La viande importée d’Inde commercialisée dès aujourd’hui Les Algériens entre la bourse et la rumeur

La viande importée d’Inde commercialisée dès aujourd’hui Les Algériens entre la bourse et la rumeur

Les clients déambulent dans les allées du marché à la recherche d’une affaire intéressante.

L’ambiance pré-ramadanesque est perceptible dans ce marché qui a la particularité de réunir dans un même endroit, tous ce dont peut avoir besoin la ménagère.

Il est midi en cette veille du mois de ramadhan. Au marché communal de Chéraga (Alger), il y a foule. Les ménagères se pressent devant les étals pour s’approvisionner en divers denrées alimentaires. Plus que deux ou trois jours avant d’entamer le mois de jeûne.

Chaque année, c’est le même rituel qui revient. Les préparatifs pour accueillir comme il se doit le mois béni s’intensifient au fur et à mesure que la date fatidique approche. Les clients déambulent dans les allées du marché à la recherche d’une affaire intéressante. L’ambiance pré-ramadanesque est perceptible dans ce marché qui a la particularité de réunir dans un même endroit, tous ce dont peut avoir besoin la ménagère. Ustensiles de cuisine, électroménages, fruits et légumes et viandes rouges et blanches. Dans l’aile réservée aux bouchers, il n’y a pas grand-monde

Il est vrai que les prix affichés donnent le tournis aux plus stoïques des acheteurs. Les prix affichés devant les devantures des magasins sont bien visibles. Les parties les plus cotés des ovins : gigots, côtelettes et épaules, placardés sur l’affichette indique entre 830 et 850,00 DA/kg. Le cœur et le foie ont pris l’escalier : 1900,00 DA/kg. Quand à la viande bovine, ses prix laissent perplexe. 1.100 à 1.300,00 DA/kg pour les parties nobles de la carcasse.

Il faut débourser 750 à 800,00 DA/kG pour les autres parties. Les quartiers avec os sont plus ou moins abordables. Il faut compter entre 650,00 à 700, 00 DA/kg. Devant notre étonnement devant les prix affichés, M. S., boucher qui tient boutique sur cette aile, nous donne une explication. « Aujourd’hui, les prix de gros ont augmenté de 30,00 DA/. Nous n’avons fait que répercuter sur notre prix de vente cette augmentation », justifie-t-il. Les clients boudent.

Il n’y a pas grand-monde. Les allées sont presque désertes. Les rares clients à la vue des prix affichés tournent les talons en maugréant des paroles inintelligibles. « C’est toujours comme ça, dès que Ramadhan pointe son nez, c’est la valse des prix et dire que le gouvernement a annoncé en grandes pompes qu’il a pris des mesures pour réguler le marché », peste quant à lui, D. R. retraité qui laisse échapper un sourire en pensant au montant de la retraite qu’il touche les 22 de chaque mois.

Les barons de la viande font la loi

« Le gouvernement a consenti à augmenter notre retraite de 7% ce mois. La revalorisation de ma retraite équivaut à un demi-kg de viande par mois », calcule notre retraité qui estime que le gouvernement fait fausse route en tentant de régulier le marché de la viande. Il laisse entendre que si l’exécutif n’avait pas fait grand bruit sur cette question, il n’y aurait pas eu, peut-être, cette augmentation de prix.

Selon lui les barons de la viande, c’est ainsi qu’il les nomme, et il est convaincu qu’ils existent ont tendance à prouver par les faits qu’ils ont mainmise sur le marché et qu’ils imposent leur loi. « Le gouvernement peut pondre les lois qu’il veut. Ce n’est pas ce qui peut dissuader ou rendre les barons de la viande plus raisonnable », dit-il persuadé que les prix continueront leur tendance haussière du moins durant les dix premiers jours du moins de Ramadhan.

L’effet d’annonce de l’exécutif est le dernier souci des chevillards qui sont trop puissants, a-t-il expliqué. « La rahma n’existe plus dans le cœur des commerçants », a-t-il déploré. Il part sans acheter, le couffin encore vide. Ce premier tour, il a commencé par les bouchers, l’a assommé. Le moral est au plus bas. Notre bonhomme qui pense déjà qu’il aura trente jours pleins à faire cette corvée est malade à cette éventualité. « Il y aura une disponibilité de la viande importée de l’Inde qui sera abordable. Elle sera cédée entre 410 et 560, 00 DA/kg », lui avait-on assuré. Il fait grise mine.

