Mais où est-elle donc la voix de l’Algérie ? Où est-elle la voix de cette Algérie du président Bouteflika, cette Algérie qui serait revenue dans le concert des nations ? Elle est où cette voix de la diplomatie algérienne? Nulle part.
Dans ce bourbier sanglant qui risque d’emporter le tyran Kadhafi – qui le regretterait ?- ; dans ce déchainement de violences qui a déjà fait plus de 6000 morts en Libye ; dans ballet diplomatique international qui se met en branle pour chasser le despote de Tripoli et pour venir en aide à son peuple, on a rarement entendu la voix de l’Algérie. Ou si peu.
Bien sûr, on a entendu notre ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, expliquer que l’Algérie n’est pas la Libye. On a aussi lu ce communiqué de notre ministère des Affaires étrangères démentir les accusations de collusion avec le régime libyen.
On a encore entendu le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, donner son avis, ici et là, sur la situation en Libye. Lui aussi explique doctement, comme son collègue de l’Intérieur, que l’Algérie n’est pas la Libye, que notre pays est épargné par les soubresauts révolutionnaire que vivent actuellement les Libyens.
C’est bien. Le rôle de la diplomatie algérienne se suffit donc à deux ou trois déclarations de deux ministres du gouvernement. Sans plus?
Mais dans cette guerre contre les civils qui se déroule aux portes de l’Algérie, dans ce déchainement de violences qui s’abat aux frontières de notre voisin, la voix de l’Algérie officielle s’est, à vrai dire, tue. Elle s’est éffacée.
Alors que l’Europe, les Etats-Unis et l’ONU s’activent pour tenter d’en finir avec la dictature de Kadhafi, alors que la communauté internationale se mobilise pour venir en aide au peuple libyen, l’Algérie officielle se suffit d’une posture de spectatrice.
Même le président vénézuélien Hugo Chavez, certes ami de Kadhafi, mais pourtant installé à dix mille bornes de Tripoli, propose ses offices. Chavez se propose comme médiateur. Pas le président Bouteflika.
Bouteflika, lui, fait l’autruche. Il ne parle pas. Il ne propose rien. Il ne dit rien. L’Algérie de Bouteflika n’a plus son mot à dire dans cette guerre, et s’en est une, qui se déroule aux frontières de l’Algérie.
Cette guerre qui ensanglante un pays du Maghreb, un pays qui fait officiellement partie de l’UMA, l’Union du Maghreb arabe, laisse indifférent le président
Même quand le colonel Kadhafi prétend que les « terroristes d’Al Qaïda » qui mettent son pays à feu et à sang sont entrainés en Algérie, cela ne provoque aucune réaction de la part des autorités algériennes !
Mais où est donc la parole de cette Algérie qui a retrouvé sa voix dans le concert des nations ?
C’est que l’Algérie de Bouteflika a déserté le camp de la diplomatie internationale, si tant qu’elle l’ait occupée au cours de la dernière décennie.
Il fut un temps où l’Algérie s’imposait comme un acteur indispensable, sinon essentiel, dans le règlement des conflits qui touchent les pays du monde arabe ou musulman. Et c’est bien ce rôle majeur qui est aujourd’hui perdu.
En 1975, c’était à Alger, sous le patronage de Boumediene, que fut scellée la réconciliation entre l’Irak de Saddam Hussein et l’Iran du Shah.
C’est bien aussi l’Algérie qui a joué un rôle crucial dans la crise des otages américains détenus par Téhéran, libérés le 20 janvier 1981, grâce aux bons offices de la diplomatie algérienne.
Une mission qui a couté la vie à notre ministre des Affaires étrangères, Mohamed Seddik Benyahia ainsi qu’à d’autres diplomates algériens.
Lors de la première guerre du Golfe en 1990, la diplomatie algérienne, sous la présidence de Chadli Bendjedid, avait également joué un rôle important dans la tentative de la communauté internationale de ramener à la raison le despote de Baghdad.
On se souvient que des émissaires américains s’étaient rendus à Alger pour demander aux autorités algériennes de jouer les bons offices.
Le ministre algérien des Affaires étrangères, Sid Ahmed Ghozali, nommé quelques mois plus tard Chef du gouvernement, s’était déplacé à Baghdad, à la tête d’une importante délégation de diplomates algériens, pour conjurer Saddam d’accepter une solution du conflit négociée sous l’égide de l’ONU. Solution dont l’Algérie s’était portée garante.
C’est ce rôle reconnu, apprécié, recherché et loué, que la diplomatie algérienne a perdu aujourd’hui.
Bien sûr, diraient certains, l’Algérie de 2011, l’Algérie de Bouteflika, n’est pas celle de Boumediene, ni celle de Chadli.
Mais on croyait que sous le règne de Bouteflika, l’Algérie a retrouvé son prestige, son aura internationale…
C’en était tellement vrai que Bouteflika a été proposé au Prix Nobel de la Paix. N’est-ce pas ?!
En réalité, rien n’est moins vrai.
L’idée que l’on se fait de cette Algérie qui a retrouvé son aura sur le plan international, l’image que l’on accrédite auprès de l’opinion que cette Algérie est redevenue, comme dans les années 1970 de Boumediene, un pays qui compte, tout cela relève d’une supercherie. D’une imposture.
Cette supercherie reposait, elle repose encore hélas, sur le postulat que Bouteflika, cet ancien ministre des Affaires étrangères sous Boumediene, était et reste encore cet homme idoine, cet homme providentiel qui allait redorer le blason de la diplomatie algérienne.
Hélas, cette supercherie s’est fracassée aujourd’hui, une fois de plus, sur la réalité du terrain.
Que pèse aujourd’hui la voix de l’Algérie au Maghreb ? En Afrique ? Au Moyen Orient ? Si peu, pour ne pas dire, rien.
Qui sollicite aujourd’hui la diplomatie algérienne dans les affaires qui touchent la Tunisie, l’Egypte, la Libye, pour ne citer que ces pays ? Personne.
La voix de l’Algérie s’est éteinte comme la parole de son président Bouteflika.