La visite du premier Ministre Abdelmalek SELLAL en Chine, permettra-t-elle un partenariat gagnant-gagnant ?

La visite du premier Ministre Abdelmalek SELLAL en Chine, permettra-t-elle un partenariat gagnant-gagnant ?

Le premier ministre Abdelmalek SELLAL effectuera une visite en Chine du 28 avril au 1er mai à la tête d’une délégation importante. Force est de constater que le niveau actuel des relations économiques entre l’Algérie et la Chine ne correspond pas réellement aux attentes et aux opportunités offertes dans les deux pays. Aussi, cette visite permettra t- elle de renforcer la coopération stratégique entre l’Algérie et la Chine, qui est devenu depuis 2014 la seconde puissance économique mondiale après les USA, objet de cette présente contribution.

1.-La Chine est l’une des plus anciennes civilisations, le troisième pays le plus grand du monde après la Russie et le Canada. La Chine avec une frontière terrestre de 22.117 km est située au centre de l’Asie et possède 14 pays voisins : le Vietnam, le Laos, la Birmanie, l’Inde, le Bhoutan, le Népal, le Pakistan, l’Afghanistan, le Tadjikistan, le Kirghizistan, le Kazakhstan, la Russie, la Mongolie, et la Corée du Nord. La Chine possède également des frontières maritimes avec la Corée du Sud, le Japon et les Philippines. La population est estimée en 2014 à 1,368 milliard d’habitants avec une densité de 143 hab/km² avec pourtant une faible croissance démographique de 0,5% selon la banque mondiale mais avec un accroissement du niveau de vie 75 ans et un très fort taux d’alphabétisation de 95%. La Chine compte huit agglomérations de plus de dix millions d’habitants, dont la capitale Pékin, Shanghai, Canton, Shenzhen et Chongging ainsi que plus de trente villes d’au moins deux millions d’habitants. Avec 9 641 144 km2 de superficie, elle s’étend des côtes de l’océan Pacifique au Pamir et aux Tian Shan et au désert de Gobi et aux confins de la péninsule indochinois. Dirigée par le Parti communiste depuis 1949, l’économie de la Chine était marquée par un très fort interventionnisme de l’Etat jusqu’aux années 1970, ce modèle économique dirigiste reposant des planifications dans de nombreux secteurs agricoles et industriels, ainsi qu’un relatif isolement sur la scène du commerce international. Depuis 1976, la Chine a développé un modèle fréquemment nommé « économie sociale de marché » qui combine un secteur public toujours omniprésent et un certain libéralisme économique avec une ouverture maîtrisée au secteur privé de son marché intérieur.-Mais depuis mars 2013, nous assistons à une nouvelle politique avec le renouvellement de l’équipe dirigeante, XI Jinping, ayant été nommé Secrétaire général du Parti et Président de la République avec de nouvelles orientations en matière économique, politique et militaire notamment la lutte contre la corruption. Le nouveau maître de la Chine, le président Xi Jinping, s’est attaqué selon sa propre expression aux « tigres » et aux « mouches » : les « tigres » qui sont les hauts responsables qui se sont tant enrichis au mépris du peuple. Quant aux « mouches », il s’agit des petits chefs qui prennent de l’argent pour attribuer un emploi, une place à l’hôpital ou à l’école. Ainsi, parmi eux, le milliardaire de l’industrie minière Liu Han ainsi que son frère et trois complices, reconnus coupables d’avoir organisé un gang mafieux ; l’ex patron de la sécurité Zhou Yongkang, le général Xu Caihou ou encore Ling Jihua, ancien bras droit du président Hu Jintao. Au total, 68 hauts responsables du Parti communiste chinois, dont le maire de Nankin, 72 000 cadres de plus bas niveau et quinze généraux ont été arrêtés en Chine. Quelque 500 fugitifs ont été rapatriés de l’étranger dans le cadre de ce que le Parti appelle sa « chasse aux renards ». Selon l’homme fort de la Chine, je le cite : « Notre courage de nous débarrasser de ce poison qui ronge nos os ne fléchira pas … Nous gagnerons notre guerre féroce contre la corruption car il s’agit là d’une « question de vie et de mort pour le Parti et pour la nation ».

