Lâché par une grande partie du Haut commandement militaire, les tribus, les dignitaires religieux et la plupart de ses ambassadeurs, le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, est de plus en plus isolé face à une opposition soudée et serait même sur le départ, selon des sources diplomatiques citées par la chaîne Al Jazeera. Il aurait chargé son puissant voisin saoudien de négocier au mieux sa sortie politique.
Les événements se sont précipités hier lundi au moment où l’un des principaux chefs de l’armée, le général Ali Mohsen al-Ahmar, a accusé le chef de l’État de « réprimer les manifestants pacifiques » et de « pousser le pays vers la guerre civile ». Il a décidé de rejoindre la Révolution des chabab et de les protéger déployant des forces et des blindés autour de l’épicentre des manifestations à Sanaa.
Des dizaines d’officiers ont également rejoint la contestation, emboîtant le pas à des ministres, des ambassadeurs et des députés du parti au pouvoir. Ils se sont succédé à la tribune pour annoncer leur décision devant les manifestants qui tiennent un sit-in permanent depuis un mois devant l’université.
La veille, les tribus et les cheikhs religieux, deux piliers du pouvoir, avaient demandé au président yéménite, au pouvoir depuis trente-deux ans, de « respecter la volonté du peuple », qui réclame, à travers tout le pays, sa démission.
Le chef de l’État a ainsi perdu l’appui de la majorité des tribus qu’il contrôlait grâce à une politique soigneusement dosée mêlant clientélisme, népotisme et corruption, selon ses opposants. L’opposition est pour la première fois soudée : les Sudistes ont mis en sourdine leurs velléités séparatistes et les rebelles Nordistes se sont ralliés à la contestation à Sanaa, alors que l’opposition parlementaire fait corps avec les jeunes protestataires à la pointe de la contestation.
Le président a limogé son gouvernement, après la démission de trois ministres. Parmi les dernières défections annoncées, celle du gouverneur de la province d’Aden, dont la capitale, homonyme, est la deuxième ville du pays. D’autres responsables provinciaux et des dirigeants du parti présidentiel, le Congrès populaire général (CPG), ont également annoncé des défections ainsi que des diplomates.
« Nous le disons au Yémen, où la situation est en train de se dégrader, nous estimons aujourd’hui que le départ du président Saleh est incontournable », a de son côté déclaré le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne à Bruxelles. L’ambassadeur du Yémen en France a par ailleurs annoncé que cinq ambassadeurs de son pays en Europe demandaient la démission de Ali Abdallah Saleh.
Le mouvement de contestation, qui a débuté fin janvier, s’est intensifié après des tirs, vendredi, sur les contestataires rassemblés place de l’Université qui ont fait cinquantedeux morts. Dans une intervention, lundi, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a condamné ces tirs à balles réelles contre les manifestants.
Mokhtar Bendib