L’académie des Césars portera-t-elle la burka?

L’académie des Césars portera-t-elle la burka?

«Celui qui ne porte sa moralité que comme son meilleur vêtement, ferait mieux d’être nu.»

Khalil Gibran « Extrait de Le Prophète; De la religion »

Tahar Rahim, l’espoir d’origine algérienne du cinéma français, est dans tous ses états. Sa nomination aux Césars du cinéma français pour le meilleur rôle et meilleur espoir masculin du cinéma français intervient en plein débat sur la burka, sur l’identité française et sur une lutte contre le salafisme islamiste.

Un facteur important dans le choix des jurys qui vérifient aussi bien la compétence de l’artiste que sa vision politique. Rappelons que Tahar Rahim avait joué un rôle important dans le film d’Audiard, Le Prophète, l’une des plus importantes révélations du cinéma français en 2009.

Une interprétation parfaite et audacieuse pour un jeune comédien «beur» qui réalise le rêve de toute une génération. Mais son rôle est basé sur un scénario très bien fouiné, écrit par quatre auteurs talentueux: Jacques Audiard, (le réalisateur) Thomas Bidegain, Nicolas Peufaillit et surtout Abdel Raouf Dafri.

Ce dernier (qui est également d’origine algérienne) a apporté au scénario l’âme du Prophète. C’est lui qui a demandé d’incorporer une réincarnation du Prophète Mohamed (Qsssl) dans le scénario. Le reste des scénaristes ont inséré l’histoire des Corses, l’univers carcéral et le monde de la pègre parisienne.

Ainsi, le film Le Prophète s’inscrit dans une renaissance d’un jeune beur réincarné par la parole de Dieu et la dominance des islamistes dans les prisons françaises. Tahar Rahim a beau démentir toute relation entre son film et l’Islam, lors de son passage à Londres, mais rien n’y fit.

Abdel Raouf Dafri avait déjà donné un aperçu de la potion religieuse entre la France et les islamistes dans la série La Cité, que Canal+ n’a pas voulu reproduire, car le contexte politique du pays a changé. La «discrimination positive» inscrite lors de la récompense à deux reprises du Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche aux Césars pour ses deux films L’Esquive et La Graine et le mulet, n’est plus à l’ordre du jour.

Ce dernier est presque orphelin aujourd’hui, après le départ de son parrain, Claude Berri. La politique culturelle envers les beurs a changé avec l’arrivée de Besson et Hortefeux.

On a pu le constater l’année dernière avec la mise à l’écart des récompenses de Lyès Salem et son film au succès planétaire, Mascarades. Les Césars vont-ils offrir un César à Tahar Rahim et à Raouf Dafri pour son rôle d’islamiste présumé dans Le Prophète? C’est tout ce qu’on leur souhaite, car c’est une valeur sûre sur laquelle il faut compter à l’avenir et que ce qu’il faut retenir de son rôle, c’est la perfection du jeu et non l’incarnation du personnage. L’académie des Césars sait être aveugle dans des situations bien visibles.

Ainsi, certains thèmes ne sont pas toujours acceptés aux Césars comme la guerre d’Algérie (on se souviendra que les Césars ont exclu Benoît Magimel et Florent Siri des Césars pour leur participation dans Ennemi intime, qui dénonçait la torture des paras français lors de la guerre d’Algérie, ou encore le terrorisme ou l’islamisme religieux. Alors que dire d’un film qui glorifie le Prophète et qui offre une dernière image positive des islamistes de la banlieue. Le pari est difficile, mais pas perdu. On souhaite enfin que l’académie des Césars ne porte pas la burka politique et regardera plus le fond du jeu dès la forme de l’oeuvre présentée.

amirasoltane08@live.fr

Amira SOLTANE