Visites dans les zaouïas, ouverture d’une page facebook et message à la population. Depuis son retour au pays, Chakib Khelil multiplie les signaux qui cachent mal sa volonté de revenir au-devant de la scène politique.
Et contrairement aux affirmations de Saadani et du concerné lui-même, le retour de Chakib Khelil pourrai se faire non pas par le biais d’un poste de conseiller ou de ministre, mais bel et bien d’un poste plus important. Rien n’exclut de le voir propulsé au sommet de l’Etat.
Le dernier épisode de ce feuilleton qui conduira probablement l’ancien ministre de l’Energie à la magistrature suprême est ce court message, posté sur la page facebook qu’il vient de lancer : «Ensemble, je souhaiterais que nous travaillions pour que notre Algérie continue de vivre en toute paix et sécurité.
Dans le cadre d’une prospérité continue et durable et d’une solidarité sans faille envers nos citoyens les plus vulnérables.» La phrase est courte. Le message, qui contient également des salamalecs, ne dure que 30 secondes. Mais il est d’une grande portée politique. L’homme résume ainsi le contenu d’un programme politique et ne peut désormais cacher son ambition. Les mots sont bien choisis. Pour l’ancien ministre — qui a rappelé récemment que c’est la troisième fois qu’il fait un grand retour au pays et «à chaque fois, c’est pour servir mon pays» — il s’agit donc de s’inscrire dans l’avenir. Puis l’homme rappelle qu’il poursuit l’œuvre. L’Algérie «continue de vivre en toute paix et sécurité».
Premier à avoir abordé la question du retour de Chakib Khelil dès le mois de mars dernier, l’avocat Mokrane Aït Larbi persiste à croire que, partant d’une «analyse personnelle», il croit savoir que l’ex-ministre de l’Energie «fait l’unanimité au sommet et c’est à lui que le président Bouteflika léguera le pouvoir.» Contacté hier, le juriste ne change rien aux déclarations faites le 19 mars dernier sur la chaîne KBC.
«J’observe Chakib Khelil depuis 2013», indique l’avocat. Plus informé des intrigues du sérail, le secrétaire général du FLN, Amar Saadani — le premier à être monté sur le perchoir pour défendre l’honneur de Chakib Khelil — estime que ce dernier pourrai occuper «un poste de ministre, voire plus».
Une option que même Ahmed Ouyahia, qui ne cache plus ses ambitions d’être l’héritier du système, ne semble pas en mesure de rejeter. Le secrétaire général par intérim du RND, qui a rejoint tardivement la chorale des laudateurs de Chakib Khelil, a par contre tenu à entonner sa différence.
«C’est au président de la République de décider» où nommer l’ancien président de l’OPEP. Cette immersion de Chakib Khelil dans le débat politique intervient, bizarrement, à un moment où la santé du chef de l’Etat est déclinante. Les récentes images montrant le chef de l’Etat dans ses mauvais atours confortent en effet les rumeurs les plus alarmistes qui circulent sur l’état de santé de Abdelaziz Bouteflika.
Ce qui remet au goût du jour l’idée d’une élection présidentielle anticipée. Et l’ancien ministre de l’Energie, blanchi par les politiques en l’absence d’une justice indépendante, apparaît désormais comme le recours tout trouvé dans le sérail.Pour cela, dès son retour d’exil, Chakib Khelil plante le décor. Reçu à l’aéroport d’Oran par les autorités locales, l’homme sillonne le pays à la recherche d’une «bénédiction». Dans ses virées dans les zaouïas, souvent organisées avec l’aide de l’administration, ses proches prennent soin d’embarquer des journalistes.
Ainsi, les visites censées être «privées» se retrouvent, en quelques minutes, en ouverture des journaux télévisés des chaînes privées proches du pouvoir.
Et les hommes chargés de porter la voix du pouvoir (Saadani, Amar Ghoul) se chargent de redonner à l’homme une virginité politique mise à mal par la multiplication des scandales qui entourent sa gestion du secteur des hydrocarbures durant une décennie. Il ne faudrait donc pas s’étonner que la prochaine étape soit celle de l’organisation de comités de soutien pour porter Chakib Khelil à la magistrature suprême. Un comble pour un homme qui devait avoir rendez-vous, il y a trois ans, avec des juges.