Aux coups s’ajoute un environnement hostile à toute dénonciation. Les obstacles juridiques et institutionnels sont multiples et parfois insurmontables. Le fait n’est pas nouveau, mais tend à prendre de l’ampleur, selon les membres du mouvement associatif qui ont participé, hier, à l’institut de santé publique au séminaire sur “la prise en charge des violences faites aux femmes” organisé par le centre de documentation de l’enfant et la femme dans le cadre du projet Matra Kap, financé par les Pays-Bas.
À commencer par les commissariats qui n’enregistrent, selon Chérifa Keddar du Réseau Wassila, que rarement la plainte d’une femme battue, si elle n’est pas accompagnée d’un homme.
Généralement son frère ou son père. Il existe, certes, d’autres moyens de dénoncer, en se rapprochant du procureur de la République ou du juge d’instruction, mais là encore, tout n’est pas gagné. La femme n’est pas assez protégée par les lois ou a du mal à faire valoir ses droits quand ils sont consacrés dans les textes juridiques dans des cas notamment de divorce abusif, de versement de pension alimentaire, la garde de l’enfant et l’octroi d’un logement. “Ce qui est appelé violence juridique est dans les lois comme la polygamie. La violence existe dans nos lois et dans notre système politique”, fait remarquer une avocate. Cette hostilité assortie de tentatives de persuader les femmes de ne pas porter plainte, on les retrouve, quelquefois, au niveau des services de médecine légale et même dans les centres d’accueil de femmes en détresse qui se transforment, affirme une participante, peu à peu en de véritables prisons.
Depuis que le réseau d’écoute “Balsam” a été mis en place par le Ciddef, 147 cas de victimes de violence ont été enregistrés. Les femmes qui ont pris contact avec ces centres d’écoute sont dans leur majorité instruites à 50% et ont un niveau universitaire ou secondaire, 23% un niveau moyen, 18% un niveau primaire et les autres sans instruction.
Dans 95% des cas, l’agresseur est un homme. À leur tête, le mari, puis les ex- maris : conjoint séparé, mari par fatiha et enfin petit ami. Dans les deux tiers des cas, les coups sont fréquents et durent depuis plus d’une année. Ils sont accompagnés de violences psychologiques dans 54% des cas. Toute une panoplie d’insultes, de remarques dévalorisantes, de chantage, d’interdictions — de sortir, de travailler, de faire des études — et de menace de kidnapping d’enfants. Fait nouveau dans notre société, les femmes qui ont contacté les centres d’écoute du Ciddef ont cité le viol conjugal parmi les sévices qu’elles subissent au côté des cas d’inceste. Et même quand une femme est épaulée par une section syndicale, elle a du mal à faire reconnaître son statut de victime de harcèlement sexuel.
“Bien des fois, avoue la responsable de la section femme de l’UGTA, nous recourons aux mutations pour éloigner la victime de son agresseur à défaut d’une solution”. “Cela peut être, en effet, une solution rétorque une participante, mais je vous ferai remarquer que c’est encore une fois la femme qu’on punit surtout si son nouveau lieu de travail est loin de son domicile”. Ce sont là, les premiers résultats de cette enquête sur la prévalence et genres de violences envers les femmes. Ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Des milliers d’autres femmes comme cette fille abusée sexuellement par son grand-père, qui entretenait en même temps une relation incestueuse avec la seconde épouse de son fils, observent le silence, encouragé par un entourage rétrograde.