La Volonté politique ou la Banqueroute ?

La Volonté politique  ou la Banqueroute ?
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Le Conseil des ministres restreint qui devait définir une stratégie économique pour le pays, afin d’éviter qu’il ne sombre dans une vulnérabilité macroéconomique. Celui-ci, nous a malencontreusement conduits à un exercice empreint de vœux pieu, sans aucune action concrète. Pour faire face à cela, le Premier Ministre a adressé des directives, qui malheureusement restent fondamentalement dans la même lignée. En effet,  hormis le gel des recrutements qui est une mesure précise mais mal pensée, le reste des mesures sont des grandes lignes sans définition précise du scoop et encore moins des économies envisagées. Pourtant, nous devrons éviter de dégrader les équilibres financiers du pays. La nécessité de prendre des mesures courageuses, salutaires empreintes de justice pour une majorité d’Algériens devient une urgence absolue.

Durant les dix dernières années, nous avons dépensés sans compter environs 800 milliards de dollars sans pour autant réussir à devenir un Pays émergent. En effet, nous sommes seulement la 49émé puissance économique mondiale et la 89éme en matière de PNB par habitant. Ce qu’il y a de pire dans tout ça, c’est que notre dépendance à l’hydrocarbure a progressée. Notre performance économique est due en quasi-totalité à la manne pétrolière qui assure 97 % des recettes d’exportations, 30% du PIB et 70% des recettes budgétaires de l’État. En parallèle, un pays comme la Pologne a réussi à diversifier son économie, durant la même période en bénéficiant d’un plan d’aide européen dix fois moins important que les sommes dévorées par l’Algérie. Aujourd’hui, elle est la 23éme puissance économique mondiale et la 51éme en matière de PNB par habitant (deux fois et demi supérieur à l’Algérie).

L’avenir de l’Algérie s’assombrie. Les cours du baril baissent et le plus inquiétant encore est que la production d’hydrocarbures s’est contractée d’environs 15%  en moins de 8 ans. Si nous combinons à cela une industrie faible (5% du PIB) qui est incapable de produire pour satisfaire ses besoins les plus élémentaires, une démographie croissante qui risquerait d’atteindre 46,5 millions d’habitants en 2025, une augmentation des cours des produits alimentaires à l’avenir avec la progression de la démographie mondiale et à l’augmentation des retraités (16% actuellement contre 26% en 2030),le pays risquerait vite de se retrouver devant une situation insoutenable d’ici moins de 5 ans.

Nous nous dirigeons vers une banqueroute, qui risquerait d’être plus dure que celle de la fin des années 80.Mais contrairement à cette période, celle-ci menace d’être plus difficile à surmonter. Car,à l’époque le pays disposait encore de 50 ans de réserves. Les hydrocarbures non conventionnels (pétrole et Gaz de schiste), dans des pays comme les Etats-Unis et la Chine n’étaient pas exploités. En 2000 le retournement des cours a été salvateur, mais cette fois-ci nous ne pourrons plus exporter de pétrole à horizon 10 ans. Avec le rythme effréné des dépenses publiques, il est fort probable que, d’ici moins de 5 ans nous risquerons de nous retrouver face à une situation d’endettement et de tarissement des réserves de changes.

LG Algérie

Nous devrons probablement faire face à une contraction du PIB; car la croissance artificielle des dernières années a été tirée par les investissements colossaux du secteur public (20% du PIB depuis une décennie).

Certes, nous avons potentiellement le gaz de schiste et des minerais, qui pourraient atténuer ce scénario catastrophe. Mais aujourd’hui, nous sommes incertains d’avoir des capacités gazières en non conventionnels suffisamment exploitables et surtout rentables. En effet, il est difficile de rentabiliser les investissements colossaux que demande cette extraction selon le CEO ExxonMobil.En d’autres termes nos uniques échappatoires sont: la diversification des ressources, l’amélioration du climat des affaires et la réforme de l’Etat.

