La zone ou eut lieu un bain de sang inaccessible aux secours,Le président nigérian ordonne une enquête

La zone ou eut lieu un bain de sang inaccessible aux secours,Le président nigérian ordonne une enquête

Les violences ethniques se sont multipliées ces derniers mois au Nigeria

Goodluck Jonathan a ordonné l’ouverture d’une enquête après la mort de 187 personnes dans des affrontements entre armée et islamistes dans une ville du Nord, toujours bouclée hier quatre jours après le bain de sang.

Ces violences ont été condamnées par Washington qui a demandé au gouvernement nigérian «plus qu’une simple réponse sécuritaire» face à «l’extrémisme violent» de l’organisation islamiste Boko Haram, omniprésente dans cette région frontalière instable du Tchad et du Cameroun.

Dans un communiqué, le chef de l’Etat nigérian a «ordonné une enquête approfondie au sujet du bilan élevé de morts dans les affrontements (vendredi, ndlr) entre soldats et insurgés à Baga», un village de pêcheurs situé sur les rives du Lac Tchad.

La Croix-Rouge affirme que «187 morts ont été enterrés» et que «77 personnes sont hospitalisées» depuis le déchaînement de violences dans cette localité de l’Etat de Borno, berceau de l’insurrection meurtrière menée par Boko Haram dans le centre et le nord du pays.

Il s’agit du bilan le plus lourd en un jour, depuis le début en 2009 de cette insurrection. Auparavant, l’attaque la plus meurtrière de Boko Haram avait été menée en janvier 2012: au moins 185 personnes étaient mortes dans une série d’attaques coordonnées, à Kano, la plus grande ville du Nord, une région pauvre à majorité musulmane. Le coordinateur national de la Croix-Rouge, Umar Mariaga, a expliqué à que des membres de son organisation tentaient toujours, hier, d’entrer dans la localité de Baga, verrouillée par l’armée.

Selon l’organisation, 300 logements ont été détruits dans la ville en majeure partie ravagée par le feu, que les populations ont fui. «Baga est toujours placée sous état de siège militaire», a assuré un habitant requérant l’anonymat.

La petite ville «est toujours à l’arrêt, avec peu de nourriture et d’eau, ce qui incite à partir même ceux d’entre nous qui étaient restés», a-t-il dit. Dans un communiqué, le gouverneur de l’Etat de Borno, Kashim Shettima, a évoqué une «destruction barbare de vies et de biens».

Après s’être rendu sur place dimanche, il avait demandé un approvisionnement immédiat en nourriture et vêtements et des financements d’urgence pour reconstruire les habitations détruites. Baga est situé à 150 kilomètres de la ville nigériane de Maiduguri, longtemps considérée comme la base de Boko Haram. Depuis quatre ans, les attaques menées par le groupe dans le centre et le nord du Nigeria, et leur répression par l’armée, ont fait au moins 3000 morts.

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon s’est déclaré «choqué» par le bilan de ces combats. Il a également appelé «tous les groupes extrémistes à cesser leurs attaques», selon son porte-parole Martin Nesirky. Condamnant ces violents affrontements, les Etats-Unis ont mis en garde les autorités contre le seul recours à la force armée, selon le porte-parole du département d’Etat, Patrick Ventrell.

Si Washington soutient Abuja dans sa lutte contre Boko Haram, les autorités nigérianes doivent comprendre que «l’extrémisme violent nécessite plus qu’une simple réponse sécuritaire» et «répondre aux problèmes des communautés vulnérables», selon M.Ventrell. «Elles doivent le faire d’une façon pas forcément brutale, mais efficace et qui se concentre également sur les besoins économiques et politiques légitimes dans le nord», a-t-il estimé, tout en rappelant que Boko Haram exploitait cette situation pour recruter. Des habitants de Baga ont accusé les militaires d’avoir tiré sur des civils sans discernement. Ils ont également constaté que certains insurgés étaient équipés d’armes lourdes, en particulier des lance-roquettes anti-char. Selon de premières informations, les combats à Baga ont commencé quand des soldats ont encerclé une mosquée où des insurgés étaient cachés. Mais selon un habitant, les violences ont, en fait, éclaté quand des militants armés de Boko Haram ont voulu rentrer dans un centre où des habitants ont l’habitude de «regarder des matchs de football». Les islamistes auraient ensuite tiré sur la foule paniquée qui tentait de fuir, toujours selon le récit de cet habitant.

Des soldats qui se trouvaient à proximité sont intervenus avant de se replier, face à des insurgés lourdement armés. Ils sont ensuite revenus avec des moyens militaires renforcés.