La zone euro au bord de l’implosion : Quelles conséquences sur l’Algérie ?

La zone euro au bord de l’implosion : Quelles conséquences sur l’Algérie ?
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La zone euro connait une crise inégalée qui se répercutera certainement sur l’ensemble de l’économie mondiale. Le FMI vient de faire savoir en cette fin de juillet 2012, que la récession mondiale pointe en 2013.

L’Algérie mono exportatrice, ne saurait vivre dans une ile déserte. L’économie algérienne étant presque totalement extériorisée, la crise mondiale, structurelle de longue durée, en plus des tensions géostratégiques aura un impact d’où l’urgence d’une stratégie d’adaptation tant économique que diplomatique loin des schémas des années 1970 inadaptées à ces nouvelles situations. Et maintenant.

1 –Quelle est la situation de la crise financière mondiale ?

Les ondes de chocs de la crise d’octobre 2008 qui a commencé aux Etats Unis d’Amérique, pays qui connait un déficit budgétaire élevé rendu possible par la suprématie du dollar, monnaie internationale qui représente en 2011 plus de 60% des transactions mondiales contre environ 27% pour l’euro, ne sont pas encore terminées. Cette crise dès 2009 s’est propagée à l’Europe et à la majorité des pays de la planète du fait que nous sommes à l’ère de la mondialisation étant en interdépendance des économies contrairement à la crise de 1929. La raison c’est que les différents gouvernants ont réalisé des replâtrages, ne s’étant pas attaqué aux fondamentaux de la crise, comme j’ai eu à le souligner entre 2008/2009 dans maintes contributions, à savoir la dominance de la sphère financière spéculative sur la sphère réelle, la dominance des profits spéculatifs aux dépends des salaires qui connaissent une régression dans le produit intérieur brut. Ainsi, alors que le scandale des produits dérivés types CDS (Credit default Swap) à l’origine de la crise des Subprimes de 2007-2008 est loin d’avoir fini de produire les effets négatifs voilà un nouveau scandale financier mondial pire que le précédent. La fraude est mondiale et massive: en effet, une multitude de produits financiers dépendent directement de ces taux Libor et Euribor. Y compris des crédits accordés aux particuliers et aux entreprises. Swaps, CDS et autres produits dérivés complexes: les estimations varient, mais, en tout, ce sont entre 360.000 et 600.000 milliards de dollars qui sont échangés chaque année sur la base de ces taux, soit de 5 à 10 fois le PIB mondial annuel. Ainsi pour l’instant sont concernés les groupes suivants : Barclays, Royal Bank of Scotland (RBS) de la city de Londres, Citigroup et JPMorgan Chase aux USA, UBS pour la Suisse, Deutsche Bank en Allemagne et la Société générale côté français. Pour le Financial Times, l’économie reposant avant tout sur la confiance dont le système bancaire doit être le garant, de telles manipulations sont une «trahison» aux conséquences potentiellement systémiques. Selon l’AFP en date du 13 juillet 2012 les suites de l’affaire des manipulations du Libor, pourraient coûter à onze banques – dont Barclays – environ 12 milliards d’euros, selon une étude publiée par la banque américaine Morgan Stanley. L’étude ne retient que 11 des 18 établissements qui participent à l’élaboration du Libor en dollars, sans en expliquer la raison.

Pourtant, les rapports des régulateurs révèlent que les taux ont été manipulés selon les intérêts de la banque, à la hausse comme à la baisse. Autrement dit, la fraude a permis à certains établissements, parfois renfloués par les États -donc les contribuables- de générer plus de profits. Par ailleurs, le taux Libor et Euribor étant fixés quotidiennement selon la moyenne des taux proposés par un panel de banques (16 pour le Libor, 43 pour l’Euribor), pour pouvoir les manipuler, à la hausse comme à la baisse, les banques doivent se concerter. Certains experts financiers en déduisent que la manipulation s’est à un premier niveau faite au niveau des traders, avec la complicité de leurs dirigeants et certaines banques centrales montrant que les superviseurs n’ont pas jouté leur rôle.

