passe par une organisation plus efficiente de toutes les professions qui concernent l’agriculture et une modernisation dans le processus de production. En d’autres termes, le monde agricole algérien vit sa petite révolution, avec ses succès remarquables et ses faux-pas dont on est censé tirer des enseignements.
Sur le tableau de l’organisation des filières, tout le travail reste à faire. Il n’y a pour ainsi dire aucune filière qui fonctionne selon les normes universelles en matière d’organisation. Les Conseils interprofessionnels sont obsolètes et n’ont aucune prise sur les agriculteurs, ni sur aucun segment des filières. Ces conseils existent parce qu’il fallait les créer, mais il semble qu’en l’absence de tradition dans le sens de l’intégration des métiers de l’agriculture, ils ne sont d’aucune réelle utilité.
Pour cause, le nombre de coopératives qui se compte sur les doigts d’une seule main. Nos fellahs se reposent toujours entièrement sur la puissance publique et ne cherchent en aucune façon à accéder à l’autonomie. Une mauvaise récolte et les dettes sont facturées d’une manière ou d’une autre à l’Etat. Une récolte abondante et c’est à l’Etat de trouver le mécanisme censé éviter aux agriculteurs une banqueroute.

Nous en sommes à ce stade pour quasiment tous les produits agricoles. Le ministère de l’Agriculture est omniprésent et est sollicité pour un oui ou pour un non. Ces dernières années, les interventions salutaires de la tutelle ont permis de sauver des dizaines de milliers d’agriculteurs et maintenu à flot pas mal de filières qui allaient s’effondrer. En l’absence d’une organisation optimale, à même de permettre aux professionnels de régler leurs problèmes à leur niveau, le ministère se débrouillait toujours pour éviter des faillites et remettre le train de la production en marche.
Aujourd’hui, il n’est plus possible au ministère de l’Agriculture de jouer le rôle de pompier.
La disponibilité financière des dernières années fait défaut. Cela intervient au moment où un effort conséquent est réalisé dans le sens d’un élargissement du foncier agricole. L’Etat a misé sur les Hauts-Plateaux et le sud du pays et ça marche. La production de nombreux fruits et légumes a connu un pic cette année, d’ailleurs très bien ressenti sur les marchés.
A qualité égale, les Algériens consomment cher et c’est tant mieux pour tout le monde. Sauf que cette situation ne saurait durer. Il est impératif pour le ministère de trouver une autre solution que les subventions pour maintenir les prix à des niveaux de rentabilité pour les agriculteurs.
Cela passe forcément, et le ministre dit y travailler sérieusement, par les exportations des excédents. Ce n’est pas une affaire aisée, mais ce n’est pas non plus les 10 travaux d’Hercule. Les quelques opérations d’exportation de pomme de terre effectuées récemment montrent la faisabilité de la chose. Il reste cependant que la pérennité des exportations repose sur une logistique et un mode d’organisation des agriculteurs que l’on n’a pas encore en Algérie.
Hier, les professionnels refusaient de parler d’exportation, puisque le marché local consommait toute la production. Aujourd’hui que le gouvernement n’a plus l’argent nécessaire pour leur venir en aide en cas de surproduction, penseront-ils à l’export? En tout cas, nos fellahs sont d’habiles hommes d’affaires. S’il faut s’organiser pour exporter et gagner plus d’argent, ils le feront. Ils connaissent très bien leurs intérêts.