Lacen : «Jouer contre le Barça est devenu une souffrance pour moi»

Lacen :  «Jouer contre le Barça est  devenu une souffrance pour moi»

Il y a un peu moins de deux semaines, Medhi Lacen a vécu un jour spécial dans sa carrière : il a battu les extra-terrestres du Barça pour la première fois de carrière. Cela peut monter à la tête de n’importe quel joueur, mais pas celle de l’international algérien qui prend cela avec philosophie. «C’est vrai que pour le prestige, c’est bien de battre le Barça, mais au final, on n’a pris que trois points et on n’est pas relégables», dit-il. Jouer le Barça est même devenu un calvaire pour lui et il nous explique pourquoi dans cet entretien qu’il nous a accordé vendredi à la cafétéria du stade de Getafe, juste après l’entraînement. Un entretien au cours duquel on n’a pas parlé que du Barça puisqu’il y avait aussi l’actualité de la sélection à disserter.

Vous jouez dans une équipe vraiment étonnante, capable de battre le Barça, mais incapable de quitter le bas du tableau. Que se passe-t-il à Getafe ?

Je pense tout simplement que sur certains matchs, on n’a vraiment pas eu de chance. Je pense notamment au match de Malaga où à quelques minutes de la fin du match, on mène 2 à 1 et l’arbitre m’expulse injustement. Au final, on perd 3 à 2. Contre l’Espanyol, on prend un but dans les arrêts de jeu. Contre Gijon, on encaisse dans les arrêts de jeu aussi. Des matchs qu’on n’aurait pas du perdre et qu’on a perdus et qui font qu’on reste bloqués en bas du tableau. Si on n’avait pas perdu ces matchs-là, on serait aujourd’hui au milieu du tableau. Mais attention, je trouve aussi qu’on reste assez fragiles à l’extérieur où on n’a récolté qu’un seul petit point (Ndlr : 0 à 0 sur le terrain de la Real Sociedad). Heureusement qu’à domicile, on a réussi quelques bons coups comme la victoire face au Barça (1 à 0) et contre l’Atlético (3 à 2). Ça fait quand même cinq matchs qu’on ne perd plus sur notre terrain.

Ça fait six ans que vous jouez en Espagne et c’est la première fois que vous battez le Barça. Ce fut un jour spécial pour vous ?

Oui, surtout que ça faisait 27 matchs qu’ils ne perdaient plus je crois. Cette fois-ci, je savais qu’il était possible de réaliser un exploit parce qu’ils ne sont plus aussi dominateurs à l’extérieur ces derniers temps. Je savais aussi qu’on allait courir, courir, courir derrière le ballon durant tout le match. On savait que notre salut passait par un coup franc ou un corner. On a eu notre chance, on a mis un but, après on a lutté tous derrière pour conserver notre avance. C’était le scénario idéal surtout qu’en face, Barcelone était moins bon que d’habitude.

Avant le match, vous donniez pourtant l’impression de préparer un match perdu d’avance. Etait-ce une manière d’évacuer la pression ?

Non, c’est la vérité. Si le Barça joue à son véritable niveau, sur 100 matchs, ils te mettent 18 fois 4-1. Ils sont largement au- dessus de nous. Après, on a préparé notre match en espérant le scénario idéal.

Et c’est quoi le meilleur scénario face au Barça ?

Ne pas encaisser d’entrée. Essayer de résister le plus longtemps possible pour ensuite essayer de leur marquer sur balle arrêtée. C’est ce qui s’est passé. Après, quand tu réussis à mettre un but au Barça, tu as envie de conserver le score et tu fais tout pour y arriver. Ce jour-là, on a bien joué, mais on a eu 100% de chance surtout avec le poteau de fin match pour le Barça. Cette chance qui nous fuit depuis le début de saison nous a accompagnés durant tout le match contre Barcelone.

Pour Getafe, y a-t-il eu un avant et un après Barça ?

Non, pas du tout. La preuve, après cette victoire, on est allés prendre trois buts à Séville. On est vite retombés dans nos travers. C’est vrai que pour le prestige, cette victoire nous fait plaisir. C’est quand même le Barça, un club qui perd deux ou trois matchs par saison, mais à la fin, cette victoire, aussi prestigieuse soit-elle, ne nous a ramené que trois points.

