Hier, très tôt le matin, l’agence française de presse AFP diffuse ce qu’elle qualifie d’interview «exclusive et rare» d’Abdelaziz Bouteflika. Par «interview», l’AFP entend deux dépêches dans lesquelles le commentaire fait la part belle aux propos du Président. En milieu de journée, l’agence officielle algérienne APS diffuse l’interview dans son intégralité (voir Documents).
Comparaison faite, il s’avère que sur les 17 000 signes que compte l’entretien accordé par Bouteflika à la cheffe du bureau d’Alger de l’AFP, seul un millier de signes ont été repris par celle-ci. Visiblement irrité par ce manquement à un engagement qui aurait été pris à l’avance par la journaliste française, le service presse de la présidence de la République a reçu ordre de publier le texte in extenso dans une agence officielle mais non moins concurrente – l’APS
–, en faisant fi des règles qui régissent la profession et sans même demander l’autorisation de l’AFP. Une réaction qui a été, du reste, relevée par un site algérien qui a fort probablement été contacté par les responsables de l’AFP pour détourner l’attention sur les raisons véritables de ce cafouillage médiatique. Certains confrères contactés par nos soins ont estimé que le Président «n’aurait pas dû répondre à cette agence sachant qu’elle fait preuve d’une partialité flagrante dans le traitement de l’information, notamment en ce qui concerne le dossier malien».
D’autres croient savoir, à la lecture du texte intégral de l’interview et au regard du style usité, que celui-ci a non seulement été transmis à l’AFP par écrit, mais il émane du président Bouteflika lui-même, contrairement aux habitudes, dans ces interviews – tout ce qu’il y a de plus protocolaire – qui précèdent la visite d’un chef d’Etat.
Mais la question qui taraude tous les esprits dans la profession, c’est pourquoi avoir sollicité une interview «exclusive et rare» d’un président peu prolixe depuis sa maladie, pour n’en diffuser qu’une infime partie déclinée sous forme d’une dépêche presque banale ? Il est attendu une interview similaire du président François Hollande soit par le biais de l’APS, soit dans deux quotidiens – l’un arabophone et l’autre francophone – généralement sollicités par l’ambassade de France pour ce faire. Ce fut le cas lors des visites de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy en Algérie durant leurs mandats respectifs.
Cet «écart» de l’AFP induit-il un incident diplomatique larvé ? L’interview à paraître de François Hollande sera-t-elle étriquée de la même façon par mesure de «réciprocité» ? Nous devrions le savoir vers le 18 de ce mois, si interview de Hollande il y aura.
M. Aït Amara