S. E. M. Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères, sera à Alger demain pour une visite qui s’annonce prometteuse.
Cet ancien conseiller d’État qui a été à la fois, député, magistrat, procureur et avocat d’État au parquet général ou conseiller juridique, est un des poids lourds du gouvernement Berlusconi. MAE depuis mai 2008, il a accepté de répondre, aimablement, à nos questions sur les dessous de cette visite et la relation stratégique entre Alger et Rome. Énergie, Sahara occidental, relations commerciales, défense et partenariat méditerranéen, S. E. M. Frattini survole les différents aspects de cette coopération.
Liberté : Monsieur le ministre, le cycle des visites ministérielles italiennes ces dernières années a été régulier, mais votre venue à Alger est la première d’un rang aussi important depuis longtemps. Est-ce que votre visite peut être interprétée comme une relance ou une continuité dans les relations ?
S. E. M. Franco Frattini : L’Algérie a toujours été un partenaire fondamental de l’Italie en Méditerranée. En outre, il y a une continuité dans nos rapports bilatéraux — sur les plans politique, énergétique et industriel — qui dure depuis l’Indépendance et qui s’est consolidée au fil du temps.
Depuis le 27 janvier 2003, l’Italie s’est unie à l’Algérie par un Traité d’amitié qui prévoit de nombreux secteurs de collaboration prioritaire et de consultations politiques régulières entre nos deux pays et au sein duquel je reste confiant de la continuité des sommets bilatéraux par le lancement d’initiatives concrètes dans les secteurs-clés de collaboration.
Est-ce que la venue du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, est confirmée ? Si oui, dans quelle mesure va-t-elle renforcer les relations algéro-italiennes ?
J’en parlerai au cours de ma visite. Nous avons l’ambition de développer — dans le cadre de nos consultations politiques avec l’Algérie — un partenariat équilibré et de longue haleine, par un nombre ample et proportionné de secteurs tels que la sécurité, la défense, l’énergie, la collaboration industrielle et le développement de la petite et moyenne entreprise, les infrastructures.
Les relations entre Rome et Alger sont caractérisées par un fort dynamisme économique mais l’aspect politique semble être relégué au second plan ? Est-ce que cette impression est exacte ?
La composante économique du rapport bilatéral est certainement de grande envergure — l’Algérie est un partenaire commercial très important ainsi que notre principal fournisseur de gaz —, mais ce n’est pas la seule. Par exemple, dans le secteur sécuritaire, l’Algérie est un partenaire fondamental dans la lutte contre le terrorisme et les autres trafics illicites qui touchent les deux rives de la Méditerranée.
Un autre secteur important de collaboration concerne les thématiques de collaboration régionale dans le cadre de l’Euromed, et multilatérale dans le cadre de l’ONU. À ce propos, l’Italie et l’Algérie ont entretenu ces dernières années un dialogue constant ainsi qu’une intense collaboration.
Quels sont les axes d’efforts que doivent accomplir les deux pays pour développer leurs relations au niveau politique surtout que les deux pays sont des partisans de la dimension méditerranéenne ?
Nous partageons avec l’Algérie l’engagement commun à développer des relations euroméditerranéennes. Nous sommes tous deux conscients de l’urgence d’instaurer une étroite coopération économique en Méditerranée, qui doit se transformer en une entité on ne peut plus intégrée de l’économie mondiale, apte à regarder au-delà de la création d’une zone de libre-échange prévue par les accords euroméditerranéens.
Les tensions politiques irrésolues de la région ne doivent pas nous empêcher d’affronter ensemble les défis communs de développement qui détermineront l’avenir de nos pays, notamment en cette phase historique caractérisée par le croissant dynamisme économique de plusieurs partenaires méditerranéens de la rive sud, qui sont en train de bien réagir face à la crise économique internationale.
La commission des hommes d’affaires algéro-italiens devra se réunir prochainement ? Mis à part les hydrocarbures, est-ce que les hommes d’affaires italiens sont séduits par la destination Algérie car les chiffres des IDE italiens ne sont pas élevés ?
