En offrant l’asile à Julian Assange, l’Equateur, ce petit pays d’Amérique du Sud savait qu’il allait faire braquer les projecteurs sur lui. Son appui à Assange n’est pas nouveau. Il s’inscrit clairement dans la politique anti-impérialiste telle que définie et menée par le président socialiste Rafael Correa.
Dès la publication en 2010 des premiers câbles diplomatiques par le site Wikileaks, l’Equateur avait signifié sa sympathie à Assange. Il était le bienvenu à Quito la capitale. Quelques mois plus tard, alors que Assange animait une émission sur la chaîne de télévision Russia Today, il avait pu interviewer le président Correa à distance. A la fin de l’émission, le président Équatorien avait déclaré « Courage, courage ! Bienvenue au club des persécutés ». De toute évidence, Assange savait très bien pourquoi il se rendait en courant à l’ambassade de ce pays qui lui a tout de suite accordé l’asile. Ce qui passe moins, aux yeux des faiseurs d’opinions c’est le souci exprimé par l’Equateur de voir Assange jugé de manière équitable. D’abord en Suède où il est poursuivi pour viol mais surtout aux Etats-Unis où il risque d’être extradé et jugé pour espionnage. Il y a un débat qui n’a pas encore eu lieu en Occident : Assange est-il un cas flagrant d’atteinte à la liberté d’expression lorsqu’il est poursuivi ? Sa responsabilité criminelle lorsqu’il divulgue des informations sensibles n’est pas encore établie. On le sait, tous les pays, forts ou faibles, ont des secrets à protéger.
EFFETS DES IDÉES BOLIVARIENNES
L’Équateur est aussi membre de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques. Ce groupe d’Etats d’Amérique du Sud adopte une position très critique à l’égard des Etats-Unis et de son influence dans la région. Le bras de fer diplomatique dans lequel l’Équateur est entré n’est pas donc pour déplaire. Au moment même, lorsque le Royaume Uni, dont la justice est bafouée quand elle ne peut plus poursuivre un personne légalement inculpée, parce que protégée par l’immunité diplomatique d’un autre pays, tente de faire pression, on a observé immédiatement la réaction solidaire des pays de l’Union bolivarienne. Au plan régional, c’est un coup de génie à l’approche des élections prévues en 2013, au plan local c’est une situation très bénéfique pour un président apparemment contesté et présenté en Occident comme un despote comme l’Amérique du Sud en a connus beaucoup. Le président Correa candidat à sa succession s’est toujours distingué par des actions très nationalistes, ce qui n’est pas pour déplaire aux Equatoriens. En 2009, Rafael Correa avait refusé de renouveler le bail accordé aux Etats-Unis sur la base de Manta. En fait, l’Equateur voulait bien prolonger la location de la base à condition que lui soit accordée la réciprocité. Quito demandait à installer une base militaire à Miami. Les intentions, comme les prétentions, sont pour ainsi dire grandiloquentes. Il reste que l’appui apporté par l’Équateur à Assange, porte aussi des menaces économiques graves. Les sanctions que voudrait exercer justement la Grande-Bretagne touchent à cette dimension. Pour un petit pays comme l’Equateur ce serait une catastrophe. Mais voilà, la Grande-Bretagne a aussi des intérêts économiques à préserver dans la région, notamment celles de British Petroleum qui exploite et prospecte dans le golfe du Mexique et déjà en butte à un procès dans l’affaire Deepwater Horizon. Il s’agit d’une plate-forme pétrolière qui a explosé en 2010 faisant 11 morts et provoquant une énorme marée noire. Quito qui a le soutien politique des pays de l’Unasur a organisé la rencontre internationale sur les droits de la nature du 22 au 24 août. Un événement qui a permis de débattre des possibilités de poursuites judiciaires contre les compagnies pétrolières responsables de détériorations et d’atteintes graves à l’environnement. Parmi les cas débattus, celui de BP. Dans un monde sans pitié, chacun use de ses moyens pour mener à bien sa guerre.
A. E.