2.- La Chine est le deuxième pays au monde par son produit intérieur brut PIB derrière les USA , 11285 milliards de dollars derrière les USA avec 18287 milliards de dollars mais pour une population de 360 millions d’habitants, loin devant le Japon (4882), l’Allemagne(3909) le Royaume Uni(3003) et la France (2935 milliards de dollars). Mais pour le PIB à parité du pouvoir d’achat En 2014, elle devient, selon les estimations du FMI, le premier pays au monde. Selon les données de l’organisme monétaire FMI avec 17 632 milliards de dollars contre 17 416 milliards pour les États-Unis. Toujours en parité de pouvoir d’achat (PPA), le FMI prévoit que la Chine atteindra 27 000 milliards de dollars en 2019, quand celui des États-Unis ne devrait être que de 22 000 milliards de dollars. Le secteur public continue à tenir une importante place dans la vie économique mais les entreprises privées y jouent un rôle croissant et le pays s’est fortement intégré dans le système économique mondial. Symbole de l’ouverture sur le marché mondial, la Chine est devenue membre de l’OMC en 2001 avec des entreprises concurrentielles dans de nombreux secteurs (énergie, électronique, ferroviaire, solaire, éolien par exemple).

La Chine utilise ses atouts économiques pour jouer un rôle stratégique au niveau régional et mondial montrant que la diplomatie d’un pays en ce XXIème siècle est surtout fonction de sa puissance économique et non de ressources naturelles fussent –elles les hydrocarbures car éphémères. Ainsi, la Chine a renforcé son rôle dans le processus d’intégration régionale en Asie, avec une double volonté de structurer et de stabiliser son environnement. Elle s’est pleinement intégrée aux organes multilatéraux de coopération en Asie, notamment l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation), l’ASEAN+3 (Association des nations de l’Asie du Sud-Est + Chine, Japon et Corée du Sud). Un accord de libre-échange entre la Chine et l’ASEAN est entré en vigueur début 2010. Dans le champ politico-militaire, la Chine a initié en 2001 la création de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai), qui regroupe la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Dans ce cadre régional voire mondial sur le plan économique, la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB)», cette nouvelle banque créée en octobre à l’initiative de la Chine, Londres, Paris, Berlin et Rome annoncent leur intention de devenir membres fondateurs. Encore que pour Washington, cette nouvelle institution vise directement à concurrencer la Banque mondiale, largement vue comme un vecteur de l’influence américaine dans les pays émergents ou la Banque asiatique de développement (BAD) «pilotée» par le Japon traduisant une partie d’échecs financière à l’échelle planétaire. Cependant les derniers indicateurs économiques de 2015 sont inquiétants notamment les indices PMI manufacturiers et des services publiés, qui attestent d’un fléchissement économique et renforcent l’idée d’un coup de pouce monétaire pour empêcher un ralentissement encore plus marqué.

Confrontée au ralentissement du marché immobilier mais aussi des échanges commerciaux et des investissements, la Chine s’achemine en 2015 vers une croissance de 7% soit la plus faible depuis vingt-cinq ans. La population active du pays compte 800 millions de personnes, l’agriculture occupant 33,6% de la main d’œuvre en 2012 avec 10% du PIB et l’industrie emploie environ 30,3% de la population active, avec près de 47 % du PIB. Car l’objectif est de lutter contre l’inflation et le chômage. Certes, le taux d’inflation est relativement maîtrisé, 2,9% en 2014, selon le FMI et de 1,5% selon les autorités chinoises, la baisse de la croissance de l’économie chinoise sur l’année écoulée et la baisse des prix de l’énergie sont les principaux facteurs d’explication de cette faible inflation. Le cours du yuan accroît les tensions avec l’Europe et les USA qui reproche à la chine une sous évaluation de sa monnaie pour dumper les exportations a été coté en avril 2015 est de 6,195 pour un dollar. Quant au taux de chômage en Chine, il faut un taux de croissance au minimum de 9/10% pour qu’il ne s’accroisse pas. Il est officiellement de 4,1%, un chiffre que bon nombre d’observateurs considèrent comme peu fiable étant donné qu’il n’a pas beaucoup varié ces dernières années, y compris en période de ralentissement prononcé. Une étude du Wall Street Journal montre que le taux de chômage réel en Chine est le double du niveau officiel annoncé, soit 8%. Aussi le gouvernement chinois s’il venait à augmenter, serait contraint de ralentir le rythme des réformes et d’intervenir en injectant de nouveau de l’argent dans l’économie, comme il l’a fait en 2008 avec un plan de relance de 4.000 milliards de yuans (495 milliards d’euros).

