La situation se dégrade en Libye. Une nouvelle étape est franchie par le Guide de la révolution libyenne. Vendredi soir, il a tenu pour la première fois un discours devant ses sympathisants «Nous allons nous battre et nous les vaincrons», a-t-il lancé à la foule au 11e jour de l’insurrection partie de Benghazi, à 1.000 km à l’est de Tripoli.
«S’il le faut, nous ouvrirons tous les dépôts d’armes pour armer tout le peuple» , a-t-il menacé, s’exprimant depuis des remparts surplombant la place Verte. Le peuple libyen «aime Kadhafi», a-t-il affirmé, demandant à ses partisans de se préparer à «défendre la Libye».
«La vie sans dignité n’a aucune valeur, la vie sans drapeau vert n’a aucune valeur», a-t-il dit, ajoutant : «Chantez, dansez et préparez-vous».
Alors que le «Guide» brandissait régulièrement le poing vers la foule, ses partisans agitaient le drapeau vert de la Libye et brandissaient des portraits à son effigie. Ils scandaient «N’ayez pas peur pour la Libye, tant que Kadhafi s’y trouve» et «Dieu, Mouammar, Libye et c’est tout ».
La situation est toujours aussi confuse que les premiers jours de la révolte. Les rumeurs et les appréciations font office de sources d’informations.
Kadhafi arme ses sympathisants
Vendredi soir, à Tripoli, après le discours de Mouammar Kadhafi, les forces loyales au régime ont tiré sur des manifestants. Il y aurait au moins deux tués dans le quartier populaire de Fachloum, rapporte un témoin, ce que la Télévision officielle dément.
«Ils tirent sur des civils sans armes qui sortent de la prière», a expliqué à l’AFP un habitant du quartier résidentiel de Ben Achour. «Je suis à Tripoli actuellement, le quartier ou je suis est très calme (trop) depuis le début »!, affirme pour sa part un habitant d’un autre quartier de la capitale.
Des tirs ont été entendus dans la nuit et dans la matinée à Tripoli où l’électricité a été coupée dans certains quartiers. Hier, il semble que selon plusieurs témoins, le régime de Kadhafi aurait armé les personnes le soutenant pour qu’ils s’en prennent aux manifestants qui contrôlent désormais la majeure partie du pays. Et il semble bien que Tripoli est la dernière grande ville contrôlée par le Guide libyen.
Ce constat sur le terrain est corroboré par Silvio Berlusconi «Mouammar Kadhafi ne contrôle visiblement plus la situation en Libye», a déclaré, hier, le dirigeant italien Silvio Berlusconi, son plus fidèle soutien en Europe. «J’ai eu des nouvelles fraîches il y a quelques minutes et il apparaît effectivement que Kadhafi ne contrôle plus la situation en Libye», a dit le président du Conseil italien lors d’un meeting politique à Rome.
L’ex- ministre de l’Intérieur est plus précis. «Il n’y a plus que Tripoli et quelques villes qui restent sous le contrôle du régime de Kadhafi», estime l’ancien ministre de l’Intérieur sur une chaine satellitaire arabe qui indique que les anti-Kadhafi contrôlent désormais les villes de Misurata et Zuwarah outre la ville de Benghazi. Les forces loyales, elles, ont attaqué des villes proches de Tripoli. D’après un témoin cité, à Musratah, des mercenaires tirent sur les manifestants. Ils auraient été emmenés par des hélicoptères du régime.
Une autre ville est désormais aux mains des insurgés, Al-Baida, une ville de l’est du pays. Selon la chaîne satellitaire, les manifestants ne veulent pas d’une Libye divisée entre une zone contrôlée par le régime et une autre par la contestation.
«Ils veulent une Libye unie, ils veulent que Tripoli reste la capitale de ce pays», a-t-elle commenté, expliquant qu’une résidence de Kadhafi a été saccagée dans cette ville. Elle décrit comment était cette résidence avec tous ces systèmes de sécurité (dont un bunker anti-nucléaire) preuve de la paranoïa de Kadhafi.
La bataille de Tripoli scellera le sort du Guide
Sur le terrain, alors que la région orientale pétrolifère est aux mains de l’opposition armée qui met en place une nouvelle administration, à Tripoli, les forces pro-Kadhafi, déployées autour de mosquées pour empêcher les protestations, ont tiré sur des manifestants.
Dans l’est de la ville, au moins deux manifestants ont été tués par des miliciens pro-Kadhafi dans le quartier populaire de Fachloum, selon un témoin. Dans ce quartier, tout comme dans celui de Ben Achour, des témoins ont signalé des «tirs nourris sur tous ceux qui se trouvent dans la rue». Le sort de la Libye dépend de la bataille de Tripoli qui va s’engager entre les insurgés et les pro-Kadhafi renforcés, selon certaines sources, par des mercenaires venus des pays africains.
Les troupes de Kadhafi ont abandonné certaines parties de Tripoli ont déclaré d’autres sources hier en fin d’après-midi qui citent un témoin à Tripoli, affirmant qu’un «calme pesant» règne sur la ville «où seuls des 4X4 des forces loyales au régime de Kadhafi circulaient par intermittence».
Les deux camps se préparent-ils à la grande bataille de Tripoli. Dans cette perspective, les jours ou plutôt les heures sont comptés pour El Kadhafi, le Roi des rois d’Afrique à la tête de la Jamahiria Arabe Libyenne qui ne survivra pas à sa chute.
Le bilan de la répression est lui aussi approximatif. 600, 800, 1.000, les bilans varient d’une source à l’autre. Le nombre de morts se compte par milliers et non par centaines, a affirmé l’ambassadeur adjoint de la mission libyenne à l’ONU, Ibrahim Dabbashi qui demande à l’organisme onusien de «prendre des mesures courageuses pour sauver la Libye.