Sur la base des dernières données
disponibles, le pourcentage des IDE italiens sur le total des investissements étrangers dans le pays est d’environ 10%, pour un montant global de plus de 250 millions d’euros.
Il faut mettre en exergue que certaines importantes opérations menées dans le cadre du processus de privatisation en Algérie relèvent de l’initiative italienne et que du côté des PME parviennent déjà des signaux d’intérêt.
Les potentialités de renforcer la présence économique italienne en Algérie existent certainement. À cet effet, œuvrons ensemble dans cette direction : c’est l’une des raisons de ma visite en Algérie.
Parmi les questions qui fâchent, Monsieur le ministre, celle concernant les récents scandales dans le secteur pétrolier en Algérie et le fait que l’un des fleurons italiens, la Saipem soit citée parmi les entreprises incriminées ? Avez-vous une remarque à faire à ce sujet ?
L’entreprise que vous mentionnez compte plus de 1 100 employés locaux ainsi qu’un centre à Alger de plus de 140 ingénieurs de nationalité algérienne : en perspective, ce centre projette d’évoluer en tant que pôle de référence de toutes les activités d’Afrique du Nord. Ce que je sais de son travail, c’est son niveau d’excellence technologique ainsi que sa solide assise, fondée sur le principe du partenariat. Pour le reste, laissons les magistrats faire leur travail.
Le gazoduc Galsi, qui devrait être concrétisé en cette année et lancé en 2014 avec deux ans de retard, subit les contrecoups de l’affaire Corse ? Est-ce que l’Italie a trouvé un accord avec la France à ce sujet ?
Je ne voudrais pas confondre deux aspects. Le Galsi est un projet conjoint de longue haleine qui contribuera à la sécurité énergétique de l’Italie et, à travers cette dernière, de l’Europe globalement. Ce n’est pas un hasard, même grâce à une forte action du gouvernement italien, qu’il ait été inclus par l’UE parmi les 5 axes prioritaires de développement du réseau transeuropéen de l’énergie, avec un financement communautaire de plus de 120 millions d’euros.
Quant aux délais de réalisation, une fois résolues les questions techniques et administratives qui ont engendré un certain retard, ils dépendront du choix des Algériens, et notamment des stratégies énergétiques nationales relatives à l’exportation de gaz naturel.
Un nouveau partenariat militaire semble voir le jour entre l’Algérie et l’Italie. Est-ce que les relations militaires bilatérales vont profiter de la coopération antiterroriste qu’on estime excellente des deux côtés ?
Tel que je viens de dire, la collaboration dans le secteur de la sécurité revêt une importance fondamentale dans le cadre des rapports bilatéraux. En juin 2009, le chef de la Police italienne, M. Manganelli, a signé à Alger un Mémorandum d’entente qui permettra de renforcer ultérieurement les excellentes relations entre les autorités de police des deux pays.
Nous avons également l’intention d’étendre le cadre de la collaboration Italie-Algérie au domaine de la lutte contre le terrorisme. Ce sera là l’un des thèmes qui seront abordés au cours de ma visite.
Quel est le point de vue italien sur la situation au Sahara occidental ?
L’Italie a toujours maintenu par rapport à la question du Sahara occidental une position équilibrée, réitérant à chaque occasion qu’il faille retenir que c’est uniquement dans le cadre d’un dialogue direct entre le Maroc et le Front Polisario, sous les auspices des Nations unies, que pourra été trouvée une solution juste et durable au contentieux sur le Sahara occidental pouvant garantir le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, en conformité avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.
Dans cette optique et à plusieurs reprises, l’Italie a invité le Maroc et le Polisario à maintenir un dialogue franc, ouvert et sans préconditions, qui permette d’obtenir des progrès concrets dans le cadre du processus de négociation mené sous l’égide des Nations unies.
L’Italie est préoccupée par la persistance d’une situation qui a de graves conséquences de dimension humanitaire et est intervenue de façon relevante en soutenant les populations sahraouies.
