Mehdi Lacen a ouvert son cœur à Compétition pour s’expliquer sur sa décision de ne pas honorer sa première convocation en équipe nationale.
Votre nom figurait sur la liste des 23 retenus pour la CAN 2010 puis, tout d’un coup, il a disparu. Que s’est-il passé entre-temps ?
Ce qui s’est passé est assez simple.
Cela fait un moment maintenant que je parle avec le coach, avec le président de la Fédération, avec Walid Sadi qui est un peu l’intendant de l’équipe d’Algérie.
J’ai eu mon passeport algérien depuis trois semaines. Le coach m’a dit qu’il a besoin de moi pour aller à la CAN. Je lui ai exposé un petit peu mon point de vue en expliquant que c’est quelque chose de personnel.
Quoi donc ?
Ma femme est enceinte, elle va bientôt accoucher. C’est prévu à la fin du mois de janvier, cela peut arriver avant aussi. Le problème est que je n’ai pas envie de laisser ma femme seule en Espagne avec ma petite fille et attendant une autre petite fille.
Ah, toutes nos félicitations…
Merci. Alors, j’ai dit cela au coach. Il m’a dit qu’il faut faire des sacrifices quelquefois. J’ai pesé le pour et le contre avec des amis, avec ma famille, avec ma femme. Le sentiment de ma femme a été de me dire que je pouvais aller à la CAN et la laisser là-bas, en Espagne.
Elle était prête à faire le sacrifice ?
Oui, elle était prête à faire le sacrifice. Moi aussi, j’y ai pensé, j’y ai mis beaucoup de temps. Mais voilà, je n’ai pas pu laisser ma femme seule. C’est une opportunité que j’ai laissée passer, mais maintenant, c’est fait. Et puis, il ne faut pas oublier que mon club a voulu que je reste, même s’il n’a pas à donner son avis puisque c’est une convocation FIFA.
Avec Santander, on peut avoir quelque chose comme neuf matches d’ici le mois de janvier 2010, donc c’est vrai que ça aussi, c’est quelque chose qui a pesé légèrement dans ma décision.
Mais vous avez été le principal dans la prise de décision…
Le principal, c’est ma femme, c’est ma famille, il n’y a rien qui passe avant.
D’accord, mettons une croix sur la CAN 2010. Et au-delà ?
Je vais dire la vérité. Quand j’ai parlé au coach, il ne m’a pas laissé entendre que ce n’était pas grave et qu’il allait m’appeler pour la Coupe du monde ou me faire ceci ou cela. Il m’a dit : on verra bien ce que l’avenir nous réservera. J’ai entendu dire qu’il y a des joueurs qui…
Oui…
Moi, on m’a assuré le contraire, mais j’ai entendu dire qu’il y a des joueurs qui avaient critiqué cette décision, le fait que je vienne après ou le fait que je vienne seulement au Mondial. Ce n’est pas du tout cela et je tiens à le dire clairement. S’il y a aujourd’hui deux ou trois joueurs qui disent que je n’ai pas ma place dans l’équipe pour le Mondial, honnêtement, je n’irai pas. Je préfère respecter le groupe, respecter ceux qui se sont battus depuis deux ou quatre ans, ceux qui ont fait tous les matches pour aller à la CAN ou au Mondial.
Je respecterai toujours le groupe qui est en place avant mon propre cas personnel.
Deux ou trois joueurs vous dissuaderaient ?
J’ai vu des choses dans la presse. D’un côte, cela me paraît normal, dans le sens où des gens se battent depuis des années pour réaliser le rêve d’aller à la CAN ou au Mondial. Je me vois mal arriver derrière et prendre la place de quelqu’un. Cela, je l’ai dit clairement.
S’il y a vraiment des joueurs à qui cela ne plaît pas, je respecte, pas de problème. Cela ne me dérangerait pas de parler avec un joueur qui est contre ma venue, je lui expliquerai mon point de vue et il m’expliquera le sien. S’il y a vraiment des joueurs qui ne me veulent pas, moi je ferai passer le groupe Algérie d’abord, avant ma propre personne.
En principe, le sélectionneur vous convoque et l’histoire s’arrête là, pourquoi cela ne se passerait pas ainsi ?