Certes le système bancaire est nécessaire, semblable au sang dans le corps humain, mais il doit être au service exclusif de l’économie et non la dominer. Les banques doivent jouer le rôle presque de service public et leur encadrement dans un cadre concurrentiel mondial devient urgent renvoyant au rôle stratégique de l’Etat régulateur et la symbiose des rôles complémentaires et non antinomiques entre l’Etat le marché. La richesse de toute nation est conditionnée par le travail utile, l’innovation continue y compris les services collectifs marchands qui accroissent de plus en plus la productivité en ce XXIème siècle. Aussi, le pire est à craindre dans les années à venir si l’on ne met pas en place une nouvelle régulation mondiale s’adaptant à ces situations synchronisant la sphère réelle et la sphère financière , la dynamique sociale et la dynamique économique renvoyant à la refonte du système économique et politique international. Pour preuve le scandale actuel d’une extrême gravité de la manipulation du libor où les taux d’ échange interbancaire a été plafonné par les banques centrales à un taux relativement bas pour relancer l’économie fin 2008 , mais entre temps malgré une reprise timide, les banques ont profité de cette situation, pour rehausser le taux de leurs clients réalisant des centaines de milliards de profits non justifiées. Par ailleurs sur un PIB mondial, selon les données du FMI pour 2011 de 71.000 milliards de dollars la population mondiale étant d’environ 7 milliards d’âmes, l’Europe à ejnviron17500 milliards de dollars pour 500 millions d’habitants et les USA 15500 milliards pour une population de 380 millions d’habitants soit une concentration Europe/USA de 45% du PIB mondial pour une population ne dépassant pas le milliards d’habitants alors que la Chine qui n’a que 5500 milliards de PIB dépasse 1,3 milliard d’habitants et tous les du Maghreb seulement 400 milliards de PIB pour une population de 90 millions d’habitants. Paradoxalement l’on est passé d’une crise des banques que les Etats ont aidées, à une crise d’endettement des Etats. La dette souveraine USA/Europe représente plus de 40% de l’endettement global et donc que toute crise de ces deux zones qui ont les plus riches du monde impacte toute l’économie mondiale, dont la Chine le premier marché d’exportation est l’Europe et le second les USA . Ainsi une très grave crise européenne comme en témoigne la dégradation en ce mois de juillet 2012 de la note de l’Allemagne, première puissance e économique européenne, le taux de chômage élevé de l’Espagne qui vient de dépasser 24% de la population active. Si la crise devait toucher de plein fouet , l’Espagne, l’Italie la Grèce étant un épiphénomène avec moins de 400 milliards de dollars de PIB , c’est toute la zone euro qui risque de s’écrouler avec des incidences mondiales car l’Europe, quoi qu’en dise, est la première puissance économique mondiale et, concernant l’Algérie le principal marché algérien importation et exportation.

2- Quelles incidences sur l’Algérie ?

Les incidences sont à un triple niveau : recettes des hydrocarbures, réduction de la dépense publique et le rendement des réserves de change placées à l’étranger.

Premièrement l’Algérie est une économie totalement rentière, exportant 98% d’hydrocarbures à l’état brut et semi brut et important 70/75% de ses besoins ménages et entreprises dont le taux d’intégration privé/public ne dépasse pas 10/15%. Or la demande d’hydrocarbures est fonction de la croissance de l’économie mondiale. Les expériences algériennes de 1986-2000/ 2008 ont montré une chute importantes des recettes de Sonatrach ont eu des incidences sociales, voire politiques. Mais ce qui est le plus inquiétant ce n’est pas le pétrole mais le gaz, plus de 40% des recettes de Sonatrach, l’Algérie étant principalement un pays gazier bien que les réserves limitées ( 2,5% des réserves mondiales mais avec des couts et une consommation intérieure croissants) . Aussitôt les contrat à terme terminées entre 2013/2014, si la crise persiste, les principaux fournisseurs de l’Algérie tenant compte également de nombreux concurrents, surtout le géant russe Gazprom avec les canalisations de North et South Stream ,(plus de 100 milliards de mètres cubes gazeux vers l’Europe) de l’entrée du gaz conventionnel , les USA devant devenant exportateur net horizon 2018/2020, les principaux fournisseurs de l’Algérie selon mes informations demanderont une révision à la baisse du prix de cession. Certes la crise actuelle européenne qui a vu une baisse de la l valeur l’euro vis-à-vis du dollar est une des raisons principales de la basse saisonnière de la facture d’importation dont 60% des importations algériennes se font en euros, mais cette baisse risque de se trouver contrebalancée à terme avec le retour à l’inflation. En fait l’économie algérienne totalement extériorisée , gérée surtout par des facteurs extérieurs, cours des hydrocarbures , fluctuations des monnaies clefs est vulnérable à toute crise mondiale posant la problématique urgente de la transition d’une économie de rente à une économie productive, posant l’urgence d’une réorientation de la politique socio économique actuelle qui a atteint ses limites, donc d’une autre gouvernance mais dont le couple cout compétitif/qualité pose la problématique en cette ère des grands espaces de l’intégration du Maghreb pont entre l’Europe et l’Afrique.

