Près de huit ans après la chute des talibans en Afghanistan, les Occidentaux menacés d’échec en dépit du déploiement de près de 70 000 militaires, révise sa position en revoyant à la baisse ses ambitions pour ce pays. Pour Washington (les Etats-Unis ne sont pas en train de gagner, a admis le président Barack Obama), Ottawa («nous ne vaincrons jamais l’insurrection») ou Paris («des talibans modérés pourraient accéder au pouvoir»), le constat est le même : le bilan est mauvais. Le pouvoir est corrompu, la violence est toujours présente, le trafic de drogue a explosé et le chef d’Etat afghan Hamid Karzaï est de moins en moins soutenu par les grandes puissances.
Dans la perspective d’une nouvelle stratégie américaine et d’une conférence ministérielle de coordination à La Haye le 31 mars, à laquelle a été conviée l’Iran, le virage a déjà été pris vers des objectifs bien plus modestes que «le grand Etat démocratique» imaginé lors de la chute des talibans en 2001. «On réduit à la baisse les ambitions», a indiqué à l’AFP un haut responsable français sous couvert d’anonymat. Les Américains sont «désormais dans une logique de départ, ne jugeant pas l’Afghanistan comme stratégique». «Cela prendra deux ans, cinq ans, mais c’est une logique de désengagement», a-t-il précisé.
A l’appui de leur révision, les Occidentaux, qui se sont dotés de représentants spéciaux pour mieux coordonner leurs actions, sont tous convaincus que l’OTAN, alliance militaire, n’est pas la panacée. «Nous avons besoin d’une vision claire des moyens et d’une fin» et l’Alliance militaire, en charge de la sécurité sur le sol afghan, n’est pas adaptée pour une approche globale, estime le Britannique Nick Witney, de l’organisme European Council on Foreign Relations. Le dossier afghan «n’est pas une question que l’OTAN peut résoudre seule», renchérit l’Américain Daniel Hamilton, du Center for transatlantic relations à Washington. Dans la perspective de l’élection présidentielle du 20 août, l’effort international va être recentré pour aider les Afghans à créer une administration, contribuer au développement de l’économie, de l’éducation et de forces de sécurité (police, gendarmerie, armée), selon plusieurs responsables européens. «Après le 11 Septembre et le renversement des talibans», il y avait eu la volonté de bâtir en Afghanistan «un grand Etat démocratique» et maintenant la priorité «c’est la lutte contre la drogue», résume Pierre Lévy, directeur du centre d’analyse et de prévision au ministère français des Affaires étrangères.
L’une des causes de l’échec des Occidentaux est «la dérive des objectifs», a-t-il estimé lors d’un colloque récent de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Outre l’aspect sécuritaire, pour lequel les Etats-Unis vont envoyer 17 000 militaires en renfort, «la difficulté aujourd’hui est de trouver une solution politique» pour l’Afghanistan, note Pierre Lévy, dans une allusion implicite à la crédibilité entachée de Hamid Karzai. «Le problème c’est qu’il n’y a personne d’autre pour l’instant», relève-t-on dans plusieurs capitales occidentales.