Je suis d’accord pour dire qu’au final, c’est le coach qui me convoquera ou pas. Mais je le répète : ma personne vient après. Le groupe Algérie d’abord.
Au fait, quel a été l’avis de Miguel Angel Portugal, votre coach à Santander ?
Il m’a dit clairement que le club allait respecter ma décision. Et que si le club donnait son avis, forcément, il aimerait m’avoir à ses côtés pour le mois de janvier qui nous attend.
Mais le coach m’a dit surtout c’est ta carrière, tu fais comme tu veux, si tu veux partir, pars et si tu veux rester, c’est tant mieux. Santander a été super réglo là-dessus. Le club ne m’a jamais mis de pression pour aller ou non à la CAN. Je leur ai expliqué que c’est mon choix et qu’ils devaient m’appuyer quelle que soit ma décision. Je remercie le club par rapport à cela.
Peut-on malgré tout garder l’espoir de vous voir au Mondial ?
Et ben oui. L’espoir y est toujours, après ce sera selon les évènements qui vont se passer jusqu’a la fin de la saison. Un Mondial, c’est le rêve pour tout joueur, mais je ne vais pas me prendre la tête là-dessus en voulant à tout prix y aller. Encore une fois, le groupe passera avant mon cas personnel. Si je ne dois pas y aller pour le bien du groupe, eh bien je n’irai pas. Il n’y a pas de souci là-dessus, que ce soit clair et net.
Dans une déclaration à Compétition, Karim Ziani vous a dit : bienvenue. Comment réagissez-vous à cela ?
Cela me fait plaisir qu’un cadre me souhaite la bienvenue et exprime dans les journaux le fait qu’il n’a rien contre ma venue. Cela fait plaisir et fait chaud au cœur qu’il le dise.
J’ai vu aussi qu’il y a Yazid Mansouri qui a dit cela. Cela fait également plaisir. Après, que ce soit vrai ou pas, s’il y a réellement des joueurs qui sont contre, je redis que je peux très bien les comprendre. Je respecte toutes les décisions. Il faut bien prendre conscience qu’il n’y a personne dans mon cas, à ma place, c’est une décision que j’ai prise et voila.
Qu’allez-vous dire à tous ces Algériens qui vous ont attendu et à qui vous avez mis l’eau à la bouche avec votre dernier but sur une frappe fantastique ?
Ce serait génial si vous pouviez en marquer un comme ça contre l’Angleterre…
Oui, c’est sûr que ce serait génial. Ce serait beau, mais tout cela est très loin. Je préfère ne pas me prendre la tête avec et voir comment l’avenir va se passer. Entre parenthèses, moi, je ne suis demandeur de rien. C’est vrai que la Coupe du monde, c’est grand, mais si le coach m’appelle et me dit qu’il ne me retient pas pour le Mondial pour telle ou telle raison, je le comprendrai et je serai à deux cent pour cent derrière l’équipe d’Algérie.
Et s’il vous appelle en disant qu’il ne tiendra pas compte de ce que dit tel joueur ou tel autre ?
Cela dépend. Si quelqu’un m’appelle même de manière anonyme pour me dire qu’il est contre ma venue, ou si quelqu’un le dit publiquement, je redis que ce qui importe, c’est le groupe.
Vous voulez sentir que vous êtes bien accepté par tout le groupe avant de venir, c’est cela ?
Non, non, non. De toute façon, si je viens, soyez sûr que je le ferai sur la pointe des pieds, sans rien demander.
Mehdi Lacen ne peut pas venir sur la pointe des pieds, quand même…
Je suis quoi en tant que Mehdi Lacen ?
Il y a des joueurs beaucoup plus importants que moi qui vont en sélection.
Je suis Mehdi Lacen qui joue en Espagne, voilà. Je ne suis pas Zinedine Zidane, je ne suis pas une superstar. Je suis un joueur de plus qui est sélectionnable. Je ne demande pas que tous les joueurs fassent des déclarations disant qu’ils vont m’accepter ou quoi que ce soit. S’il y a vraiment des joueurs qui ne veulent pas que j’aille, et bien je n’irai pas. Pour le bien de l’équipe, pour le bien du groupe, pour le bien peut-être des joueurs à qui je prendrai la place. Moi, je respecterai cela sans souci.