Heureusement face à ce scénario, nous avons encore des atouts pour sauver le pays. En effet, l’Algérie dispose de sérieux atouts pour faire face à la crise : 1280 km de côtes quasi vierges abritant des plages d’une diversité édifiante allant du sable fin sur plusieurs km aux petites criques accessibles seulement par mer, des montagnes (Kabylie, Atlas tellien et Atlas saharien), un désert réputé pour être le plus beau au monde, 7 sites inscrits au patrimoine de l’UNESCO, une faune et une flore très variées, des températures propices, une proximité géographique et culturelle avec le sud de l’Europe. Il ne faut pas oublier une agriculture qui a montré dans le passé qu’elle été le grenier de l’Europe. Un positionnement géostratégique qui relie l’Europe et l’Afrique. La maitrise de la langue arabe et française qui peut représenter  à eux seuls un marché de 1,2 milliards d’habitants, selon une étude de Natexis et aussi des salaires d’ingénieurs au moins cinq fois moins chers que dans des pays comme la France ou les Etats-Unis.

Fondamentalement, nos seules réelles faiblesses sont surtout internes. A aujourd’hui, nous avons été dans l’incapacité de profiter de ses atouts, préférant souvent la facilité à l’effort ; l’importation à la production ; la médiocrité plutôt que le savoir, l’immobilisme au lieu du travail, l’informel au formel.

Il faut donc sortir de tous cela grâce des mesures concrètes. A commencer par l’informel qui est estimé à 50 % du PIB, soit environ 100 Mds$ et qui représente 3,9 millions emplois selon l’ONS. C’est donc des dizaines de milliards $ en moins dans les caisses de l’Etat, qui pourrait générer des ressources fiscales et sociales nouvelles. Pour réussir cela il faut: généraliser la facturation à l’ensemble des secteurs (ce qui toujours pas le cas aujourd’hui), réduire les seuils de paiement en espèce à 100 000dzd au lieu des 1 000 000 dzd prévu en 2015, mettre en place le marché de gros qui sont peu développés , structurer la distribution, supprimer le nouveau seuil de l’impôt forfaitaire unique qui favorise la fraude, etc…

Nous devons commencer aussi à mieux détecter la fraude en améliorant le taux de recouvrement qui est officiellement de 25%. La pression fiscale est souvent sur les même personnes pendant que d’autres ne payent pas ou peu d’impôt grâce à la corruption de certain fonctionnaire. Pour améliorer la situation, nous pouvons d’une part réduire les délais de litiges effectifs à 6 mois, car dans la pratique ceux-ci peuvent prendre plusieurs années. Et d’autre part, introduire la saisie conservatoire pour éviter l’organisation de l’insolvabilité. En complément, nous devons mieux benchmarker les contrôleurs fiscaux qui dégrèvent plus que la moyenne. Ce benchmark permettra d’identifier les personnes corrompues ou incompétents dans l’exercice de leurs fonctions.

Nous devons faire contribuer les importateurs qui ont souvent profités des mécanismes de subventions de façon directe ou indirecte sans pour autant créer beaucoup d’emploi. Pour cela, nous devons mettre en place un mécanisme favorisant la production nationale pour compenser la mise en place d’un taux d’IBS unique. Cette compensation pourrait prendre la forme d’une taxe sur les produits importés destinés à la revente en état. Cette taxe serait prélevée lors des transferts de devises et pourrait financer des projets de développement à destination des PMI/PME. De plus, l’avantage de ce mécanisme c’est qu’il permet de rendre le produit national plus compétitif sans rentrer en désaccord avec les accords internationaux.

La baisse des dépenses est inéluctable. Pour faire face à  la baisse des cours et le besoin de financement de la diversification; la réduction des orientations budgétaires expansionnistes actuelles doit se faire d’abord par la réduction des transferts sociaux généralisée qui favorise la contrebande, l’importation et surtout ne bénéfice qu’à très peu d’Algériens. Comme je l’ai déjà souligné auparavant dans la presse, nous avons un Algérien sur trois(selon les ONG) qui vit en dessous du seuil de pauvreté, en dépensant 60 milliards $ par an !!!!.  C’est édifiant. Il faut donc sortir de ce système en ciblant cette aide vers les démunies, pour cela nous devrons introduire des mécanismes qui ont fait leurs preuves, comme le tarif sociale de l’énergie ou un système d’allocation familiale de la sorte, nous pourrons donner du pouvoir d’achat en réalisant des économies. Si le système de subventions actuelles fonctionnait,  comment expliquer autant de pauvreté ?