Pourtant, à l’entraînement il y avait plus de monde que d’habitude…

Je crois que c’est par rapport au pont qu’il y a en Espagne en cette fin de semaine. Les gens ne travaillent pas, ils ont donc le temps de venir solliciter des photos et des autographes et assister à l’entraînement.

Comment se comportent les stars du Barça comme Messi, Xavi et les autres sur le terrain ? Avez-vous des anecdotes à nous raconter à ce sujet ?

(Après une courte réflexion) Des anecdotes ? Franchement, je ne m’en souviens pas. Je n’avais pas le temps de remarquer ce genre de choses, tellement j’ai passé la soirée à courir derrière le ballon et à essayer de défendre. Face au Barça, on touche très peu de ballons, ce qui n’est pas le cas contre le Real où on a l’occasion de jouer un peu. Ce n’est pas le même style. Au jour d’aujourd’hui, jouer contre Barcelone, c’est devenu un supplice. Autant je prenais du plaisir à jouer contre eux lorsque j’étais à Alavès puis à Santander parce qu’il s’agit quand même des meilleurs joueurs du monde, autant je m’attends à passer une mauvaise soirée contre eux. Je suis toujours content de les affronter, car il y a beaucoup de joueurs qui aimeraient jouer le Barça ou le Real, mais ce n’est plus comme avant. J’aime plutôt jouer des équipes comme Osasuna ou l’Atlético parce qu’il y a moyen de jouer au ballon. Face à Barcelone, on doit systématiquement rester à dix derrière et courir tout le temps derrière le ballon. Contre Barcelone, si tu ouvres le jeu, tu es mort.

Contrairement à la situation de Getafe, votre situation individuelle est plutôt bonne puisque vous êtes titulaire dès votre première saison…

C’est vrai ce que vous dites, mais c’est vrai aussi qu’en football, ça va trop vite surtout qu’à Getafe, on est nombreux au milieu du terrain. Autant à Santander, il y avait moins de monde dans l’entrejeu, autant ici, il y a une grande concurrence. Nous sommes en effet cinq à se disputer deux places de titulaires : Rodriguez, qui était titulaire à la Corogne, Michel, qui jouait en Grèce, Casquero, le capitaine de Getafe depuis trois ou quatre saisons, et Ruben, qui vient également de la Corogne. J’ai eu la chance de débuter la saison comme titulaire et d’avoir tiré mon épingle du jeu. Le coach me fait confiance puisque j’ai joué presque tous les matchs. Pourvu que ça continue.

Lorsque vous avez quitté Santander, votre seul regret était que vous et votre famille étiez habitués à la tranquillité de la ville. Vous êtes vous adapté à la vie ici ? Vivez-vous à Getafe ou à Madrid ?

Le bien-être de la famille est un paramètre important pour un joueur de foot. Et là, je peux vous assurer qu’il n’y a aucun souci, ma famille et moi sommes très à l’aise ici. J’habite juste à côté de Madrid dans un quartier qui s’appelle Pozuelo et je suis à un quart d’heure de Getafe. Avant de signer ici, on m’a rassuré que ma famille allait se sentir bien et c’est le cas. C’est vrai qu’il n’y a rien à voir avec Santander, une petite ville, mais l’avantage d’une grande ville comme Madrid c’est que quand on a envie de faire quelque chose, on peut le faire. A Santander, c’était plus restreint.

Il y a à peine deux saisons, vous étiez le seul Algérien à jouer en Liga avec Ghilas qui était en 2e Division. Maintenant, vous êtes quatre avec Yebda, Feghouli et Cadamuro. Est-ce une bonne chose ?

Bien sûr ! On se sent moins seul et aussi, cela permet aux Espagnols de connaître un peu plus les footballeurs algériens.

Parlez-nous un peu du début de saison de Yebda.

J’ai vu presque tous les matchs de Yebda et je peux vous dire que son parcours ressemble beaucoup à celui de son équipe. Il a commencé la saison sans préparation, mais il a quand même réussi des matchs corrects. Lorsqu’il est revenu blessé de l’Equipe nationale, ça a été plus difficile pour lui. Ça fait maintenant cinq matchs que Granada n’a pas perdu et Yebda semble retrouver petit à petit son meilleur niveau. Je crois aussi que le fait qu’on l’ait repositionné sur le terrain juste devant les défenseurs lui a fait du bien. J’ai aimé sa prestation face à Saragosse. Donc ça va bien pour lui et pour son équipe depuis cinq, six matchs.

