«Il n’y a pas de négociation possible avec des terroristes et des narcotrafiquants»
L’Algérie engrange d’autres points. L’insistance sur la recherche d’une solution politique fait des adeptes.
«Pendant la préparation du déploiement militaire au Mali contre les groupes armés, le dialogue avec certains d’entre eux allait se poursuivre.» C’est le responsable de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, qui résume ainsi la situation au Sahel qui préoccupe Occidentaux et Africains. A commencer par les pays frontaliers du Mali comme l’Algérie qui déploient toute leur énergie pour parvenir à trouver une solution et relever ce défi. C’est Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires africaines et maghrébines, qui s’y attelle actuellement tout en étant épaulé dans sa mission par l’appareil diplomatique et militaire du pays.
Ce dernier fait tout pour éviter une réédition du scénario libyen qui a connu une intervention des forces étrangères. C’est à une course effrénée que se livre la communauté internationale pour parvenir à l’instauration d’un dialogue entre le gouvernement malien et les parties au conflit, qui s’engage. L’appel de l’Algérie a l’air de convaincre le gouvernement malien bien qu’il a toujours soutenu qu’il a assez négocié depuis que la crise a éclaté en mars dernier. Pour autant, les diplomates algériens ne perdent pas espoir de rallier à leur proposition leurs amis du Sahel et pourquoi pas les Occidentaux. L’Algérie demeure ferme sur les principes car pour elle «l’intégrité territoriale du Mali n’est pas négociable», a dit Messahel à l’issue de son entretien mardi avec le président nigérien Mahamadou Issoufou. Mesahel ne se contente pas de marteler ce discours d’unité territoriale. Il tend aussi à rassurer les Maliens. Il reste convaincu que les solutions politiques sont à encourager en vue des négociations même si «pour le crime organisé et le terrorisme qui est la menace pour nos pays», il affirme toutefois qu’il n’y a pas de place pour le dialogue. Lorsqu’il s’est exprimé lundi dernier après un entretien avec Cheikh Modibo Diarra, Premier ministre du Mali, Messahel a dit ceci: «Notre devoir en tant que pays voisin, c’est d’éradiquer par tous les moyens cette menace, y compris par la force. Cette position de l’Algérie n’est pas nouvelle. Il n’y a pas de négociation possible avec des terroristes et des narcotrafiquants.»
Messahel engrange d’autres points. L’insistance sur la recherche d’une solution politique fait des adeptes. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a souligné mardi que toute intervention militaire africaine au Mali nécessitait au préalable des négociations politiques, suggérant ainsi qu’une opération ouest-africaine n’était pas pour demain. C’est une stratégie régionale intégrée que cherche l’ONU. En tout cas, Romano Prodi n’ira peut-être pas vite en besogne en entérinant le plan des va-t-en guerre. L’envoyé spécial des Nations unies pour le Sahel aura à proposer une autre solution dans un contexte de décantation comme on l’a vu avec le renoncement de l’Azawad à l’indépendance.
La France semble aussi de cet avis étant donné que le porte-parole du Quai d’Orsay, Philippe Lalliot n’exclut pas «une disposition (onusienne) qui est un appel au dialogue politique» tout en gardant le doigt sur la gâchette. C’est ce message qu’a transmis hier François Hollande, le président français, à Mariano Rajoy, président du
gouvernement espagnol. La crise malienne est au programme d’autres réunions de chefs d’Etat et de gouvernement.
Le Premier ministre canadien Stephen Harper s’est rendu hier à Dakar pour évoquer avec son homologue Macky Sall, la crise au Sahel et la sécurité au Mali. Ce dernier veut recouvrer sa souveraineté au Nord et voit d’un bon oeil le fait que le Canada ne partage pas le point de vue de son voisin du Sud prêt à envoyer ses drones bombarder les positions d’Aqmi, de Ansar Eddine et du Mujao. Le porte-parole du département américain de la Défense, George Little, nuance cette position en annonçant que son pays n’envisageait pas d’opération militaire unilatérale et qu’il travaille en collaboration avec les pays de la région. Cela éloignerait un peu plus une résolution de l’ONU autorisant l’usage de la force. Mais est-ce suffisant pour infléchir la position américaine? Le secrétaire d’Etat adjoint chargé de l’Europe, Philip Gordon, se prépare à la guerre et promet un soutien militaire pour une intervention au Mali pour protéger les intérêts de son pays. Pour lui, l’attaque de Benghazi a rappelé que le terrorisme existe en Afrique du Nord en allusion à la mort le 11 septembre dernier de l’ambassadeur en Libye Chris Stevens.
Eradiquer le terrorisme fait certes l’objet d’un consensus international mais les divergences sont grandes sur les moyens d’y parvenir.