Encore que le fort excédent commercial provoqué par les exportations industrielles a permis au pays de se constituer de grandes réserves de change pour faire face à la situation. Bien que les réserves en devises étrangères de la Chine, ont plus que quadruplé depuis 2005, du fait de ce ralentissement a connu une baisse de ses réserves de change au quatrième trimestre 2014 en dépit d’un excédent de sa balance courante toujours confortable, ce qui reflète une poursuite des sorties de capitaux dans un contexte de ralentissement de la croissance pour s’établir, selon les données de la Banque populaire de Chine, à 3.820 milliards de dollars fin 2014 contre 3.890 milliards à la fin septembre. C’est que la PBOC injecte des yuans dans l’économie tandis qu’elle place une partie de ses devises en bons du Trésor américains, en dette souveraine d’autres Etats, utilisant également une partie de ces réserves pour investir dans des entreprises à l’étranger à travers son principal fonds souverain, le CIC. Je précise que depuis février 2015 , le Japon a remplacé la Chine pour devenir le premier détenteur de bons du trésor américain, selon le département d’Etat américain avec 1.224,4 milliards de dollars et la Chine à 1.223,7 milliards de dollars, s’inquiétant d’ailleurs des retraits où la somme des parts étrangères est descendue à 6.163 milliards de dollars en février 2015 contre 6.219 milliards de dollars en janvier 2015. Cependant, la population reste relativement pauvre car il faut relativiser, non voir le PIB en valeur absolu mais le diviser par la population totale : en parité de pouvoir d’achat, on évalue le PIB par habitant en 2013 à 9 800 dollars par habitant, ce qui place la Chine au 121e rang mondial. Le pays demeure toutefois marqué par des déséquilibres tant spatiaux que socio-processionnels importants : écarts de revenus entre les habitants qui expliquent les révoltes récentes pour accroître le revenu minimum ; problèmes environnementaux importants (pollution de l’eau, de l’air, des sols) ; modèle de croissance qui continue de reposer fortement sur l’investissement, au détriment de la demande des ménages. Du point de vue du déséquilibre spatial, la côte est le cœur économique du pays avec notamment Changhai, Hong Kong et Macao qui concentrent la production de richesse aux dépens des provinces de l’ouest, restées très rurales et présentant un important retard de développement.

3.- Qu’en est-il de l’économie algérienne et de ses relations avec la Chine en rappelant que la relation d’amitié entre l’Algérie et la Chine est très ancienne , la Chine ayant été le premier pays non arabe à reconnaître le gouvernement provisoire algérien en lui offrant un soutien politique et matériel dans sa quête de l’indépendance du pays. Mais dans la pratique des affaires, il n’y a pas de sentiments pouvant exister un large fossé entre les discours politiques et la dure réalité économique. Les deux tiers des échanges de l’Algérie se font avec l’Europe et si l’on inclut les Etats Unis d’Amérique ce taux dépasse les 80%. Rappelons afin de faire la comparaison avec la Chine que la population algérienne est de 39,5 millions au 01/01/2015 et que le PIB algérien est estimé à 221 milliards de dollars en 2014 par la banque d’Algérie. Les importations de biens ont été en 2014 de 60 milliards de dollars auxquels il faut ajouter 11 milliards de dollars de services soit plus de 71 milliards de dollars. Comparées à la Chine les réserves sont relativement faibles avec un décaissement des réserves de change de 15,6 milliards de dollars ente juillet et décembre 2014 et plus de 11 milliards de dollars selon le FMI uniquement pour janvier 2015 ne restant que 166 milliards de dollars au 31/01/2015 avec d’inévitables tensions au niveau de la balance des paiements à terme au rythme de cette dépense publique et si le cours se maintient à moins de 70 dollars. Les hydrocarbures représentent 33%, l’agriculture 10% du PIB, les hydrocarbures 33%, les industries hoirs hydrocarbures 4%, le BTPH / services pétroliers 9%, ces trois secteurs totalisant, les services et administrations publiques 37%, et les droits et taxes à l’importation 7%. Mais en réalité la majorité des secteurs sont irrigués directement ou indirectement par la rente des hydrocarbures, restant moins de 15/20% de segments relativement autonomes par rapport à cette rente.