Vous a-t-il demandé conseil avant de signer à Granada ?

Oui, on a bien parlé.

Et que lui avez-vous dit ?

Je connaissais Granada sans le connaître parce qu’il y a deux ans, ce club était en Segunda B (Ndlr : l’équivalent de la 3e Division). Ils ont fait deux accessions consécutives. Le conseil que je lui donné par contre, c’est qu’il est sûr de pouvoir toucher son argent parce qu’il y a un problème de payement dans certains clubs espagnols. La preuve, il a fallu une grève des joueurs avant le début de saison pour faire bouger les choses. Je lui ai dit ce que je savais que Granada était une belle ville estudiantine où il fait souvent très beau et un club connu pour avoir les meilleurs supporters d’Espagne. La dernière fois, ils ont joué leur match à huis clos et les supporters s’étaient donné rendez-vous à l’entrée du stade pour encourager les joueurs. Cela ne se passe qu’à Granada.

Donc, ça ne va pas être facile de les battre ce dimanche ?

Ah oui ! ça va être très difficile parce qu’ils ne perdent pas depuis cinq matchs. Mais nous, nous sommes obligés de gagner parce que si on les bat, on les rejoint au tableau.

Est-ce qu’on parle entre Algériens sur le terrain ?

On se chambre beaucoup plus. Avec Sofiane par exemple, dès la première action de la deuxième mi-temps, il a mis le pied un peu trop fort sur un joueur de Getafe et il a pris un carton jaune. J’ai couru vers lui pour lui dire qu’il méritait le rouge, histoire de le chambrer un peu et de le mettre à l’aise parce que c’était le match qui précédait son départ en sélection pour la première fois. Ça sera la même chose avec Yebda, on va bien se chambrer parce que je vais le croiser très souvent sur le terrain.

Que pensez-vous de la saison de Feghouli ?

Je pense que le départ de Silva et la blessure de Canales lui ont donné la chance de briller et il ne l’a pas ratée. J’ai dû le vérifier à mes dépens puisqu’il nous a mis deux buts. Non, l’équipe d’Algérie a fait une excellente affaire car à 21 ans, il va être là pour très longtemps. Il est venu en sélection au meilleur moment puisqu’il multiplie les bons matchs et les titularisations avec Valence. Pour moi, c’est juste qu’il confirme tout le bien qu’on pensait de lui. Avant de venir en Espagne, on savait tous que c’était un très bon joueur.

Vous auriez peut-être dû faire comme lui et venir plus tôt en sélection, non ?

Comme je l’ai déjà dit, avec du recul, j’aurais souhaité venir avant. Il n’y a que moi qui ai commis cette erreur et je l’assume seul. Aujourd’hui, à chaque fois que je vais en sélection, je suis grave content. Je suis content de revoir les joueurs et faire les matchs avec la sélection.

Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis que vous jouez en sélection ?

Ici en Espagne, rien parce que si tu n’es pas international espagnol, brésilien ou français, on ne s’en rend même pas compte. Au niveau personnel par contre, beaucoup de choses ont changé. J’ai pu connaître l’Algérie grâce à l’Equipe nationale et l’envie d’aller faire un voyage en famille me prend de plus en plus. Je suis content à chaque fois que je rejoins les stages de l’Equipe nationale. C’est le top à chaque fois.

On n’a pas encore parlé de Cadamuro…

Celui-là, je n’ai pas encore eu l’occasion de lui parler, même pendant le match qui nous a opposés à la Real Sociedad. Il est entré en jeu en fin de match, mais je pense qu’il était déçu du match nul, c’est pour ça qu’on n’a pas pu se croiser. Pour vous dire la vérité, moi aussi j’étais déçu du match nul, car je pense sincèrement qu’on aurait pu les battre. On ne s’est pas croisés finalement.

Le 28 novembre dernier, vous deviez être présent pour le Ballon d’Or, mais votre emploi du temps ne vous l’a pas permis…

J’aurais bien aimé venir, car les reportages que j’ai vus à la télé sur le Ballon d’Or confirment que c’est un évènement très important du football algérien. Ça a l’air d’être bien, c’est très bien organisé. C’est une super cérémonie et j’espère vraiment y être l’année prochaine.