Le président de la Fédération ou le sélectionneur national vous a appelé, croit-on savoir, pour vous rassurer que tout est clean au sein du groupe…
Il ne m’a pas rassuré dans le sens où je n’étais pas inquiet. Je n’ai jamais été inquiet de cela. Après, comme je l’ai déjà dit, il y a des joueurs qui peuvent exprimer leur mécontentement et je le comprends. Mais il faut bien prendre conscience que je n’ai jamais posé des conditions pour ma venue en équipe d’Algérie. Je n’ai jamais dit que je voulais être capitaine, avoir ceci ou avoir cela. Le jour où je viendrai en équipe d’Algérie, je le répète encore une fois, je le ferai vraiment sur la pointe des pieds, personne ne m’entendra. Je serai un joueur de plus, quoi.
Je ne serai vraiment pas Mehdi Lacen qui vient d’Espagne ou quoi que ce soit.
En terme de pourcentage, il y a combien de chance de vous voir au Mondial avec les Verts ?
Impossible à dire. Déjà, la décision viendrait du fait qu’on m’appelle.
C’est clair, normalement on vous appellera, non ?
Ce n’est pas sûr. La saison n’est pas terminée, je peux être moins performant ensuite et ne pas mériter la convocation. On peut alors décider de se passer de moi.
Disons que vous resterez aussi performant, Saâdane vous appelle, que ferez-vous ?
Ce sera selon ce qui va se passer. Je ne veux pas dire ni oui ni non dans le sens où si je réponds oui, les gens vont dire : ouais, maintenant que c’est le Mondial, il accepte. Alors que ce n’est pas le cas. Donc, on va voir comment cela va se passer lors des prochains matches. Ensuite, on verra si le coach comptera sur moi encore à l’avenir.
Le groupe de l’Algérie durant la CAN et le Mondial, qu’en dites-vous ?
Si l’équipe joue comme je l’ai vue dernièrement, je pense qu’il n’y aura pas de problème pour passer le premier tour de la CAN. Aussi, logiquement, elle peut gagner le titre.
Carrément ?
Oui puisqu’ils ont battus deux fois le double champion d’Afrique en titre. Il est vrai que tout peut arriver sur un match, mais je crois qu’ils ont une équipe pour, au moins, aller en finale.
Et le Mondial ?
C’est un autre niveau. Dans le groupe de l’Algérie, il y a une équipe vraiment au-dessus, c’est l’Angleterre. Les trois équipes derrière ont chacune une possibilité de passer. Je pense que l’Algérie doit forcément gagner un match contre un concurrent direct, après il y aura un moyen de passer. Ce ne sera pas facile, il ne faut pas se voiler la face, mais derrière l’Angleterre, il y a une place à prendre.
Au fait, dites-nous, comment avez-vous vécu le caillassage du bus algérien au Caire ?
J’ai été écœuré quand j’ai vu les reportages, notamment le visage des joueurs en sang et le bus caillassé. Ce n’est pas réglo.
Avant de finir, vous allez avoir une seconde fille, à quand un garçon pour avoir plus de chances de compter un Lacen en sélection nationale ?
Je crois que je n’ai pas fini d’avoir des enfants, j’espère qu’à un moment donné j’aurai un petit mec.
Dernière question, quel message voulez-vous adresser aux Algériens et quand irez-vous les voir en Algérie ?
De moi aux Algériens, je veux juste dire de me comprendre parce qu’il est difficile de se mettre dans ma position, je pense. Encore une fois, je ne demande rien, je suis le premier supporter de l’équipe en étant dehors. J’espère qu’ils comprendront ma décision et la respecteront. Qu’ils prennent bien conscience que je ne suis pas là pour prendre la place de personne, ni pour faire du mal à personne.
Ce n’est vraiment pas mon genre. Je suis vraiment content pour ceux qui m’encouragent et sont derrière moi. Et ceux qui sont contre moi, je respecte leur décision. Quant à ma venue en Algérie, cela aura lieu quand je viendrai.
Cela pourrait se faire si j’ai la chance d’aller au Mondial ou, de toute façon, quoiqu’il arrive, l’été prochain, j’irai passer mes vacances en Algérie. Ce sera un premier pas de fait.
Envoyé spécial à Santander Halim Djender