Il faut aussi, revoir la masse salariale qui représente 24 % des dépenses et 11% du PIB. Celle-ci est en progression de 1,6 Mds$(+6,5%) liée essentiellement à l’augmentation de salaires et à la création de nouveaux postes. Pour la réduire,  nous avons proposés de geler les recrutements chose qui a été repris par le Premier Ministre. Mais geler ne veut pas insinuer stopper les recrutements de façon hâtive. L’idéal aurait été de baliser les secteurs où le recrutement reste une nécessité, soit une priorité tel que le secteur de l’éducation, la justice et la santé. En contrepartie, stopper le recrutement et ne pas remplacer les fonctionnaires partis en retraites dans des institutions en sureffectif. De plus, nous avons aussi préconisés des mesures de justice sociale en compensation des gels des recrutements, et ceci pour ne pas faire peser l’effort sur une seule catégorie de personne. Pour cela il faut: réduire le train de vie de l’Etat, diminuer substantielles salaires et avantages des ministres et ministres délégués, des président et vice-président des entreprises d’Etat ou des députes. Ainsi, que mettre à la retraite les fonctionnaires âgés de plus de 60 ans pour permettre à notre jeunesse de prouver sa compétence. Malheureusement, ces points là n’ont pas été repris.

De plus, nous avons évoqués aussi la possibilité pour l’Etat de transférer des activités non stratégiques et  non rentables du secteur public vers le secteur privé. Cela permettra, non seulement d’apporter des recettes nouvelles, mais surtout de baisser le déficit du trésor. Il est aussi primordial de fusionner des agences qui font doublant et de revoir l’approche budgétaire de l’Etat, qui consiste à pousser le gestionnaire public à épuiser la totalité des ressources allouées, sous peine de ne pas les voir reconduites. Cette approche est source de gaspillage des deniers publics.

Pour finir, nous avons demandés de revoir les dépenses d’équipements qui sont à hauteur de 50 Mds$ ceux-ci ont progressés de 12 Mds$ par rapport à la LF de 2014. En les baissant sensiblement ou en les décalant dans le temps ou encore en revoyant leurs dimensionnements. Ceux-ci pour l’ensemble des projets les moins prioritaires quelque soit l’institution. Cette action doit être menée de façon précise en listant les projets et les gains attendus. Or la directive de M. Sellal reste vague et laisse à chaque gestionnaire de décider selon ses propres critères.  L’action publique doit être cohérente et surtout répondre à une stratégie d’ensemble qui devra répondre à notre besoin de diversification.

D’ailleurs sur ce point, nous avons demandés par le passé de revoir les secteurs prioritaires que nous devons développer pour sortir d’une économie rentière et créer de l’emploi pour la génération actuelle et future en développant des secteurs comme: les énergies vertes et les mines, l’agriculture, l’agroalimentaire, la distribution, le tourisme, l’industrie pharmaceutique, les TIC, le recyclage et sans oublier les services (transport, banque, assurance, etc.). Aujourd’hui, la directive n’a repris que quelques secteurs en laissent de coté des secteurs importants tel que l’agroalimentaire, la distribution. A titre d’exemple des pays comme le brésil tire 40% de leurs devises de l’exportation agroalimentaire et la grande distribution à permit au Maroc de baisser l’informel.

Nous avons exprimés la nécessité de déployer des politiques permettant de répondre aux défis majeurs qu’impliquent la diversification économique comme : l’amélioration du climat des affaires, la protection des industries existantes, le recul des pratiques bureaucratiques, le recul de la corruption, l’adéquation des ressources humaines aux besoins de l’entreprise, la modernisation du cadre juridique et social ainsi que la mise en œuvre d’infrastructure qui œuvre à cet objectif.

Malheureusement rien de cela n’a été pris en compte, nous restons toujours dans un immobilisme et des paroles souvent rassurantes, Winston Churchill disait : « Pour un responsable politique, il n’y a pas pire erreur que d’entretenir de faux espoirs, destinés à être balayés par les événements ». M. les politiques vous devez comprendre une chose soit vous faites preuve d’une volonté politique en réformant dans la bonne direction le pays, soit l’Algérie ira tout droit vers Banqueroute.

Yassine BENADDA

Économiste