En tant que nominé, lauréat ou simple invité ?

Lauréat ? Ca sera très difficile parce qu’il y a beaucoup de joueurs qui passent avant moi. Nominé ? Si je continue à être titulaire à Getafe et si je suis bon en sélection, pourquoi pas ? Invité ? Cela dépendra de vous si vous voulez bien m’inviter et si mon emploi du temps me le permet.

Boudebouz lauréat, qu’en dites-vous ?

Ce que je pense de Ryad, je le résume en un seul mot : le talent à l’état pur. Son Ballon d’Or est largement mérité car il y a peu de joueurs comme lui capables de débloquer un match par un éclair. C’est le moment pour lui d’aller vers un grand club et je vois qu’il a l’embarras du choix avec tous les clubs qui le suivent.

Quand on est joueur de Getafe, comment on vit le Clasico qui va se jouer demain (Ndlr: entretien réalisé vendredi) ?

On est obligés de suivre, on n’a pas le choix. Ça fait deux semaines qu’ils nous saoulent avec le Clasico. Tous les jours le Barça, tous les jours le Real. On y prend part, on en parle sans le vouloir. Cela ne nous empêche pas pour autant de se concentrer pleinement sur notre match face à Granada.

A la fin de l’entraînement, on vous a vu rejoindre le vestiaire en compagnie de l’international olympique marocain Barrada. On suppose que vos rapports avec lui sont bons ?

J’essaye de l’aider parce que c’est un bon mec. Si ce n’était pas le cas, je ne me verrais obligé de l’aider. Il vit la même situation que moi lorsque je suis arrivé en Espagne et je ne veux pas qu’il commette les mêmes erreurs que moi. Je lui demande déjà d’apprendre vite à parler l’espagnol pour s’intégrer pleinement dans le groupe. A Alavès, moi je me contentais de discuter avec les joueurs qui parlaient français et ce fut une erreur. En tant que joueur, je n’ai pas beaucoup de choses à lui apprendre puisqu’il fait bien les choses, que ce soit avec les Olympiques marocains où il vient de mettre deux buts en demi-finale ou avec Getafe où il s’impose petit à petit. Je pense qu’il ne va pas rester longtemps à Getafe.

Vous a-t-il chambré un peu après la victoire du Maroc sur l’Algérie ?

Pas trop, parce que j’ai vu le match et j’ai vu qu’il n’a pas été bon contre nous. Lorsque nous avons perdu contre eux en mai dernier, il était au stade et il m’a bien chambré.

Vous êtes arrivé timidement en sélection avant de vous imposer comme un joueur incontournable avec les trois sélectionneurs que vous avez connus. Vous vous voyez comme le leader de cette équipe ?

Vraiment pas du tout. Il y a des joueurs qui sont là depuis huit, neuf ans comme Antar, Madjid ou Karim. Dire que je peux être le leader de cette équipe, c’est manquer de respect à tous ces joueurs qui sont là depuis si longtemps. Mais si je dois gueuler sur le terrain pour tirer l’équipe vers le haut ou pour replacer un joueur sur le terrain, je le ferai avec plaisir. Je suis beaucoup plus un joueur d’équipe qu’un leader. Au jour d’aujourd’hui, ce rôle ne m’appartient pas.

C’est Saâdane qui a le plus insisté pour vous ramener en sélection. Etes-vous en contact avec lui ?

J’ai eu une fois de ses nouvelles par l’intermédiaire d’une personne interposée. J’espère pouvoir l’avoir un jour au téléphone pour le saluer.

Alavès, Santander et maintenant Getafe. Vous verra-t-on un jour dans une grosse cylindrée de la Liga ?

En signant à Getafe, je sais que je serai beaucoup plus exposé. Si à Santander, il y a 3 ou 4 recruteurs, à Getafe il y a souvent une quinzaine de recruteurs qui voient tout et qui notent tout. Il y a donc ici plus de possibilité d’être vu par un grand club. Toutefois, j’ai signé un contrat de quatre ans, un bon contrat dois-je préciser. Je suis content d’être ici. Maintenant, je dis n’importe quoi, si Séville ou Valence veut me recruter, j’essayerai d’y aller. Sinon, je suis bien là où je suis.