L’accord commercial préférentiel n’est pas respecté : NCA-Rouiba face aux contraintes tunisiennes

L’accord commercial préférentiel n’est pas respecté : NCA-Rouiba face aux contraintes tunisiennes
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L’opérateur, qui a décidé de relancer ses exportations vers le voisin de l’Est, à la faveur de l’ACP algéro-tunisien, se trouve confronté à de multiples obstacles, notamment l’imposition par les autorités commerciales d’une taxe de 25% et la (re)classification “arbitraire” de ses produits.

Entré en vigueur en mars dernier, soit six ans près sa signature, le 4 décembre 2008 à Tunis, l’accord commercial préférentiel (ACP) algéro-tunisien peine à s’imposer comme cadre législatif devant encourager les échanges commerciaux entre les deux pays voisins. Naturellement, l’accord vise à faciliter la tâche aussi bien aux opérateurs tunisiens qu’à leurs homologues algériens désireux de conquérir, dans le principe de réciprocité, les marchés des deux pays. Néanmoins, la réalité des pratiques contraste étrangement avec les textes de l’ACP, notamment de l’autre côté de la frontière. Et pour cause, nombre d’opérateurs algériens se trouvent confrontés, dans ce pays voisin, à de multiples contraintes pourtant censées disparaître avec la mise en application de cet accord bilatéral de libre-échange.

NCA-Rouiba (Nouvelle conserverie algérienne) est l’une des entreprises algériennes à le vérifier à ses dépens depuis qu’elle avait décidé, en octobre 2013, de relancer ses exportations (rompues en 2003 pour des raisons objectives) vers ce pays voisin. Première contrainte et pas des moindres : le producteur algérien se voit imposer, au même titre que d’autres exportateurs vers la Tunisie, une taxe intérieure dite de droit de consommation de l’ordre de 25% !

Taxe discriminatoire et classification injuste

Les autorités tunisiennes tentent de faire croire que cette même taxe serait également imposée aux producteurs locaux, alors qu’en réalité aucun de ces derniers ne la subit. Un fait vérifiable au vu des prix pratiqués par les producteurs de jus et autres boissons fruitées sur le marché tunisien. S’agit-il d’une manœuvre tunisienne dont la visée serait de décourager l’importation de ce produit algérien de qualité qui représenterait une menace pour les producteurs locaux détenteurs du monopole du marché tunisien ? La question s’impose légitimement, d’autant que même la classification des jus Rouiba est remise en cause par les autorités tunisiennes chargées de contrôler la qualité.

Les produits de NCA-Rouiba, reconnus par les services douaniers algériens comme jus de fruits pour être classés dans la catégorie 20-09 conformément aux normes fixées par l’Organisation mondiale des douanes (OMD), ne le sont pas en Tunisie. Dans ce pays, ils sont vite relégués à la catégorie 22-02 qui les définit comme “eau fruitée”. Pourquoi cette (re)classification si ce n’est pour justifier l’imposition de la taxe sus-citée (25%), sachant que les produits classés dans la première catégorie ne sont pas concernés par cette taxe ? Existe-t-il, dans ce pays voisin, une volonté délibérée de mettre des bâtons dans les roues aux exportateurs algériens ? Tout porte à le croire, selon Mohamed Benagoudjil, manager-export de NCA-Rouiba, tant que, regrette-t-il, cette mesure et bien d’autres ne sont imposées qu’aux produits importées tandis que les produits locaux sont exemptés de toutes ces contraintes.

Le même responsable de NCA-Rouiba qui qualifie cette pratique de “deux poids, deux mesures” exercée par les autorités tunisiennes, n’écarte pas l’influence du lobbying interne. Ceci, souligne-t-il, d’autant plus qu’une autre pratique administrative liée à la livraison “tardive” de l’autorisation de mise à la consommation (AMC) vient s’ajouter à cette taxe excessive.

Mieux, apprend-on de même source, l’octroi de cette fameuse AMC, qui plus est doit être renouvelée à chaque nouvel arrivage de marchandise, est soumis préalablement à une autorisation provisoire d’enlèvement (APE) au niveau de la douane. La remise de l’AMC est parfois repoussée de plusieurs semaines ! Ce qui retarde considérablement la mise sur le marché des produits Rouiba qui risquent de se périmer avant même de sortir des dépôts.