Comme en témoigne la structure de l’emploi avec une forte proportion au niveau de la sphère informelle où nous avons l’agriculture avec environ 11%, l’industrie privée et publique y compris Sonatrach 14% le BTPH 17%, le commerce services 58% dont 32% sont des apprentis et des non permanents, les indépendants représentant près de 30%.Ces chiffres globaux incluent la sphère informelle qui une enquête de l’ONS représente 45.6 % de la main d’œuvre totale non agricole. Dans ce contexte d’une économie algérienne mono exportatrice et d’une économie chinoise diversifiée et surtout reposant sur une bonne gouvernance et la valorisation de la connaissance quelles perspectives pour la coopération ? L’Algérie et la Chine ont conclu un Plan de coopération stratégique global pour la période 2014-2018. Ce plan de coopération stratégique tend à impulser les relations économiques entre les deux Etats, y compris pour ce qui a trait aux investissements directs de la Chine dans les secteurs prioritaires du prochain plan quinquennal de l’Algérie, prévu pour un montant avant la chute du cours des hydrocarbures de 286 milliards de dollars. Or, les échanges commerciaux, fortement déséquilibrés, sont passés de 200 millions de dollars en 2000 à 10 milliards de dollars en 2014 contre 8,1 milliards de dollars dont 6 représentent les exportations chinoises vers l’Algérie en 2013 faisant ressortir un avantage substantiel au profit de la partie chinoise annuellement de plus de 6 milliards de dollars entre 2010/2014 (précisément 6,4 milliards de dollars uniquement pour 2014) soit plus du double par rapport aux années 2005/2006 où le déficit était de 3 milliards de dollars. Selon l’ambassadeur de Chine en Algérie à fin 2014, l’investissement chinois aurait contribué entre 40 000 à 50 000 emplois directs et 100.000 emplois indirects et que les entreprises chinoises ont investi 1,5 milliard de dollars, une somme dérisoire par rapport aux transferts de capitaux. Toujours selon l’ambassadeur, 790 entreprises chinoises sont présentes en Algérie activant notamment dans le bâtiment et travaux publics ainsi que l’import-export. Différents projets, notamment dans le bâtiment, sont confiés à des entreprises chinoises dont la Grande mosquée d’Alger, l’Opéra d’Alger et des projets de logements L’Algérie a, en effet, accordé aux entreprises chinoises des marchés de construction d’une valeur totale de 20 milliards de dollars. Une forte présence qui s’est traduit par le recensement d’un nombre impressionnant des ressortissants chinois qui se trouvent actuellement en Algérie, près de 40 000 travaillant notamment dans la construction de logements, de chemins de fer et dans plusieurs tronçons de l’autoroute est-ouest. Mais existent également l’achat d’armement de l’Algérie à la Chine. Selon l’Institut international de recherche sur la paix (Sipri) de Stockholm, la Chine a consolidé sa position de grand exportateur. Outre que les pays d’Asie et du Golfe Persique ont été les principaux importateurs d’armes de 2009 à 2014, les exportations de la chine vers l’Afrique en équipement militaire ont augmenté de 53%, les fournitures chinoises sont destinées essentiellement à l’Algérie, le Maroc et le Soudan qui s’imposent en principaux acheteurs africains de l’équipement militaire chinois.

Pour conclure, espérons que la visite du premier ministre algérien Abdelmalek SELLAL permettra de densifier la coopération dans l’investissement, l’industrie, le bâtiment, les infrastructures, les finances, l’agriculture et dans les nouvelles technologies. Outre que la majorité des échanges, y compris les exportations d’hydrocarbures, de l’Algérie se fait en majorité avec l’Europe et les USA, le reproche fréquent fait aux opérateurs chinois est de ne pas se conformer aux normes de qualité internationales par de mauvais ouvrages, engendrant des surcoûts même si au départ, lors des avis d’appel d’offre, ils avancent de bas coûts initiaux. Et surtout de profiter de l’expérience chinoise en matière de transfert managérial et technologique et rééquilibrer la balance commerciale au profit de l’Algérie.

Professeur des universités, docteur d’Etat (1974) -expert international -Dr Abderrahmane MEBTOUL