Le deuxième facteur est que la crise induira une réduction de la dépense publique avec des risques de tensions sociales à venir .Comme souligné précédemment Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach ayant engrangé entre 2000 – et juin 2012 environ 560 milliards de dollars et allant vers 600 milliards de dollars fin 2012. Le modèle mis en place depuis l’indépendance politique trouve ses limites assis essentiellement sur la bureaucratie et le secteur d’Etat qu’il s’agit ici de ne pas de diaboliser mais le rendre plus performent dans un cadre concurrentiel, car ayant à sa direction souvent de brillants managers, mais soumis aux directives bureaucratiques. Et avec cette dominance de la sphère informelle, produit du système bureaucratique, qui selon les dernières statistiques officielles de 2012 occupe plus de 50% de la population active algérienne, contrôlant avec des structures monopolistiques 40% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments des produits de premières nécessités existant des liens dialectiques entre la logique rentière mue par l’importation et cette sphère. Cette politique a donc favorisé les rentes spéculatives et des replâtrages sans s’attaquer à l’essence du blocage systémique. Pour preuve, entre 1971 et 2011 plus de 50 milliards de dollars ont été consacrés à l’assainissement des entreprises publiques dont plus de 70% sont revenues à la case de départ montrant que ce n’est pas seulement une question de capital argent mais des limites du fonctionnement du système actuel. Actuellement, depuis surtout le printemps arabe, le gouvernement algérien verse des salaires sans contreparties productives, sans compter, se livre paradoxalement à des dépense somptueuses, pour calmer le front social. Mais cela ne peut pas durer quitte à aller vers un suicide collectif et à une implosion sociale différée. La dépense publique a été de 7 milliards de dollars entre 2001-2003, puis l’enveloppe prévue a été de 200 milliards de dollars entre 2004 – 2009, et le nouveau programme de 2010-2014 prévoit 286 milliards de dollars mais dont 130 milliards pour des restes à réaliser des projets non terminés entre 2004-2009 montrant d’importantes réévaluations. Mais le fait important malgré ces dépenses colossales le taux de croissance moyen entre 2004-2011 est de 3% (le taux d’emploi étant fonction du taux de croissance réel et non fictif) montrant une disproportion entre ces dépenses et les impacts économiques ce qui se répercute sur la situation sociale qui deviendrait explosive en cas d’une chute brutale des cours des hydrocarbures. Le gouverneur de la Banque d’Algérie vient de tirer la sonnette d’alarme affirmant que l’on ne peut continuer à fonctionner sur la base d’un cours du baril de pétrole de 110-120 dollars (plus précisément 70 pour le budget de fonctionnement et 40-50 pour le budget d’équipement) quitte à épuiser le fonds de régulation des recettes au bout de trois à quatre années en cas d’un fléchissement des cours inférieur à 80 dollars le baril.

Le troisième impact pose la problématique du rendement de nos réserves de change à l’étranger. Les réserves de change au 1er juillet 2012 sont d’environ 190 milliards de dollars et selon le dernier rapport du FMI allant vers 200 milliards de dollars fin 2012. Puisque selon le rapport du gouverneur de la Banque d’Algérie les intérêts des placements à l’étranger ont été de 4,7 milliards de dollars à un taux d’intérêt fixe de 3%, pour 2011, il en résulte que plus de 83% des réserves de change sont placées à l’étranger en grande partie en bons de trésor américain et en obligation européennes. Le niveau de la dette a été largement épongé par les remboursements anticipés ramenant le principal de la dette à un montant inférieur à 4 milliards de dollars. La réduction artificielle tant de la dette extérieure qu’intérieure l’a été non par le travail et la bonne gouvernance mais grâce aux hydrocarbures fonction des aléas de l’extérieur. Le problème qui se pose est au nombre de trois. Premièrement avec un taux d’inflation mondial de 3% quel est le rendement de ces réserves de change et ne les place t- on pas à un taux négatif ? Pourra t- on, récupérer rapidement ces montants, même si elles sont garantis par les Etats, 3% étant un placement à moyen terme, en cas de très grave crise d’endettement sachant qu’environ 45% des réserves sont placées en obligation européennes et 45% en bons de trésor américain. Mais où : en Grèce, Espagne, Portugal, Italie, France, Allemagne ? Troisièmement, en cas de très grave crise politique en Algérie ces réserves ne risquent-elles d’être gelées comme cela a été le cas pour les avoirs libyens, tunisiens….etc?

En bref, sans une nouvelle régulation mondiale comme le montre les récents scandales financiers du LIBOR, avec la suprématie de la sphère réelle sur la sphère financière, liant dynamique économique et sociale afin d’éviter une concentration excessive du revenu tant local que mondial au profit des rentes spéculatives, , intégrer le nouveau défi écologique, concilier les intérêts du Nord et du Sud par une plus grande moralité dans la gestion de la Cité mondiale, le monde risque une crise pire que celle de 1929. Et comme conséquences selon la dialectique – crise économique, entraine une crise sociale, une crise politique et une possibilité des guerres.

Dr. Abderrahmane MEBTOUL