À la veille du mois de Ramadhan où la demande du jus connaît un pic, les produits distribués par l’opérateur arrivaient déjà à épuisement dans les grandes surfaces de la capitale tunisienne (Carrefour, Géant et magasin général), que nous avons visitées, alors que l’AMC tardait à être délivrée pour l’exportateur algérien. Une situation qui pénalise à la fois l’entreprise et ses clients, mais aussi les consommateurs habitués aux différentes gammes proposées.

La version tunisienne

Approchée sur ce sujet, Saïda Hachicha, directrice générale de la coopération économique et commerciale du ministère de l’Economie et de l’Artisanat tunisien, a expliqué que les mesures qui s’appliquent sur les opérateurs économiques, nationaux et étrangers, sont puisées des textes législatifs tunisiens en vigueur et qu’aucune discrimination ne serait exercée contre X ou Y.

Pour elle, la taxe des 25% est imposée également aux producteurs locaux au même titre que les étrangers exportateurs vers ce pays. “La taxe de droit de consommation fixée à 25% est définie dans un texte de loi applicable à tous les produits locaux et importés”, nous a confié Mme Hachicha. Néanmoins, à en croire une source proche du dossier, la même responsable tunisienne aurait reconnu, devant le premier responsable de NCA-Rouiba, en l’occurrence Slim Othmani “que les producteurs tunisiens ne paient pas la taxe intérieure à la consommation”.

Quant à la classification “injuste” dénoncée par les responsables de NCA-Rouiba, Mme Hachicha jette la balle aux services des douanes qui, selon elle, sont les seuls habilités à trancher cette question avec leurs homologues algériens. Pour Mme Hachicha, cette classification s’expliquerait par le retard accusé par le ministère algérien dans l’actualisation des listes de produits algériens à commercialiser. “Aujourd’hui, nous travaillons encore avec les listes de 2008.

Nous avons déposé une requête auprès du ministère du Commerce algérien mais la liste tarde à venir”, a-t-elle déploré. La responsable tunisienne a déclaré néanmoins que son département reste “ouvert pour dialoguer” sur toutes les questions. Mme Hachicha, qui était de retour d’Alger après sa visite de deux jours (les 22 et 23 juin dernier), mise sur la réunion prévue en septembre prochain entre les ministères du Commerce des deux pays pour tenter de trouver une solution dans le cadre d’ACP aux problèmes auxquels font face les opérateurs des deux pays.

Les promesses du ministère du Commerce

Le même espoir est entretenu à ce titre par Saïd Djellab, directeur des accords commerciaux et de la coopération au niveau ministère algérien du Commerce, pour qui “il existe un engagement pour faciliter toutes les opérations commerciales entre l’Algérie et la Tunisie”. M. Djellab a précisé que deux points focaux sont déjà inscrits à l’ordre du jour de la réunion interministérielle de septembre prochain, à savoir, dit-il, le renforcement du commerce entre les deux pays et l’application effective du principe de réciprocité. En attendant, le responsable du ministère assure que les problèmes rencontrés par l’opérateur seront réglés dans “l’immédiat”.

Pour ce qui est du problème des taxes imposées en Tunisie sur les produits d’imploration, M. Djellab les assimile au droit de douane. Un volet, promet-il, qui devrait être pris en charge et réglé définitivement à l’occasion de la rencontre de septembre prévue avec la partie tunisienne. A en croire M. Djellab, tous les obstacles seront levés à l’occasion de ce rendez-vous désormais très attendu. M. Djellab insiste entre autres sur la nécessité d’aller vers un accord de reconnaissance mutuelle (ARM), ce qui permettra de mettre fin au problème de classification des produits algériens exportés vers la Tunisie et vice versa.

Les promesses tenues par les responsables des ministères du Commerce tunisien et algérien suffiront-elles pour encourager l’entreprise à maintenir ses exportations vers ce pays voisin ?

F. A