« L’Afrique », symbole massif de la non-gestion des salles des cinémas en Algérie

« L’Afrique », symbole massif de la non-gestion des salles des cinémas en Algérie

Avec sa position « centrale », son coté massif et, il faut le dire, son histoire, le cinéma Afrique à Alger est devenu le symbole « monumental » de la non-gestion du parc de salles de cinémas en Algérie.

Le nouveau ministre de la culture, Azzedine Mihoubi, comme ceux qui l’ont précédé, a fait un constat du cinéma absurde de la non-gestion algérienne : 380 sur les 400 salles de cinémas du pays sont fermées et non exploitées.

La formule est aseptisée. En réalité, dans beaucoup de cas, il s’agit d’un patrimoine qui est laissé à l’abandon et à la dégradation. Ceux qui dans les années 70 ou 80 était passionnés de cinéma et participaient aux ciné-clubs ont mal au cœur, le mot n’est pas très fort, en passant devant certaines salles à Alger.

Azzedine Mihoubi, comme ses prédécesseurs, a évoqué cette « cessation d’activité problématique » et promet d’œuvrer à réhabiliter ces cinémas non exploités en dotant de moyens dont des équipements de projections.

C’était aussi « l’objectif » de Khalida Toumi. Mais les salles de cinéma en Algérie relèvent, à plus de 80%, des collectivités locales qui ne savent qu’en faire. Le ministère de la culture voulait reprendre ces salles et dégager un budget pour les réhabiliter.

On ne fait rien…

Il était prévu de les confier à des entreprises de jeunes qui auraient été formés préalablement aussi bien dans la « culture cinématographie » qu’en matière de gestion économiques.

Outre l’intérêt culturel, il y avait une démarche économique : cela crée de l’emploi et génère des revenus pour les communes. Les salles de cinéma, c’est essentiellement un patrimoine public. Sur les 400 salles qui existent dans le pays, le privé ne gère qu’une vingtaine.

Pourquoi cette démarche de bon sens du ministère de la culture qui est, c’est une évidence, préférable au statuquo destructeur, n’arrive pas à s’imposer ? La réponse est digne d’un film absurde : le ministère de l’intérieur et des collectivités locales ne veut pas « céder » ce patrimoine des communes à la culture.

Du coup, on ne fait rien. On laisse les rats, la poussière et les immondices s’accumuler dans des salles qui ont fait rêver beaucoup d’Algériens…

Le cinéma Afrique illustre cette gestion par l’absurde. La salle de cinéma a été rénovée en 2011-2012 pour la coquette somme de 23 milliards de centimes allouée par la commune.

Une fois la rénovation faite, la commune de Sidi M’hmaed ne sait pas quoi en faire. Et pourtant, elle a entrepris la louable démarche de récupérer depuis 2003 d’autres salles mythiques comme le Sierra Maestra, l’Ouarsenis, Al-Razi, le Musset et Al-Nahda (ex-Mondial).

Benaïssa : « ne bougeons pas, c’est rentable ! « 

Réagissant à une petite information publiée sur le Soir d’Algérie qui se demandait s’il faut attendre l’intervention du Premier Ministre pour relancer le cinéma Afrique, le dramaturge Slimane Benaïssa a révélé qu’il demandait depuis trois ans la location de la salle « avec un apport équivalent cinquante millions de dinars pour l’équipement et l’animation, dans le cadre d’un cahier des charges établi avec l’EPIC Founoun Sidi- M’hamed ».

Le dramaturge raconte comment des responsables de l’APC au ministre de la culture, tout le monde semblait « dépassé » par sa demande, incapable de « répondre par « oui ou par non ». Mais tous disaient : « C’est une idée géniale.  »

« A la question : comment on perd trois ans sur un projet en Algérie ? Voici ma réponse : Khalida Toumi ne voulait pas me la concéder à moi pour une raison personnelle qui n’a rien à voir avec l’intérêt général. Nadia Labidi ne savait pas encore comment s’y prendre. Quant au Conseil municipal, il sait louer des parkings, des hôtels, des espaces verts, des trottoirs, des salles de sport, mais ne sait pas comment louer une salle de cinéma… »

Pour eux, note le dramaturge, « louer quelque chose qui n’est pas rentable à leurs yeux est une bizarrerie… ». Le drame algérien, relève-t-il, se « résume à une attitude : ne bougeons pas, c’est toujours rentable. Le statu quo mortel ».

Pourtant, explique-t-il, en trois ans, il aurait pu faire « 4 pièces de théâtre, 30 spectacles de variétés de grande tenue, 100 spectacles pour enfants, 20 rencontres débats, 60 spectacles de danse et de musique. La salle contient 1 200 places. A raison de 300 spectateurs en moyenne par séance, au strict minimum plus de 150 000 spectateurs auraient bénéficié de cette activité ».

La gestion des salles de cinéma en Algérie, c’est un film absurde. Un mauvais film absurde.