« Je ne sais ce qui a pris notre gouvernement d’aller chercher de la viande dans ce lointain pays », s’est-il interrogé. Pour lui, l’image que lui renvoient les vaches déambulant dans les rues sales de Bombay ou de Calcutta ou s’abreuvant dans les eaux du Gange le dissuade de consommer cette viande. Il veut bien croire que les carcasses de bovins qui seront mise sur le marché proviennent des Etats musulmans de l’Inde, mais les images qu’il a vue sur les télévisions du monde entier sont bien ancrées dans son esprit.

Rien ne peut effacer cela et les assurances données par les importateurs quant à la qualité de la viande, il ne les prend pas pour argent comptant. « Ils ont fait du marketing pour cette viande, mais jamais je ne pourrais goûter à cette viande. Rien que d’y penser, j’ai la nausée », a-t-il certifié. La raison l’a emporté sur le prix attractif et voilà quelqu’un qui ne sera pas tenté de goûter à la saveur de la chair des buffles indiens. Et sûrement, ils seront nombreux les Algériens qui feront l’impasse sur cette viande pour les mêmes raisons.

Du côté des bouchers, les arguments pour bouder la chair des buffles indiens ne manquent pas. « Il faut des congélateurs pour stocker cette viande », justifie A. D. boucher, sur le pas de son échoppe, guettant les clients qui avancent que « de toute façon il n’est pas intéressé pour la commercialiser ».

Les raisons, au-delà de l’absence de commodités, il explique que les Algériens, surtout durant la période de Ramadhan, préfèrent la viande du pays qui a, selon lui meilleur « goût « et donne plus de « saveur » aux plats que les femmes mijotent. Plus explicite, il avoue sa méconnaissance des procédures qu’il faut suivre pour s’approvisionner auprès des importateurs. « Est-ce qu’il faut aller sur place et avoir un camion réfrigéré ? », s’est-il interrogé. Des questions auxquelles il n’a pas eu de réponses.

Les autres bouchers installés dans cette aile réservée sont dans la même expectative. Ils ne savent rien sur ce qu’ont annoncé les offices étatiques et les importateurs privés quant à l’Association des bouchers à la commercialisation de la viande indienne. Sur l’aile réservée aux marchands de fruits et légumes, deux commerçants de viandes et poissons congelés ont pignon sur rue.

Les bouchers dans l’expectative

Les congélateurs sont bien bourrés de viandes et de poissons congelés. Les prix affichés sont uniques pour les viandes bovines : 540,00/kg avec ou sans os.

Les clients ont le loisir de choisir les parties de la carcasse qu’ils convoitent. La préférence en général va vers les parties nobles, sans os. Il n’y a pas le grand rush. Mais ils sont plus nombreux que dans l’aile réservée aux bouchers. « Est- ce de la viande indienne », s’est-t-on hasardé à demander à un marchand, affairé à servir un client.

« Non », répond-il. Le marchand nous fait savoir que la viande qu’il écoule provient d’un stock de viande du Brésil. « Nous n’avons pas encore reçu notre commande de la viande indienne», a-t-il indiqué, assurant qu’elle sera disponible chez lui la semaine prochaine. En parfait commerçant, il fait la promotion de la viande importé de l’Inde, vantant sa qualité et sa saveur. « On la prendrait pour du rosbeef », a-t-il juré.

« Elle est de couleur rose », a-t-il décrit, assurant qu’elle n’a rien à envier à la viande bovine locale. Notre commerçant ne voit pas pourquoi il s’abstiendrait de vendre cette viande du moment qu’elle répond à toutes les normes de qualité et d’hygiène.

Installé un peu plus loin, l’autre marchand de viande congelée, abonde dans le même sens. Il a commandé une certaine quantité dans un premier temps. Prudent, il dit qu’il prendra une décision définitive après les cinq premiers jours du mois de Ramadhan. « Tout dépendra de l’attitude des clients », a-t-il expliqué.

Mais, il s’attend à une certaine hésitation de ces derniers. « C’est normal », a-t-il justifié. Selon lui, « les produits nouveaux mis sur le marché, au-delà de la curiosité qu’ils suscitent, prennent du temps pour entrer dans les mœurs culinaires de nos compatriotes ». Entre les réserves des uns et des autres, les bouchers et les marchands de viande congelée qui se projettent de commercialiser cette viande, l’attentisme est de rigueur.

Le problème et il y en a un. C’est que le marché de la viande congelée est encore approvisionné par les stocks provenant du Brésil ou d’Argentine. Les prix pratiqués seront-ils les mêmes pour celle de l’Inde et celles d’Amérique. Et comment pourra-t-on faire la distinction entre ces deux labels ?

Par : Sadek Belhocine