Entre 2005 et 2009, la coopération italienne a alloué plus de 7 millions d’euros d’aide humanitaire au bénéfice des populations sahraouies et même en 2010, en dépit des réductions budgétaires qui nous ont été imposées par la situation des finances publiques, nous avons décidé de maintenir une nouvelle contribution au PAM pour un montant égal à 300 000 euros sur le canal multilatéral de l’aide humanitaire.
Monsieur le ministre, croyez vous justifié qu’on considère M. Berlusconi comme étant proche d’Israël et est-ce que cela ne nuit-il pas à la diplomatie italienne dans le monde arabe et dans le Maghreb ?
Le président Berlusconi soutient le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité à côté de ses voisins, mais cela ne doit pas se vérifier au détriment du peuple palestinien, dont l’Italie a toujours reconnu et soutenu le droit à un État indépendant, souverain et démocratique. Souvent, les lectures trop partisanes du conflit israélo-palestinien, qui ont pris des positions en faveur d’une partie ou de l’autre, ont aussi contribué à en empêcher la solution. L’attitude de l’Italie ne rentre pas dans cette catégorie. L’Italie est en faveur de la paix.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés afin que les pays européens et arabes puissent soutenir avec toute la vigueur possible l’effort courageux de l’Administration américaine pour la reprise du dialogue. Je crois que notre position est claire dans le monde arabe et dans le Maghreb, ce qui a été démontré par la participation du président du Conseil au Sommet de la Ligue arabe à Sirte au mois de mars dernier — qui a été beaucoup apprécié — ainsi que par les relations excellentes que nous avons depuis toujours et que nous continuons à développer.
Quel est le point de vue italien sur la situation au Sahara occidental ?
L’Italie a toujours maintenu par rapport à la question du Sahara occidental une position équilibrée, réitérant à chaque occasion qu’il faille retenir que c’est uniquement dans le cadre d’un dialogue direct entre le Maroc et le Front Polisario, sous les auspices des Nations unies, que pourra été trouvée une solution juste et durable au contentieux sur le Sahara occidental pouvant garantir le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, en conformité avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. Dans cette optique et à plusieurs reprises, l’Italie a invité le Maroc et le Polisario à maintenir un dialogue franc, ouvert et sans préconditions, qui permette d’obtenir des progrès concrets dans le cadre du processus de négociation mené sous l’égide des Nations unies. L’Italie est préoccupée par la persistance d’une situation qui a de graves conséquences de dimension humanitaire et est intervenue de façon relevante en soutenant les populations sahraouies. Entre 2005 et 2009, la coopération italienne a alloué plus de 7 millions d’euros d’aide humanitaire au bénéfice des populations sahraouies et même en 2010, en dépit des réductions budgétaires qui nous ont été imposées par la situation des finances publiques, nous avons décidé de maintenir une nouvelle contribution au PAM pour un montant égal à 300 000 euros sur le canal multilatéral de l’aide humanitaire.
Monsieur le ministre, croyez vous justifié qu’on considère M. Berlusconi comme étant proche d’Israël et est-ce que cela ne nuit-il pas à la diplomatie italienne dans le monde arabe et dans le Maghreb ?
Le président Berlusconi soutient le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité à côté de ses voisins, mais cela ne doit pas se vérifier au détriment du peuple palestinien, dont l’Italie a toujours reconnu et soutenu le droit à un État indépendant, souverain et démocratique. Souvent, les lectures trop partisanes du conflit israélo-palestinien, qui ont pris des positions en faveur d’une partie ou de l’autre, ont aussi contribué à en empêcher la solution. L’attitude de l’Italie ne rentre pas dans cette catégorie.
L’Italie est en faveur de la paix. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés afin que les pays européens et arabes puissent soutenir avec toute la vigueur possible l’effort courageux de l’Administration américaine pour la reprise du dialogue.
Je crois que notre position est claire dans le monde arabe et dans le Maghreb, ce qui a été démontré par la participation du président du Conseil au Sommet de la Ligue arabe à Sirte au mois de mars dernier — qui a été beaucoup apprécié — ainsi que par les relations excellentes que nous avons depuis toujours et que nous continuons à développ