La visite de Sellal annoncée pour bientôt,La population de Laghouat partagée entre aller à sa rencontre ou le boycotter

La visite de Sellal annoncée pour bientôt,La population de Laghouat partagée entre aller à sa rencontre ou le boycotter
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De notre envoyé spécial à Laghouat, Mehdi Mehenni

La rumeur couve à Laghouat depuis ce dimanche : Sellal sera là dans les prochains jours. Mais si la jeunesse de cette wilaya semble convaincue que ceux qui prendront part au débat entre le Premier ministre et la société civile seront minutieusement sélectionnés et filtrés par les autorités locales ; elle pense plus ou moins qu’il n’y a pas matière à spéculer, du moment que le malaise est initialement identifié : chômage et logement. «Sauf si le Premier ministre viendra avec un projet d’usine clé en main», dira Farouk Slimani, un jeune militant des droits de l’homme.



Laghouat ; dimanche 21 avril 2013. Il est 18h. Dans la rue, ça discute paisiblement de l’avenir de 300 000 habitants. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal, est attendu, affirme-t-on, et la population locale semble partagée entre aller à sa rencontre ou boycotter. «Pourquoi parler encore si l’Etat sait d’avance, ce à quoi aspire la population de cette wilaya. A moins que l’on veuille calmer les esprits à travers un lot de promesses qui viendra se concrétiser dans un avenir très lointain. Nous avons déjà exigé du travail et le gouvernement a préféré distribuer de l’argent par le moyen de quelques microcrédits. Mais est-ce que cela a réglé pour autant le problème ? Les bénéficiaires de ces formules ont reconverti l’argent du contribuable dans l’achat de véhicules flambant neuf et autres luxes, au lieu d’investir dans des créneaux porteurs et créateurs d’emplois. Et on appelle ça une politique de lutte contre le chômage ! Donner des centaines de millions à des jeunes immatures, sans projets véritables et sans expérience professionnelle. C’est tout banalement désamorcer leur crise de chômage le temps d’un instant avec un futur statut d’endetté. C’est pour cela que nous n’avons pas grand-chose à dire au Premier ministre, sauf s’il vient avec un projet d’usine clé en main pour que l’on puisse discuter de quelle dimension lui donner et combien de postes d’emplois pourra générer son lancement» dira Farouk Slimani, un jeune militant des droits de l’homme, rencontré au centre ville. Ce dernier, avec un magister en droit gagne sa vie dans le commerce. «J’aurais souhaité travailler dans mon domaine. Au moins, je serais réconforté à l’idée de penser que je n’ai pas passé des nuits blanches à réviser des modules jonchés de lois, lesquels, ironie du sort, ne sont pas en mesure de me garantir le statut que je mérite dans cette société», ajoutera-t-il. Il est 18h30. A proximité du siège de la wilaya, le porte-parole du Comité des chômeurs de Laghouat arrive. Belkacem Khencha se veut catégorique : «Il y a quelque chose qui m’intrigue. Lorsqu’il s’agit de réunion en catimini, loin des yeux de la population et des projecteurs de la presse, c’est nous que les autorités locales invitent. Une démarche que nous refusons bien sûr. Mais lorsqu’un représentant du gouvernement se pointe, c’est à d’autres représentants de la société civile, qui savent caresser dans le sens du poil, qu’ils font appel. C’est la même chose qui se passera lors de la visite de Sellal, et c’est pour cette raison que nous ne prendrons même pas la peine de nous y rendre car les invités seront initialement sélectionnés et filtrés dans le but de cacher au Premier ministre certaines vérités. Ce sont les fils de notables qui seront conviés à la rencontre».

L’autre part de vérité

LG Algérie

Un peu plus tard vers 19h passées, sur l’avenue des Martyrs, un chauffeur de taxi abordé, le temps d’un court trajet, expose une autre vision de la chose : «J’ai fait des études supérieures. Après avoir obtenu ma licence, j’ai passé quelques années au chômage avant d’opter pour la profession de chauffeur de taxi avec compteur. Ici, les gens me narguent. Ils trouvent anormal le fait que je sois diplômé et que j’exerce ce métier. Mais il faut dire que je gagne plus ou moins bien ma vie ; de quoi enfin subvenir aux besoins de ma petite famille. Je n’ai pas à rester les bras croisés et passer le reste de mon existence à me lamenter sur mon sort. Nos jeunes sont partisans du moindre effort et veulent, pour la majorité occuper des postes de travail qui ne sont pas compatibles avec leurs compétences. Ils sont contre toute initiative et en même temps ils ne proposent rien. Ils veulent tous être patrons. Même si je respecte le choix de certains qui refusent d’assurer des tâches qui sont inférieures à leur niveau d’instruction. La vie est faite ainsi. C’est une question de choix pour les uns et de priorités pour les autres…». Un autre chauffeur de taxi, interrogé dans les parages, donne son impression : «Celui qui dit qu’il n’y a absolument pas de travail fait dans l’exagération. Car nous constatons depuis des années, un manque flagrant d’ouvriers dans plusieurs métiers manuels. Nous le sentons encore plus durant les jours fériés où le peu de ceux qui assurent ces tâches repartent chez eux. J’ai comme l’impression que nos jeunes veulent travailler, tout en portant des costards ou c’est plutôt tout le monde qui veut faire travailler tout le monde à tel point que personne ne travaille pour personne. Partant d’une logique ; voire d’un fantasme de boss sans pour autant accomplir le moindre effort. Je travaille personnellement comme chauffeur de taxi depuis deux ans et sur ce plan je ne m’en plains pas. Ce que je peux par contre soulever comme problème, c’est l’accès au logement. J’ai comme l’impression que je ne pourrais jamais avec mon salaire modeste, offrir un toit décent à ma famille. Il y a eu certes des constructions de logements, mais qui n’ont pas tous profité à qui de droit, en plus de leur nombre insuffisant. Je considère que c’est plutôt le logement qui représente une bombe à retardement à Laghouat».

M. M.