L’embrasement de la rue continue à un moment où les citoyens demandent une plus grande part de la rente.
A la mi-décembre, le Président Bouteflika a effectué un voyage triomphal à Laghouat. Début janvier, c’est l’embrasement. Les responsables locaux ont-ils vu venir la grogne sociale? Ont-ils caché sciemment la vérité au Président? Ou bien étaient-ils obnubilés par un esprit d’autosatisfaction au point de rester insensibles aux revendications populaires?
Quelle que soit l’explication apportée à ce brusque mouvement de protestation, l’affaire est assez grave et appelle à des décisions radicales. Mais le cas n’est pas isolé. D’autres wilayas sont en proie à la colère des citoyens sans que les promesses du gouvernement d’esquisser des solutions ne soient convaincantes. Plus qu’une satisfaction des revendications matérielles, le Président avait dit à Laghouat que le renforcement du processus démocratique et l’équilibre entre les pouvoirs étaient au coeur des réformes. De quoi conclure que la crise revêt un double aspect, à savoir social et politique à la fois et que chaque mesure traitant l’un de ces volets ne peut être efficace si elle n’est pas inscrite dans une vision d’ensemble. Faute d’effet immédiat de ces annonces, le gouvernement ira certainement chercher à faire porter le chapeau aux responsables locaux. N’est-ce pas ce que la population demande en appelant au départ des walis, chefs de daïra et P/APC? Le chef de l’Etat a donné le «la» en rappelant que la bonne gouvernance est à renforcer à tous les niveaux de l’administration publique.
Il enchaîne, quelques jours plus tard, sur le thème de la défaillance de l’administration locale en Algérie qui est à ses yeux, une évidence. Le président de la République a déploré la déficience de cette administration dans la traduction sur le terrain des projets de l’Etat en matière de couverture de la demande sociale et de l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Il admet que ces efforts «ne sont malheureusement pas soutenus par une administration locale défaillante». C’était dans son message adressé aux participants aux Assises nationales sur le développement local et les attentes citoyennes. Le wali d’Alger, Mohamed Kebir Adou, n’a pas fait mieux lors d’une réunion de l’APW dans la capitale. Il pense que les élus locaux ne font rien pour apaiser la colère des électeurs. Toute cette protestation tombe au mauvais moment car les élections auront lieu à la mi-mai, ce qui ne pousse pas à la sérénité. D’ailleurs, à propos de menaces, même le ministre de l’Intérieur, Ould Kablia, a dit que les walis paieront de leurs postes en cas de fraude électorale. Le bâton, certes, mais aussi la carotte. Le gouvernement affirme que les lois sur la commune et sur la wilaya iraient justement renforcer les compétences des autorités locales. Tout en épinglant l’administration, l’Etat plaide effectivement pour le renforcement à tous les niveaux de l’administration publique. Le terme à la mode est celui de bonne gouvernance. La priorité irait à la proximité de l’administration avec les citoyens. Pour apaiser la rue, d’autres paradigmes sont à mettre sur la table. Il s’agit de jeter des ponts de coopération avec la société civile. La participation citoyenne est plus attendue pour une plus grande transparence dans la gestion des affaires de la cité. Mais Ould Kablia avertit. L’octroi de logements restera entre les mains des chefs de daïra.
Selon lui, c’est une sécurité pour les P/APC qui n’auront pas à affronter la fronde populaire. On voit bien que le divorce ne se constate pas seulement entre gouvernants et gouvernés mais que même les dépositaires de la souveraineté de l’Etat ne sont pas sur la même longueur d’onde. Pour ne rien arranger, l’embrasement de la rue continue à un moment où les citoyens demandent une plus grande part de la rente.